
Kamel Daoud est chroniqueur au Quotidien d’Oran, reporter, écrivain, auteur du recueil de nouvelles Le minotaure 504 (éditions Nadine Wespieser).
Libaniser (se faire): être divisé par une guerre civile qui en arrive à émietter le pays au point de devenir une guerre de quartiers et de communautés, une guerre entre voisins de paliers ou entre proches parents. Saddamiser: mentir pour envahir. Dire que l’ennemi a des armes de destruction massive puis dire que je me suis trompé. Saddamiser (se faire): être envahi à cause de son pétrole et de sa grande gueule, être colonisé pour se faire démocratiser puis être découvert dans un trou à Tikritt.
«Ceci est le résultat du printemps arabe», a résumé, sous couvert d'anonymat, un responsable algérien au New York Times, rapporte le site d'information en ligne TSA. C'est la nouvelle équation, épilogue de longs glissements sémantiques entre le sens de démocratie, chaos, révolution, désordre, islamistes, etc.
Le 11-Septembre est un méga-attentat qui implique des terroristes de haut niveau, un but spectaculaire, énormément d'effets médias, quelques jours de tension, des rumeurs, des vidéos amateurs, deux mille analyses par heure, de l'angoisse collective et de la mobilisation militaire.
Deux ou trois images, un drone, une info et c’est la réactivation de la dernière douleur connue par les Algériens: la colonisation française.
Qu'est-ce qu'un Sahelistan? C'est de mode: un pays vague, flou, aux frontières mobiles, selon les pick-up, avec une YouTube qui sert de chaîne de tél, une monnaie connue (les touristes capturés), une activité industrielle consacrée (enlever, décapiter, négocier ou revendre, puis prier et crier). Ceci pour les territoires ruraux du Sahelistan. Pour les zones urbaines, l'activité c'est attraper, fouetter, lapider, décapiter aussi mais aussi détruire les mausolées, les signes ostentatoires de l'humanité, les corps, les femmes, les manuscrits, les différences.
C'est l'un des dilemmes discrets des élites: faut-il laisser le peuple voter au nom de la démocratie ou sauver la démocratie en interdisant au peuple de voter? Vieille équation algérienne, aujourd'hui égyptienne, par exemple.
Qu'est-ce qu'un bain de foule? C'est un moyen de se laver de la solitude par la multitude. Seuls les régimes personnalisés en ont la passion et les moyens, généralement. Pour le reste, c'est seulement une corvée pour les passants. Donc à Tlemcen, Bouteflika a offert ce qu'il aime le plus, à François Hollande: pas un tapis, un cheval, un puits ni des clef, mais un bain de foule.
Il faut bien parler de la visite de Hollande en Algérie. Mais qu'en dire? A force de routine, ce genre de visites ne veut plus rien dire de plus qu'autrefois.
Les visites des présidents français se suivent et se ressemblent. A lire et relire le maigre programme distribué aux journalistes algériens, on a l’impression d'un remake à petit budget.
C’est la harga (émigration) 2.0. Version soft pour élites économiques, pour hommes d’affaires, agents intermédiaires. Elle ne s’opère pas avec une chaloupe, mais avec un contrat de propriété: les annonces sur des appartements en «solde» en Espagne, dans les journaux algériens, ont provoqué un renouvellement du fantasme «Andalousie mon amour».
Ça y est! Le package va être complété et livré: une APN (Assemblée populaire nationale, le Parlement algérien), des mairies puis, prochainement, une Constitution que personne ne lira et que tout le monde subira. Et, enfin, une présidentielle où personne ne pourra choisir.
L’au-delà de la mort est une préoccupation majeure chez les Algériens. Cela se traduit par le chiffre de 40.000 imams promis par le gouvernement (ils sont 26.000 actuellement pour un parc de 15.000 mosquées), par un ministère des Affaires religieuses, par des mosquées dans chaque quartier, par l'existence de plusieurs partis islamistes, mais également par le projet de
Le chômeur en Algérie est déjà un parti politique, une organisation puissante, pourchassée et redoutée. On l’arrête, on le suit, on le fiche et on «monte» contre lui des affaire genre «il a frappé la main d’un policier avec son visage» comme c’est arrivé pour Zaïd Yacine.
Les routes algériennes sont les plus meurtrières du monde, mais les responsables du pays sont parmi les plus vieux au monde.Après un terrible accident d'un bus sur les routes de l'Algérie —encore un— , et le bilan très lourd de 22 morts, le ministre des Transports, Amar Tou, a déposé sa démission. Ainsi que le directeur des Transports de la wilaya et le wali lui-même. Quand? Jamais. Cela ne se passe pas ainsi.
Que doit faire un islamiste au pouvoir face à la «cause palestinienne»? Réponse difficile: autrefois, quand l'islamiste était dans l'opposition, la Palestine était une guerre sainte facile, mais aujourd'hui l'islamiste est aux commandes: la Palestine est surtout un problème impossible.
«Cherchez le savoir même en Chine», dit un prophète dans un désert. «Cherchez l'argent, surtout en Chine», rétorque un Algérien, qui a compris. Deux élections donc, en même temps, la première télévisée, la seconde secrète, les deux se partageant notre monde: Barack Obama aux Etats-Unis, le Parti communiste en Chine qui vient de tenir son congrès électif.
Donc la «Longuetude» et la latitude. Pour la première, on le sait et on l’a vu: ce que cache la moitié de la France, ce n’est pas une histoire coloniale, un passé, une mémoire, mais quelque chose de plus «concierge», de plus bas: de la haine et du mépris et de la frustration et de l’aigreur.
Le sang a coulé en Algérie. Pas celui des Algériens, mais celui des moutons, grand produit dérivé des monothéismes qui ont remplacé le sacrifice humain par le geste de la substitution d'Abraham.
«Une barbe ne pousse pas en un seul jour». C'est le résumé, en faux proverbe des vidéos de Ghannouchi Rached, le Khomeiny tunisien, patron d'Ennahda, le parti islamiste qui a pris le pouvoir sans l'avoir arraché lui-même à Ben Ali. Ces vidéos datent de quelques mois et font le buzz tunisien. On y voit Ghannouchi en pédagogue de l'Attente, face à des salafistes grandes oreilles ouvertes.
C’est quoi un vrai chanteur raï à Oran? Voici les conditions du métier, selon la culture oranaise, dix huit ans après l’assassinat de Cheb Hasni, l’icône.
Question de fond qui interpelle les Algériens des cafés, les journaux, les ambassadeurs qui viennent de se faire accréditer et les historiens: qui gouverne vraiment l’Algérie? La question se (re)pose. Car, aujourd’hui, il s’agit de commenter la désignation d’un nouveau Premier ministre (Abdelmalek Sellal) et d’une nouvelle (vieille) liste de ministres.
1— La débrouillardise est meilleure que l'effort D'où la suivante: travailler ne sert à rien, ruser sert à tout. Cela donne l’idée de l’argent gratuit, du salaire comme butin, du bien-vacant comme droit.
Mise à jour du 1er octobre 2012: La France et l'Allemagne apporteront un soutien logistique à une éventuelle mission africaine au nord-Mali, mais excluent d'y déployer des troupes de combat, ont assuré le 1er octobre le chef de la diplomatie allemande et le ministre français de la Défense.
Des centaines de cas d’immolations en Algérie n’ont pas fait bouger le pouvoir d’un centimètre. Riche de ses puits de pétrole et de gaz, le régime semble avoir réussi à acheter tout le monde: l’opinion internationale, les chômeurs locaux, les opposants isolés et le reste du peuple assis.
Mise à jour du 27 septembre 2012: La chancelière allemande Angela Merkel a reporté une visite prévue en octobre en Tunisie, a indiqué le 27 septembre un de ses porte-paroles, alors que des tensions liées à un film anti-islam sont constatées dans plusieurs pays musulmans.Ce porte-parole a confirmé une information du quotidien Financial Times Deutschland (FTD) selon qui cette décision a été prise "d'un commun accord" entre les gouvernements des deux pays.****