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Le rêve américain des Ivoiriens
La Côte d'Ivoire doit s'inspirer des Etats-Unis d'Amérique pour sortir de l'ornière.
Il y a quatre ans, les Américains portaient au pouvoir Barack Obama, le premier homme de couleur, comme ils disent là-bas. Leur pays était alors englué dans deux guerres, en Irak et en Afghanistan, et connaissait la pire crise économique depuis celle de 1929. L’espoir fondé en Barack Obama par les Américains était à la mesure de leur désarroi. Ils attendaient quasiment de lui un miracle. Quatre ans plus tard, les Etats-Unis sont toujours en crise.
Le chômage bat toujours des records, le nombre de pauvres continue de s’accroître, leurs troupes sont toujours en Afghanistan et le camp de détention de Guantanamo est toujours ouvert, malgré la promesse de Barack Obama de le fermer. Et pourtant, en dépit de ce sombre tableau, les Américains viennent de réélire Barack Obama. Tout le monde est d’accord sur le fait qu’il n’a pas tenu toutes ses promesses, mais il a été réélu. Pourquoi donc ? Parce que les Américains sont des gens réalistes. Ils ont compris que leur crise était plus profonde qu’ils ne le pensaient, que Barack Obama l’avait sans doute sous-estimée, donc que quatre années ne suffisaient pas pour en venir à bout, et qu’il était néanmoins mieux outillé que son challenger pour diriger leur pays. Ils ont cessé cependant d’attendre un miracle de sa part.
L’histoire de Barack Obama me fait penser à celle d’Alassane Ouattara. Lorsque nous l’élisions, en 2010, nous voulions refermer la parenthèse honteuse de la Refondation, renouer avec la paix, la fraternité, la prospérité, et retrouver notre leadership dans la région et sur le continent. Oui, après les années sinistres que nous venions de vivre, nous rêvions de notre passé que nous embellissions un peu.
Un peuple se met à idéaliser son passé
Lorsqu’un peuple se met à idéaliser son passé, c’est que le présent est devenu très dur et il n’arrive plus à distinguer le futur. Il était évident pour la majorité des Ivoiriens que l’homme qui pouvait leur redonner leur Côte d’Ivoire d’antan était Alassane Ouattara. Et, tout comme les Américains attendaient un miracle d’Obama, nous aussi nous mîmes à rêver d’un miracle d’Alassane Ouattara. Parce que nous voulions qu’il réussisse tout de suite tout ce que nous attendions de lui, sans tenir compte de l’ampleur de la tâche.
Nous n’avions pas réalisé que lorsque, pendant plus de vingt ans, on sème la graine de la violence au sein de la jeunesse et qu’on l’arrose patiemment; lorsque pendant plus de quinze ans, on sème la haine dans les cœurs d’une partie de la population; lorsque pendant dix ans, on renverse toutes les valeurs, on cultive la corruption, le laxisme, l’impunité, l’irrespect, l’irrévérence, l’art de prendre des raccourcis; lorsque pendant huit ans, on vit dans un pays divisé en deux, pillé de part et d’autre; et lorsque pendant cinq mois, on se fait une guerre atroce parce que quelqu’un n’a pas voulu respecter le résultat d’une élection, il faut vraiment un miracle pour obtenir aussitôt tout ce que nous demandons en ce moment au nouveau pouvoir. Impatients, nous le sommes indubitablement.
Mais avons-nous réalisé qu’après avoir travaillé une trentaine d’années à construire un pays que tous nos voisins nous enviaient, tant pour l’harmonie qui régnait entre ses populations que pour sa richesse, nous nous sommes ingéniés par la suite, pendant les vingt ans qui ont suivi, à détruire systématiquement tout ce que nous avions construit ? Oui, il était très facile de déchirer le tissu social, de laisser les infrastructures construites à grands frais se dégrader, de creuser de grands trous dans les routes. Oui, mais reconstruire est une autre chose.
Alors, arrêtons de rêver. Ce n’est pas en deux ans que nous reconstruirons ce que nous avons mis vingt ans à détruire. Cependant, les choses peuvent aller très vite, si nous apprenons la patience, si nous découvrons à nouveau le goût de l’effort, et si nous remettons à l’endroit ce qui est à l’envers. En attendant le miracle, commençons par retrousser nos manches et à transpirer. En travaillant.
Venance Konan
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