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Ecole supérieure des Beaux-Arts d'Alger, 20 mai 2004. AFP PHOTO HOCINE ZAOURAR
Ecole supérieure des Beaux-Arts d'Alger, 20 mai 2004. AFP PHOTO HOCINE ZAOURAR

L'Algérie entre sublime et surréalisme

Pour marquer les 50 ans de l’indépendance de l’Algérie, la maison d’édition Michel Lafon publie un magnifique ouvrage, fruit d’une collaboration passionnée entre un écrivain de talent et un photographe humaniste.

Avec «L'Algérie vue du ciel», Yann Arthus Bertrand nous invitait à un voyage aérien de l'Algérie ; à travers «Impressions d’Algérie» Reza et Khadra nous racontent la beauté magique et profonde de ce pays. Mais sur le terrain, le photographe globe-trotter a vécu une expérience unique, entre le sublime et le surréaliste.

Pour rendre hommage à Khadra, qui signe pour la première fois chez la célèbre maison d’édition française Michel Lafon, un chapitre est consacré à ses souvenirs d’enfance. Son roman autobiographique «L’écrivain» a servi dès lors de trame à Reza pour immortaliser les endroits qui ont marqué l’esprit de l'auteur algérien le plus vendu au monde.

Les deux hommes se sont donc rendus en Algérie pour les besoins de ce livre. Reza a suivi le guide Khadra, sur les lieux de sa jeunesse, le temps d’un voyage mémorial.

Jusque là tout va bien dans la belle Algérie des cartes postales. C’est au moment où Reza prend congés du directeur du Centre Culturel algérien de Paris, que les choses se compliquent. Il découvre alors un pays riche de sa diversité de paysages et de cultures, mais paradoxalement fermé aux étrangers par un gouvernement rétif aux objectifs d’appareils (photo), mais très favorable aux apparatchiks.   

Le blocage bureaucratique

Son Nikon en bandoulière, le photographe, plusieurs  fois primé par  la prestigieuse World Press Photo, dont il est membre du jury aujourd’hui, a décidé de flâner dans ce vaste pays et de balader son objectif ça et là pour livrer ses «impressions».

Comme tout bon professionnel, Reza se présente d’abord au ministère de la Communication pour obtenir l’autorisation de prendre des photos. Niet, pas question!

«La dame qui m’a reçu au ministère m’a presque découragé. Elle m’a demandé de retourner en France, de formuler une demande auprès du ministère des Affaires étrangères et de revenir», raconte Reza.

Ne pouvant pas quitter l’Algérie sans mener à terme son travail pour le livre, il décide en dernier recours de se passer des autorisations et de se promener dans le pays comme «un touriste qui rencontre des gens et prend des photos»

Le parcours du combattant

Reza n’est pas au bout de sa peine.  

«Même en faisant cela, j’ai rencontré des difficultés aberrantes en Algérie».

En effet, après l’écueil  administratif, Reza s’est heurté, en Kabylie, à l’agressivité physique des gardiens des sites historiques romains et des musées, qui l’ont empêché, en usant de la force, de prendre des photos:

«Cela fait 30 ans que je parcours le monde, j’ai visité 114 pays, où chaque fois je suis accueilli à bras ouverts pour photographier des sites historiques, mais l’Algérie reste pour moi une énigme. J’aimerais poser la question au ministère de la Culture, pour savoir pourquoi on interdit aux gens de photographier ces sites», s’interroge-t-il.

Et d’ajouter méditatif: «le gouvernement algérien est en train d’empêcher le monde entier de découvrir un patrimoine historique que l’Algérie doit être fière de montrer».

Bouteflika connaît Khadra le peintre, pas Reza le photographe!

C’est vrai que Reza n’a gardé qu’un vague souvenir de l’Algérie, un pays qu’il rêvait de découvrir plus amplement et photographier. Son premier voyage dans ce pays, remonte à plus de trente ans, quand il avait accompagné à Alger Yasser Arafat, dont il était très proche.

Le journal El Watan a rapporté récemment une drôle d’anecdote (3) qui explique peut-être la mésaventure de ce photographe connu de part le monde, mais pas par tous les officiels algériens.

Lors de sa visite du dernier Salon International du Livre d’Alger (Sila), le président Bouteflika s’est vu offrir le dernier livre de Yasmina Khadra, qui n’est autre que celui signé avec Reza, «Impressions d’Algérie». Etonné par les illustrations, et sans doute n’ayant pas pris le  temps de vérifier les noms des auteurs, le chef de l’Etat demande: «Yasmina Khadra fait de la peinture ou quoi?». «C’est un livre de photos», lui précise Khalida Toumi, la ministre de la Culture.  

Un pays qui reste à découvrir

«L’Algérie reste un pays méconnu» constate Reza. Dans ce pays où le tourisme occupe une place secondaire sur l’échelle des priorités économiques du gouvernement (à cause de la rente pétrolière), contrairement au Maroc et à la Tunisie, les seules images qui le caractérisent par conséquent se résument aux clichés du Sahara et de ses grandes étendues de dunes, sous un soleil couchant.

C’est très réducteur, quand on connaît la formidable diversité des cultures et des paysages de l’Algérie.

«J’ai découvert une Algérie fascinante. C’est un pays qui m’a beaucoup marqué» témoigne Reza.

Le retour en Algérie

Malgré les tracasseries bureaucratiques, Reza a succombé au charme de l’Algérie, de sa population généreuses et «accueillante».

«Les 4 mois que je suis resté en Algérie, ne m’ont permis de découvrir qu’une petite partie de ce pays et du peuple algérien. J’ai envie de lancer une exposition itinérante des photos de mon livre. Ce sera pour moi l’occasion de retourner en Algérie pour donner des conférences et organiser des ateliers pour les photographes algériens». Y a pas photo, El Djazaire a conquis le cœur de Reza.

Fayçal Anseur

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Fayçal Anseur. Journaliste algérien.

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