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Un blogueur taxé de blasphème quitte la Mauritanie après avoir retrouvé la liberté

C'était le "plus ancien journaliste-citoyen détenu en Afrique francophone" selon Reporters Sans Frontières: initialement condamné à mort pour blasphème, le blogueur mauritanien Mohamed Cheikh Ould Mkheïtir a "retrouvé la liberté" après plus de cinq ans de détention et a rejoint le Sénégal, a-t-on appris mardi de sources concordantes.

Reporters Sans Frontières, en pointe dans la campagne internationale pour sa libération depuis des années, est "heureux d'annoncer la remise en liberté", lundi à l'aube, de M. Ould Mkheïtir, 36 ans, a indiqué mardi dans un communiqué l'ONG de défense de la liberté de la presse.

"Contacté directement par RSF, il a remercié les organisations qui se sont mobilisées pour sa libération depuis près de 6 ans", a ajouté RSF.

Son avocate, Fatimata Mbaye, a confirmé à l'AFP que le blogueur avait été "libéré du lieu où il était en résidence surveillée", une forteresse de la capitale Nouakchott selon un responsable mauritanien.

Mais il n'est "pas entièrement libre de ses mouvements", a ajouté son avocate, en indiquant qu'il avait quitté Nouakchott. Le dossier est sensible dans ce pays du Sahel très majoritairement musulman, régulièrement épinglé par les ONG pour son bilan en matière de droits humains.

"Le sieur Mohamed Cheikh Ould Mkheïtir est entré sur le territoire national (sénégalais) ce lundi 29 juillet", a indiqué à l'AFP une source sécuritaire à Dakar, confirmant une information de la presse sénégalaise.

Ses parents, se sentant menacés, avaient quitté la Mauritanie en vendant leurs biens fin 2016 pour se rendre en France, en passant par le Sénégal, selon des sources familiales.

Interrogé mardi par l'AFP sur la possibilité que le blogueur se rende en France, le ministère français des Affaires étrangères n'a pas souhaité faire de commentaire.

Emmanuel Macron s'est entretenu par téléphone lundi après-midi avec le président mauritanien élu, Mohamed Ould Cheikh Ghazouani, qui doit succéder jeudi à Mohamed Ould Abdel Aziz, selon l'Agence mauritanienne d'information (AMI, officielle). "L'entretien a porté sur les excellentes relations entre nos deux pays", indique l'AMI, sans évoquer le cas de M. Ould Mkheïtir.

- Exécution réclamée dans la rue -

Dans son article, le jeune blogueur, inconnu jusque-là, critiquait l'utilisation de la religion pour justifier certaines discriminations, dont celles visant sa communauté, les Maalmines (forgerons).

Détenu depuis janvier 2014, il avait été condamné à mort en décembre de la même année pour apostasie, son texte étant jugé blasphématoire envers le prophète de l'islam. 

Cette peine avait été ramenée en appel à deux ans de prison en novembre 2017 pour tenir compte de son repentir et il aurait donc dû être immédiatement remis en liberté. 

Mais la décision, jugée trop clémente, avait entraîné des manifestations pour réclamer son exécution, bien que la peine capitale n'ait plus été appliquée en Mauritanie depuis 1987.

M. Ould Mkheïtir était depuis lors maintenu en détention administrative, quasiment au secret, et les militants des droits de l'homme étaient "très inquiets de son état de santé physique et mentale", selon Amnesty International.

- "Immense soulagement" -

Le président mauritanien sortant, Mohamed Ould Abdel Aziz, avait le 20 juin justifié cette situation par la "sécurité personnelle" du blogueur "aussi bien que celle du pays". RSF et 11 autres ONG l'ont alors exhorté à "utiliser les quelques semaines qui lui restaient à la tête du pays pour mettre fin à la détention illégale" du blogueur.

Une commission d'oulémas a été constituée pour "suivre" le processus menant à sa libération et M. Ould Mkheïtir s'est à nouveau repenti publiquement, une condition posée par des chefs religieux pour sa libération.

"Comme je l'avais annoncé au début de 2014 et comme je l'ai répété à toutes les occasions qui s'offraient à moi devant les tribunaux, je réaffirme ici mon repentir devant Allah, le Seigneur des Mondes", a-t-il écrit dans son premier post sur Facebook depuis 2014.

"Sa libération est un immense soulagement", a réagi le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. "Pour un simple article publié sur un réseau social, il a vécu un véritable calvaire, en violation d'une décision de justice rendue par son propre pays", a-t-il dit.

AFP

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