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Gao (Nord-Mali), le 16 juillet 2012. AFP/Issouf Sanogo
Gao (Nord-Mali), le 16 juillet 2012. AFP/Issouf Sanogo

L'impossible réconciliation du Mali

Les négociations entre Ouagadougou et Ansar Dine ne semblent pas pouvoir déboucher sur une réelle sortie de crise.

Mise à jour du 14 novembre 2012: Ansar Dine, l'un des groupes islamistes armés occupant le nord du Mali, a annoncé le 13 novembre à l'AFP qu'il renonçait à vouloir imposer la charia (loi islamique) dans tout le pays, mais a exigé de pouvoir l'appliquer dans son seul fief de Kidal (nord-est).

"Nous renonçons à l'application de la charia sur toute l'étendue du territoire malien, sauf dans notre région de Kidal où la charia sera appliquée en tenant compte de nos réalités", a déclaré Hamada Ag Bibi, l'un des membres d'une délégation d'Ansar Dine présente à Ouagadougou, sans plus de précision.

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C’est assurément un geste de bonne volonté d’Ansar Dine (les défenseurs de la foi) que de vouloir négocier. Mais, n’est-ce pas trop tard?

L’on a de la peine à croire que les plus radicaux des islamistes maliens oseront aujourd’hui faire le saut: se séparer de leurs maîtres à penser et bailleurs de fonds d’AQMI (al-Qaida au Maghreb islamique).

Se séparer d’AQMI apparaît aujourd’hui aux yeux de l’opinion comme un leurre. A première vue, en tout cas, cela ne semble pas aussi évident.

Ansar Dine ne peut pas exister sans AQMI

Peut-on chirurgicalement extirper d’un ensemble gangréné un corps lui-même sain en apparence?

Une fois le divorce avec les «fous d’Allah» consommé, Ansar Dine pourrait-il survivre? Comment le mouvement va-t-il opérer, alors que les rênes du commandement se trouvent entre les mains d’étrangers sans pitié et ayant un regard condescendant vis-à-vis des nègres qui les entourent?

A moins qu’il n’y ait un agenda caché, il est peu probable de voir les islamistes du Nord-Mali s’affranchir aussi facilement de leurs tuteurs. Quelle confiance accorder encore à ces individus dont les prétentions sont connues?

Actuellement, nul ne voudra leur concéder le bon dieu sans confession. Les défenseurs de la charia ont trop longtemps fait preuve de suffisance et d’arrogance à l’égard des peuples malien et ouest-africain. Et que d’horreurs difficiles à oublier! De toute l’histoire des rébellions touareg, jamais on n’était tombé aussi bas.

Et ce qui dérange le plus, c’est qu’au nom d’un islam sans queue ni tête, des Sahéliens aient accepté de se mettre sous la coupe d’étrangers au passé sombre, pour se livrer chez eux à des exactions sur leurs propres frères, de paisibles populations sans défense. C’est pourquoi il est si difficile de croire que la greffe prendra, un jour prochain, entre Ansar Dine et le reste de la classe politique à Bamako, encore moins en Afrique de l’Ouest.

La médiation, elle, se voit en dépit de tout, contrainte d’aller jusqu’au bout de sa logique. Mais parviendra-t-elle vraiment à faire accepter les tortionnaires du Nord-Mali à leurs propres compatriotes?

Ces derniers pourront-ils fermer les yeux sur le passé amer qu’on a fait subir à leurs parents tant civils que militaires? Si tant est que le médiateur parvient à faire entendre raison aux uns et aux autres, comment faire pour intégrer les intrépides militants de la cause de la charia dans le nouveau jeu démocratique malien ?

Une réconciliation impossible

Les Maliens, on le sait, demeurent scotchés à une république laïque. Il n’y a donc rien à espérer de ce côté. Sur les bords du Djoliba (fleuve Niger), trône aujourd’hui une hydre à plusieurs têtes, avec, entre autres, «des pros et des antis tout».

Difficile d’isoler le bon grain de l’ivraie. Il faut être devin pour savoir qui est vraiment patriote, démocrate républicain, et qui ne l’est pas ? On se perd en conjectures entre ceux qui sont favorables et ceux qui sont opposés à la négociation, à l’intervention armée, à la Cédéao, aux militaires de Sanogo ou aux fidèles de l’ex-président Amadou Toumani Touré (ATT).

La situation devient chaque jour plus complexe, au point que l’on peut se demander qui, finalement, va réussir à ramener les uns et les autres à la raison, et comment? Au moins, le consensus semble définitivement acquis qu’il est temps de libérer le Nord-Mali. La machine de guerre est déjà lancée.

A moins d’un retournement de dernière minute, l’affrontement paraît inévitable. On s’y prépare. Les états-majors mobilisés aux côtés des forces maliennes sont résolus à bouter hors du Sahel les groupes extrémistes qui occupent illégalement le Nord-Mali, et menacent l’intégrité de nombreux pays ouest-africains.

Ansar Dine peut toujours chercher à négocier. Mais il lui sera certainement difficile d’obtenir une quelconque absolution. Encore moins espérer se voir si facilement intégré dans le système politique malien.

La confiance a largement eu le temps de s’éroder entre d’une part les groupes islamistes radicaux, et d’autre part les acteurs politiques et le peuple maliens. Deux images prédominent donc dans le dossier du Nord-Mali: à Ouagadougou, se mènent les négociations de dernière minute; au même moment, à Bamako, c’est la veillée d’armes.

La question qui taraude les esprits est bien celle de savoir si, en dépit des efforts déployés par la médiation, Ansar Dine sera vraiment le bienvenu dans la capitale malienne, eu égard aux précédents fâcheux qui caractérisent son itinéraire.

Le Pays

 

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