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Réparateur de bicyclettes à Kogelo, le village ancestral de Barack Obama au Kenya le 5 novembre 2012. Reuters/Thomas Mukoya
Réparateur de bicyclettes à Kogelo, le village ancestral de Barack Obama au Kenya le 5 novembre 2012. Reuters/Thomas Mukoya

Lettre ouverte à mon cher cousin Barack Obama

Le journaliste béninois Marcus Boni Teiga s'adresse au président des États-Unis, à la veille des résultats de l'élection présidentielle.

Mise à jour du 7 novembre: Barack Obama est réélu président des Etats-Unis en remportant 303 grands électeurs nécessaires. "Quatre ans de plus" a tweeté le président sur son compte personnel.

****

 

Monsieur le président des Etats-Unis d’Amérique,

Non, ce n’est pas diplomatique…

Excellence monsieur le président des Etats-Unis d’Amérique,

Non, ce n’est pas fraternel…

Très cher cousin,

Non, c’est trop familier…

Cher cousin,

Je ne sais comment commencer ma lettre. C’est drôle d’écrire à un si illustre cousin qu’on ne connaît pas. Mais ce n’est pas drôle de ne pas savoir par quoi commencer. J’ai fini par trouver les mots adéquats quand même. Car ici chez nous en Afrique, nous sommes tous des cousins.

Mais, pour ma part, je ne dis pas «cher cousin» pour reprendre une formule typiquement africaine. Nous sommes bien cousins même si c’est un peu à l’africaine. Et pour ceux qui pensent que je cherche à me faire passer pour le cousin d’une des personnalités les plus illustres au monde, je leur démontrerai le contraire.

D’emblée, je voudrais me faire excuser d’abord par votre Haute Autorité comme on dit chez nous au Bénin quand on veut flatter l’ego du président de la République. Et cela quand on ne l’appelle pas demi-dieu. Ensuite, je me dois de me faire excuser par le peuple américain et enfin par mes lecteurs occidentaux, pour la simple et bonne raison que je ne devrais pas vouvoyer un cousin conformément aux lois et traditions du pays, fut-il président des Etats-Unis d’Amérique.

Cela n’a rien voir avec un quelconque manque de respect, loin s’en faut. C’est que tout simplement le vouvoiement n’existe pas chez nous. En effet, nos ancêtres, les Luo, ne faisaient guère de différence entre un homme et un homme. Quel que fût son âge ou sa fonction. Je te remercie donc d’avance pour ta bonne et fraternelle compréhension.

Un papa kényan

J’ai parlé tantôt de Luo, et je suppose que ce mot à lui tout seul doit te dire beaucoup de choses. C’est grâce à lui que j’ai su que nous sommes des cousins, un peu à l’africaine quoi… ? Pardon! Je devrais éviter de parler un français africain.

Au hasard de mes recherches ô combien passionnantes sur l’histoire de la Nubie antique, j’ai découvert que ton père était Luo du Kenya. Et comme tous les Luo du monde entier ont à l’origine un seul et même ancêtre commun, c’est-à-dire Yaloh ou Yoloh ou Yoluo, j’ai tout de suite compris que nous sommes des cousins, tellement lointains que je ne t’aurais jamais connu si tu n’étais devenu président des Etats-Unis d’Amérique.

Cher cousin, crois-moi, l’idée de cette lettre m’est venue après que j’ai découvert à travers mes recherches sur les origines de mes propres ancêtres que tu portes un nom prédestiné chez les Luo, c’est-à-dire Obama. Cela va peut-être te faire sourire.

Et c’est bien là le mobile principal de cette lettre. Car je suppose qu’après cette longue et stressante campagne électorale que tu as dû affronter, il t’en faut bien de temps en temps. C’est un bon médicament pour rassurer les Américains et leur redonner confiance en leur montrant que tu as la situation en main. Même après le tristement célèbre passage de l’ouragan Sandy.

«Yes, we care»

Si les Américains ne te voient pas tout sourire, ils vont se dire que tu n’es plus sûr de toi, et que tu dis maintenant: «Yes, we can not». Or le «canot», ça évoque des catastrophes et des sauvetages.

 Quand il n’y a plus d’espoir. Mais avec le sourire, ils comprendront que tu leur dis: «Yes, we care…», que tu veilles au grain concernant la crise économique et son corollaire de hausse du chômage notamment. Comme pour l’Obamacare! Et que tout va bien, ou du moins que tout ira bien…

Tu vois, cher cousin, chez nous ici en Afrique, nous sommes éternellement en crise. Et le chômage, c’est notre pain quotidien. Mais grâce au sourire que nous arborons aussi éternellement, nous ne la ressentons même plus. C’est cela, notre potion magique, notre antidote.

C’est un anesthésiant à toute épreuve. Ainsi, même assommés par la crise perpétuelle, nous continuons toujours à sourire, ce qui facilite la tâche à nos chefs d’Etat qui peuvent continuer à nous diriger comme des bêtes de somme. Tout en sourire, sans penser au lendemain, sauf quand il arrive et qu’on ne le voit même pas.

Les origines de ton prénom

Obama est composé de deux noms: Ouoro qui a été grécisé en Horus (dieu faucon en Grec) et Bama ou ceux qui font le rituel traditionnel d’initiation des Luo. Ouoro dont la forme elliptique est O était le symbole du pouvoir du temps de nos ancêtres, les Luo. De nos jours encore, tout chef ou président de la République porte le nom de Ouoro ou Wollo.

Du temps de nos ancêtres, le Wollo ou Ouoro cumulait la fonction politique avec la fonction religieuse. D’où le Bama qui suit le nom Ouoro ou Wollo. En fait, Obama est un diminutif de Wollo-Bama ou Ouoro-Bama. Si je dois conclure sans entrer dans les détails, cela signifie que ton ancêtre duquel tu as hérité ce patronyme était le chef chez qui toute la tribu devait sacrifier au rituel traditionnel d’initiation et de passage à l’âge adulte.

Voilà, cher cousin, pour la petite histoire. Quand tu auras beaucoup plus de temps pour me lire après l’élection présidentielle du 6 mai, je m’évertuerais à t’écrire une plus longue lettre. Je t’écrirais alors une longue lettre, dans le plus pur style lointainement fleuri et parabolique des traditions Luo. D’ici à là, je te souhaite une bonne chance pour ta réélection et du courage face à la crise économique.

La dernière faveur

Je ne saurais terminer ma lettre, comme il est de tradition en Afrique quand on écrit à un cousin qui a réussi en Afrique ou en Occident, sans te demander une faveur. Nous autres Africains, nous adorons les faveurs. Nous préférons le favoritisme, le clientélisme à la méritocratie contrairement à vous aux Etats-Unis.

Même moi, je suis incorrigiblement africain en cela, tu vois…! Décidément, un Africain reste incorrigiblement Africain. Mais ma faveur est simple:

Si tu es réélu à la présidence des Etats-Unis d’Amérique, je te demanderais de ne plus recevoir aux Etats-Unis d’Amérique tous les chefs d’Etat africains qui ne seront pas élus de façon transparente.

Je ne dis pas démocratique, parce que dans démocratie, chaque chef d’Etat africain y met ce qu’il veut. En effet, à devenir de moins en moins regardant comme la Chine et la Russie dans la gouvernance démocratique de nos pays, l’aide des démocraties occidentales à l’Afrique ne servirait à rien. Dont acte !

Marcus Boni Teiga

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Marcus Boni Teiga

Ancien directeur de l'hebdomadaire Le Bénin Aujourd'hui, Marcus Boni Teiga a été grand reporter à La Gazette du Golfe à Cotonou et travaille actuellement en freelance. Il a publié de nombreux ouvrages. Il est co-auteur du blog Echos du Bénin sur Slate Afrique.

Ses derniers articles: Lettre à mon cousin Barack  A-t-on vraiment voulu tuer Boni Yayi?  Il faut privilégier les Bleus évoluant en France 

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