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Kenya - Les Chinois arracheurs de «dents d’éléphant»

Jusqu’à peu, les 1.200 éléphants du parc national d’Amboseli (sud du Kenya) et les 7.000 éleveurs masaï habitant dans les plaines alentour vivaient en parfaite harmonie. Les Masaï, croyant les pachydermes dotés d’une âme, ne les tuaient pas. Mais «le besoin d’argent a changé le cœur des Masaï», confie un membre de la tribu dans un long article du magazine américain Vanity Fair.

Les Masaï ont été touchés de plein fouet par le recul de l’activité touristique après les violences postélectorales de 2008, puis la sécheresse de 2009 où ils ont perdu une partie de leur bétail.

Depuis 5 ans, des cadavres d’éléphants sont régulièrement découverts dans le parc d'Amboseli. Les braconniers s’en prennent aux plus beaux mâles, pour leurs immenses défenses d’ivoire. En s’attaquant ainsi aux reproducteurs, ils menacent l’espèce d’extinction.

Car l’ivoire est une manne juteuse. Son prix de vente sur le marché noir atteint des sommets. La livre s’échange à 488 euros, sachant que deux défenses d’éléphants font 12,6 livres d’ivoire.

Le braconnage finance ainsi les troupes rebelles armées, à l’instar du groupe islamiste somalien al-Shabaab, lié à al-Qaida:

«Ce n’est pas une position enviable que de partager 1.700 km de frontières avec trois pays en guerre civile inondés d'armes; la Somalie, la Soudan et l’Ethiopie. Seule une opération militaire pourrait stopper le braconnage dans le Nord», souligne Julius Kipng’etich, le directeur du service kényan de protection de la vie sauvage.

L’ivoire récupéré sur les éléphants prend ensuite la direction de la Chine:

«Il n’y a pas eu de braconnage pendant 30 ans au Kenya avant qu’une entreprise chinoise obtienne un contrat pour construire une autoroute de 112 kilomètres, indique Vanity Fair. Près de 90% des personnes arrêtées en possession d’ivoire à Jamo Kenyatta [l’aéroport de Mombassa, ndlr] sont des ressortissants chinois».

Les classes moyennes émergentes de l’Empire du Milieu sont friandes de bijoux et objets en ivoire. Surtout que, d'après un sondage, 70% des Chinois pensent que les défenses d’éléphant tombent puis repoussent, et que les acheteurs ne font donc que les ramasser. D’ailleurs, le mot chinois pour les «défenses» signifie «dents d’éléphant».

Cette croyance coûte la vie à 100 éléphants par jour, soit 36.500 par an selon International Fund for Animal Welfare. Et le Kenya n'est pas le seul à pâtir de ce braconnage; 37 pays africains sont également touchés par la pratique. Il existe pourtant depuis longtemps des substituts à l’ivoire très ressemblants, faits de bois ou d'os.

Lu sur Vanity Fair