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Les spots politiques les plus racistes de l'histoire américaine
Les campagnes électorales aux Etats-Unis ont presque toujours été marquées par des clips vidéo aux forts accents de racisme. Petit florilège.
Chaque cycle électoral produit au moins un spot qui reste gravé dans les mémoires des électeurs, des experts et des observateurs politiques, longtemps après que le candidat perdant a été relégué dans la catégorie questions pour jeux télévisés.
En 2008, c’était le spot 3 a.m. (3 heures du matin), qui invitait les spectateurs à se demander qui, dans un monde menaçant, ils préféreraient voir répondre au fameux «téléphone rouge» de la Maison Blanche.
Hillary Clinton a peut-être perdu les primaires, mais elle a gagné le concours de spots politiques haut la main avec l’une des vidéos les plus efficaces de ces derniers temps.
La campagne électorale américaine actuelle a produit sa part de spots mémorables, notamment un qui est pronostiqué comme potentiellement efficace par certains, à la charge raciste par d’autres.
Ce spot controversé du candidat républicain Mitt Romney veut dépeindre Barack Obama sous les traits du président du welfare.
Que ce spot en appelle au racisme de l’électorat reste peut-être à débattre, mais il ne fait aucun doute que c’est une stratégie qui a fait ses preuves dans la politique américaine.
Les spots de campagne indéniablement racistes ont toujours été légion. The Root examine les pires des pires, dans le désordre.
Hands (Les mains), 1990
Il n’est pas franchement surprenant qu’un homme tristement célèbre, pour avoir sifflé et chanté de façon délibérément insultante l’hymne confédéré Dixie au nez du sénateur noir Carol Moseley Braun, soit également responsable de l’un des spots les plus outrageusement racistes de l’histoire politique américaine.
Ce qui est plus étonnant en revanche, c’est que le spot en question, qui montre les mains d’un homme blanc froissant une lettre contenant la réponse négative à sa demande d’emploi, ait été créé par un membre d’une minorité raciale.
C’est pendant sa campagne de réélection étonnamment compétitive contre le candidat démocrate afro-américain Harvey Gantt en Caroline du Nord, en 1990, que l’équipe de campagne du sénateur Jesse Helms a diffusé le spot Hands.
Créé par le consultant politique cubano-américain devenu collaborateur à CNN, Alex Castellanos, Hands s’adonnait à un discours politique apte à semer la discorde raciale comme jamais, accusant Gantt d’être le roi des quotas raciaux et, par extension, le grand croquemitaine noir menaçant la classe moyenne américaine blanche.
Debbie Spend It Now (Debbie panier percé), 2012
Visiblement, l’ancien représentant Pete Hoekstra est passé à côté de la note qui lui signalait que se lancer dans de grossiers clichés racistes pouvait être perçu comme... du racisme, justement, par le groupe ethnique visé.
Ce spot —qu’un petit malin de son équipe de campagne a estimé génial au point de le faire diffuser lors du Super Bowl Sunday— use de l’un des stéréotypes les plus puérils qui soient sur les Asiatiques.
Le spot a en effet fini par attirer l’attention sur Hoekstra —mais pas celle qu’il convoitait. Il a été dénoncé quasiment à l’unanimité —excepté par les racistes.
Willie Horton, 1988
Michael Dukakis, gouverneur du Massachusetts, avait déjà bien du chemin à faire dans sa campagne contre le vice-président de l’époque, George Bush, mais ce célèbre spot n’a rien fait pour arranger son cas.
Si le concept du spot n’est pas nécessairement raciste en soi (il utilise l’histoire de l’assassin Willie Horton pour comparer les positions distinctes des deux candidats en termes de politique judiciaire), son imagerie est digne de celle d’un recruteur du Ku Klux Klan (organisation suprématiste blanche protestante des Etats-Unis fondée en 1865).
Horton ne donne pas seulement l’impression d’être un criminel, mais aussi l’exemple ultime de l’homme noir qui fait peur, et par conséquent l’incarnation de tous les stéréotypes négatifs que certains Américains blancs entretenaient au sujet de tous les hommes noirs et de tous les noirs en général.
The Wave (La vague), 2010
Sharron Angle, candidate républicaine haute en couleurs qui chercha à supplanter le leader de la majorité démocrate Harry Reid au Sénat, n’a peut-être pas remporté cette campagne électorale. Mais elle a quand même gagné une distinction.
En effet, pour Rachel Maddow, de la chaîne MSNBC, la campagne d’Angle était la plus «ouvertement raciste» du cycle électoral de 2010.
Angle doit en partie ce douteux honneur à son spot de campagne intitulé The Wave, qui indigna les Latinos en montrant des «vagues» d’Hispano-Américains traversant la frontière pour rejoindre des «gangs violents».
Sans titre, 1968
Lorsqu’on sait qu’il fut l’un des ségrégationnistes les plus notoires du monde politique américain, on peut trouver ce spot du gouverneur de l’Alabama (Etat populaire et très conservateur du sud des Etats-Unis), George Wallace, relativement réservé par rapport à la moyenne de ceux des racistes déclarés.
Mais Wallace se présentait à la fonction présidentielle, il savait qu’il lui fallait modérer son langage, s’il voulait séduire les Américains qui n’avaient pas pour habitude de qualifier systématiquement tous les noirs américains de «nègres».
A la place, Wallace évoque des idées a priori inoffensives, comme les «droits des Etats».
On pourrait se demander, le droit des Etats à faire quoi?
Surprise, surprise, il veut parler des droits des Etats à appliquer des politiques comme la ségrégation.
Certes, il n’utilise pas le mot «nègre», j’imagine qu’il faut lui accorder au moins ça.
Give Me Your Cash, B**** (File-moi ton blé, salope), 2011
Ce spot est tellement raciste et outré que si on l’avait soumis à l’appréciation de l’humoriste le plus paillard et du Ku Klux Klan, avant de le diffuser, ils auraient sûrement tous dit: «ça va trop loin.»
Ce qui est probablement la raison pour laquelle ce spot à petit budget visant la candidate démocrate au Congrès Janice Hahn a été relégué sur Internet.
Il a fait grand bruit —et provoqué un bon retour de bâton, avec ses rappeurs violeurs entourés de strip-teaseuses, proférant des paroles lourdement misogynes et entremêlées de jurons, le tout au nom de la politique.
Mais la réaction brutale qu’il a provoquée s’est avérée l’un des éléments les plus bénéfiques de la campagne de Hahn. Elle a gagné et siège aujourd’hui au Congrès.
Welcome Prize (La prime de bienvenue), 2010
Lorsqu’on sait que le sénateur américain David Vitter a réussi à survivre à un scandale impliquant la prostitution, alors qu’il se présentait sous l’étiquette des conservateurs, il ne devrait étonner personne qu’il sache se battre avec poigne —et donner des coups bas quand sa survie politique est en jeu.
C’est ce qu’a montré sa campagne avec toute une série de spots cinglants dirigés contre son concurrent de 2010, l’ancien Représentant Charlie Melancon.
Si Melancon a probablement trouvé la plupart de ces vidéos insultantes, la communauté hispanique s’est sûrement sentie particulièrement offensée par ce spot qui, dans son attaque des immigrants clandestins, renforce de consternants stéréotypes sur tous les Latino-Américains.
Keli Goff (correspondante politique de The Root)
Traduit par Bérengère Viennot
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