mis à jour le

Comment nettoyer la Côte d'Ivoire de haut en bas
Le régime du président Alassane Ouattara a entrepris un vaste chantier de lutte contre l'insalubrité. Pour l'éditorialiste Venance Konan, cela ne peut être que le reflet d'ambitions saines pour les Ivoiriens.
Une des choses que nous avions le plus déplorées durant le règne de Laurent Gbagbo était la saleté de nos villes, et plus particulièrement Abidjan, notre capitale économique.
Pendant de longs mois, nous avions vécu au milieu des ordures, des mouches, des souris, des rats et des moustiques, dans la puanteur. Nous étions étonnés de constater que nous ne savions plus comment nous débarrasser des ordures que nous produisions.
Ont-elles fini par contaminer aussi nos âmes? La crise postélectorale que nous avons connue a exposé la laideur morale de bon nombre de nos compatriotes. Pouvait-il en être autrement d’hommes et de femmes qui vivaient dans les ordures? Quand on vit au milieu des immondices, on finit par s’en accommoder et l’on n’en sent plus les odeurs pestilentielles.
Et, petit à petit, on finit par adopter les comportements des bêtes dont les ordures sont le milieu naturel, telles que les rats, les souris, les chiens errants. Les quartiers les plus sales de nos cités sont généralement ceux où il y a le plus de violence.
Une question de volonté politique
Vivre dans la saleté est-il une fatalité? Non, c’est juste une question d’éducation ou de volonté, car balayer sa maison et devant celle-ci est la chose la plus facile et la moins coûteuse à faire.
Pourquoi nos villes sont-elles sales? Parce que nous n’avons pas décidé de les rendre propres, et dans notre laxisme qui nous a poussés à accepter les crimes les plus abominables, jeter ses ordures dans les rues était la moindre des choses.
Lorsque le pouvoir actuel s’est installé, il a débarrassé la ville d’Abidjan d’une bonne partie de ses ordures en deux temps trois mouvements. Ce qui signifie que c’était juste une question de volonté et non de moyens. Mais après?
Si nous avons été heureux de voir que notre ville était devenue moins sale, nous ne pouvons pas pour autant dire qu’elle est redevenue propre. Il suffit de sortir des grandes artères et d’entrer dans nos quartiers, surtout les plus peuplés, pour le constater. Et c’est la même chose dans toutes nos villes de l’intérieur du pays.
La ministre Anne Désirée Ouloto a dégagé les voies encombrées d’Abidjan et de certaines villes; elle a fait détruire des constructions anarchiques, mais elles ont repoussé sitôt qu’elle a tourné le dos.
Nous continuons de jeter nos mouchoirs en papier, peaux de banane et autres déchets dans les rues, nous faisons nos besoins sur les trottoirs, et chaque fois que nous allons faire nos courses, nous ramenons des sachets en plastique qui finissent dans nos poubelles avant de se retrouver à la décharge ou n’importe où.
Or, ces sachets en plastique ne sont pas biodégradables et ont une durée de vie qui dépasse le siècle. Si nos lagunes qui faisaient la beauté de notre capitale sont en train de mourir, c’est aussi à cause de ces sachets. Et de toutes les saletés domestiques et industrielles que nous y déversons, tous les jours.
Si vivre dans la saleté n’est pas une fatalité, que faisons-nous? Si avoir des villes propres est une question de volonté, qu’attendons-nous pour l’afficher?
Sensibiliser d'abord et sanctionner après
Nos références, en matière de propreté urbaine, sont Accra, la capitale ghanéenne, et les villes européennes, particulièrement celles de la Suisse.
Nous devons remarquer que l’on parle de la propreté d’Accra depuis que le Ghana est devenu le modèle de la démocratie réussie dans notre région et connaît un boum économique qui fait rêver.
Tout cela ne va-t-il pas de pair? Sommes-nous capables d’avoir des villes aussi propres? Si la réponse est positive, qu’attendons-nous? Il y a bien des ministères chargés de la Salubrité urbaine, de l’Environnement et du Développement durable, de la Santé. Qu’attendent-ils pour lancer l’opération de conscientisation de nos populations sur ces questions?
Je l’ai dit dans un précédent article: les villes les plus propres ne sont pas celles que l’on balaie le plus, mais celles que l’on ne salit pas.
Un confrère de la télévision ivoirienne m’a raconté qu’un jour, en visite en Israël, il a jeté de son bus le petit sachet en plastique qui contenait les cacahuètes qu’il venait de manger. Le chauffeur du bus l’ayant vu le faire à travers son rétroviseur, a arrêté le véhicule, est descendu ramasser le sachet et, sans dire un mot, s’est remis à son volant.
Ce confrère soutient que depuis ce jour, il s’abstient de jeter quoi que ce soit par terre. Au Rwanda, ils ont tout simplement interdit tout sachet en plastique dans le pays. Tous les voyageurs débarquant à l’aéroport de Kigali sont minutieusement fouillés et tous leurs sachets en plastique confisqués.
Dans des pays anglophones tels que l’Ouganda, le Ghana ou le Liberia que j’ai récemment visités, il est même interdit de fumer dans les lieux publics. Et les regards des passants suffisent à dissuader le plus gros fumeur d’allumer une cigarette dans la rue.
Alors, si nous voulons des villes propres qui reflètent la propreté de nos âmes et de nos ambitions, commençons maintenant à conscientiser et à sanctionner. Nous y gagnerons tous.
Venance Konan
A lire aussi
Comment l'Atlantique menance les Ivoiriens
Abidjan, la ville aux milles rumeurs