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Ethiopie: Meles Zenawi, le libéral à géométrie variable
Après 21 années à diriger l'Éthiopie, le Premier ministre laisse un héritage économique considérable. Mais son dirigisme imprègne en profondeur les rouages de l’économie.
Il avait l’image d’un «lecteur assidu de The Economist et des rapports de la Banque mondiale» et «avait acquis toutes les astuces des grands donateurs», relate l’AFP, qui rappelle également que Meles Zenawi, arrivé au pouvoir en 1991, avait su gagner la confiance du président américain Bill Clinton, qui avait vu en lui l’un des possibles «dirigeants de la renaissance» africaine.
Elève modèle
Cette posture de leader moderne a beaucoup servi Meles Zenawi: l’Éthiopie a régulièrement su obtenir l’aide des institutions financières internationales, au point d’être considéré dès les années 1990 comme un «bon élève» de Bretton Woods.
Meles Zenawi a su tirer profit du mouvement de reflux de l’économie socialisante dans la foulée du démantèlement de l’union soviétique.
En prenant le pouvoir en 1991 en menant la guérilla contre le président du régime socialisant alors en place, Meles Zenawi a abandonné le modèle centralisé d’économie étatisée et planifiée pour convertir l’Éthiopie à l’économie de marché.
Pour séduire les investisseurs internationaux, l’Éthiopie avait même su prendre le risque de dévaluer sa monnaie, en 2010.
Entre économie de marché et strict dirigisme
En matière agricole, l’arrivée au pouvoir de Meles Zenawi a signifié la dissolution des exploitations agricoles collectives, avec une redistribution des terres au niveau local.
Toutefois à partir de 2008 c’est aux investisseurs privés que l’Éthiopie a décidé de réserver son foncier agricole, qui intéresse des pays comme la Chine.
Ainsi, fin 2009, c’était déjà 607 000 hectares de terres agricoles que l’Éthiopie avait vendu à des investisseurs étrangers, selon la Banque mondiale.
Le libéralisme de Meles Zenawi s’est toutefois bien accommodé d’un certain dirigisme aux accents népotiques: ainsi, une large part de l’économie est contrôlée par des entreprises qui sont des émanations du parti au pouvoir, le EPRDF (Ethiopian People's Revolutionary Democratic Front), comme Guna sur le marché du sucre.
Mais le dirigisme économique de la politique de Meles Zenawi restera incarné dans sa politique de grands travaux, notamment d’ambitieux barrages hydroélectriques, comme le Gilbel Gibe 3, décrié tant par les défenseurs de l’environnement que par la diplomatie égyptienne.
Une croissance trompeuse
Quoiqu’encore frappé par une pauvreté endémique, l’Éthiopie enregistre un taux de croissance du PIB plus qu’encourageant, évoluant entre 7% à 13,6% de 2004 à 2012, selon les données compilées par African Economic Outlook.
Toute proportion gardée, on présente parfois l’économie éthiopienne comme un «dragon» ou un «tigre» asiatique du continent africain, avec le Ghana.
Mais cette croissance reste celle d’un pays qui a beaucoup de chemin à parcourir, alors que 8 personnes sur 10 vivent encore de l’agriculture de subsistance et que l’aide alimentaire mondiale est incontournable pour les laissés pour compte du système.
Antony Drugeon
Cet article a d'abord été publié sur Marchés Tropicaux & Méditerranéens
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