mis à jour le

La Côte d'Ivoire sera-t-elle cigale ou fourmi?
Pour Venance Konan, ce n’est pas parce que la conjoncture économique devient favorable qu’il faut s’endormir sur ses lauriers. Au contraire, il faut semer, pour récolter les dividendes plus tard.
Tous les clignotants qui, pendant longtemps, étaient au rouge très foncé se sont remis au vert.
La ville historique de Grand-Bassam, à l'est d'Abidjan, a été classée au patrimoine mondial de l’Unesco, de nouvelles compagnies aériennes ont retrouvé les pistes de l’aéroport d’Abidjan, les investisseurs envahissent nos hôtels, la BAD (Banque africaine de développement) revient à la maison, après nous avoir fait quelques infidélités avec la Tunisie, et nous nous apprêtons à l’accueillir comme l’enfant prodigue de la Bible, en lui sacrifiant le veau gras.
Décidemment, notre pays est redevenu très fréquentable; et c’est tant mieux pour nous.
Mais le plus important est que nous avons, enfin, obtenu d’être classé «Pays pauvre très endetté» (PPTE), ce qui nous permet d’avoir une réduction très importante de notre dette et, ainsi, de pouvoir souffler un peu.
Cela fait longtemps que nous courions derrière ce fameux PPTE. Nos amis du FPI (Front populaire ivoirien, parti de Laurent Gbagbo) disent que c’est aussi le couronnement du travail qu’ils ont accompli et qu’ils devraient, eux aussi, être associés aux félicitations.
Eh bien, félicitations à vous aussi, amis Refondateurs! La victoire a toujours plusieurs pères. Seule la défaite est orpheline.
Bien gérer en ces temps de crise
Il s’agit maintenant, pour nous tous, de bien gérer cette bouffée d’oxygène qui vient de nous être accordée.
Notons, au passage que la très lourde dette n’est pas une spécialité africaine, puisque la crise que traversent, en ce moment, de nombreux pays européens est celle d’un endettement devenu insupportable.
Aujourd’hui, la Grèce ne sait plus quoi faire pour sortir la tête de l’eau. Les fonctionnaires grecs ont vu leurs salaires baisser de façon drastique et les hôpitaux de ce pays qui manquent désormais de tout ne sont pas loin de ressembler aux nôtres.
La situation de l’Italie, de l’Espagne et de l’Irlande n’est pas loin de celle de la Grèce.En France, même si le gouvernement refuse d’utiliser le mot austérité, le fait est que tout le monde doit se serrer la ceinture.
Le pays est aussi très endetté et les déficits colossaux. Toute l’Europe est occupée à gérer sa crise, à sauver ceux de ses membres qui ont vécu un peu ou beaucoup trop au-dessus de leurs moyens.
Ce n’est pas le moment de quémander ou gaspiller
Dans un tel contexte, les pays africains qui ont pour habitude de tendre la main à la France, en particulier, et à l’Europe, en général pour boucler leurs fins de mois ont intérêt à aller se faire voir ailleurs, ou à apprendre à compter sur eux-mêmes.
La leçon que nous devons en tirer est que nous devons gérer avec intelligence les économies que nous allons réaliser avec la réduction de notre dette.
Si nous nous comportons comme la cigale de la fable, en faisant la fête tous les jours, en distribuant généreusement notre argent à tous nos amis et parents, nous risquons de nous retrouver fort dépourvus à la fin de l’été.
La grosse erreur serait de croire que le statut de PPTE annonce le temps de la cueillette et des ripailles.C’est plutôt celui des semailles et de l’effort.
Il est temps de semer
C’est maintenant, avec les économies que nous allons réaliser, le temps de planter, semer les graines et les arroser pour que la moisson soit plus abondante, demain.
C’est le temps des investissements, des réparations de nos routes, de la construction des barrages qui doivent nous fournir de l’électricité et de l’eau, des écoles et des universités qui doivent former notre jeunesse, des hôpitaux pour nous soigner, du développement de notre agriculture vivrière, afin de transformer notre pays en grenier de l’Afrique de l’Ouest, tout en donnant du travail et des revenus à des milliers de jeunes gens.
Notre pays en a le potentiel. Le riz, la banane, l’igname, le mil, le sorgho, le fonio, le manioc qui donne l’atiéké tant prisé à travers le monde, poussent partout, du nord au sud, de l’est à l’Ouest.
Ce que nous ne paierons plus à nos créanciers devrait servir à développer toutes ces cultures, afin d’accroître nos ressources.
Notre propre histoire, ainsi que celle que vivent certains pays européens devraient nous enseigner la prudence en ces temps de PPTE.
Intégrons l’idée que l’obtention de ce statut n’est pas la fin des efforts, mais plutôt le début d’une gestion plus rigoureuse, orientée beaucoup plus vers les investissements que vers la redistribution.
Venance Konan (Fraternité Matin)
A lire aussi
Côte d’Ivoire: le grand retour sur la scène internationale