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Pourquoi les femmes veulent rester vierges

Quelle place pour la virginité dans les sociétés modernes?

Si la libéralisation des mœurs et l’émancipation de la femme ont permis de relativiser l’importance de la virginité avant le mariage, des mouvements vont à contre-courant de ce point de vue.

Cette contradiction entre une vision moderne de la société et une autre plus conservatrice est le pivot du dernier ouvrage de l’historienne et féministe Yvonne Knibiehler, La virginité féminine. Mythes, fantasmes, émancipations, présenté par le quotidien Le Monde:

«Alors que la virginité féminine semble avoir perdu toute sa valeur au temps de la révolution sexuelle, le mouvement No Sex prospère aux Etats-Unis et les hyménoplasties —la reconstruction de l’hymen— se multiplient discrètement en milieu musulman.»

Comme nous l'avons déjà traité sur Slate Afrique, le recours à l’hyménoplastie pour les musulmanes est une pratique en pleine explosion. Un constat qui révèle une contradiction intrinsèque dans certaines sociétés: la libéralisation de la sexualité se fait en marge d’un conservatisme religieux et culturel, qui exige la «pureté» de la femme le soir de ses noces.

Ce qui est intéressant dans le discours d’Yvonne Knibiehler, c’est son point de vue sur le double pouvoir de la virginité. D’une part, lorsqu’une femme choisit de rester vierge, cela lui permet de s’émanciper de l’emprise de l’homme. C’est ce qu’elle a expliqué au Monde:

«La virginité est un désir d’autonomie et d’indépendance. Quand on accepte de se faire déflorer, on va être dans la dépendance du sexe masculin. Une femme qui veut rester vierge n’accepte pas les transformations qu’un homme peut faire sur son corps (…) Quelque part, c’est une forme de féminisme (…) La virginité a été un moyen d’échapper à un système qui instrumentalise la femelle humaine au service des lignées masculines ou du plaisir masculin.»

D'autre part, contrôler la virginité de la femme permet à l’homme d’assurer sa domination sur celle-ci. Dès lors, la femme reste vierge pour complaire à la volonté du sexe opposé et non pas par choix personnel. C’est ce que, d'après Yvonne Knibiehler, l’on constate dans beaucoup de pratiques religieuses:

«Encore aujourd'hui, la symbolique de la virginité reste très forte, que nous le voulions ou non. Ça concerne fortement les hommes, parce que la liberté des femmes les gêne toujours. Celui qui épouse ou déflore une vierge a un sentiment de domination très fort. Dans beaucoup de religions, c'est l'homme qui fait la femme. Aux yeux des hommes, c'est un pouvoir dont ils sont très fiers et dont ils ne veulent pas être dépouillés.»

Dans les sociétés musulmanes, de plus en plus de femmes cherchent justement à s'émanciper des traditions pour disposer librement de leur corps, tout en ayant recours à l'hyménoplastie pour sauver les apparences. Un paradoxe détaillé dans l'ouvrage Vierges? La nouvelle sexualité des Tunisiennes, écrit par Nédra Ben Smaïlà propos de la reconstruction de l'hymen en Tunisie. Tel qu'on peut le lire sur le blog Tawa Fi Tunis, l'hyménoplastie fait alors souvent office de bon compromis entre tradition et modernité:

«Le recours en masse à la "revirgination" indiquerait que la majorité des femmes qui ont choisi de vivre une sexualité hors mariage, a pu concilier un "arrangement" entre soi et Dieu, mais qu’elle n’a pas pu modifier la structure patriarcale du collectif : la médecine lui permet de se présenter elle-même et à la société comme vierge, moderne et musulmane.»

Lu sur Le MondeTawa Fi Tunis

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