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Israël face aux clandestins africains
Avec la présence de nombreux immigrés africains sur le territoire israélien, les autorités du pays ont enclenché tout un arsenal pour lutter contre l'immigration clandestine perçue comme source d'insécurité et de problèmes.
Mise à jour du 16 juillet: Les 2.000 immigrés ivoiriens vivant en Israël ont jusqu’à aujourd’hui dernier délai pour quitter le territoire. Cet ultimatum a été fixé par le ministre de l’Intérieur Elie Yishaï.
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Tous les mois, plus de 2.000 émigrés africains venants d’Erythrée, d’Ethiopie, du Soudan, du Darfour et même d’Afrique noire francophone, traversent illégalement la frontière avec l’Egypte pour venir en Israël.
Ils sont aidés par des passeurs bédouins du Sinaï qui les rançonnent à 3.000 dollars par personne. Il est évident que cette manne de six millions de dollars par mois ne risque pas de se tarir.
Les migrants africains qui traversent la frontière sont de plus en plus nombreux en Israël. La plupart des clandestins ne sont pas des réfugiés économiques. Ils fuient des circonstances désespérées chez eux pour trouver une protection en Israël.
Formant les plus gros groupes, les Erythréens et les Soudanais jouissent parfois d’un visa 2A5 de résidence temporaire, renouvelable tous les trois mois, mais ils ne sont pas autorisés à travailler même si certains employeurs ferment les yeux sur cette disposition.
Mais depuis l’indépendance du Soudan du Sud le 9 juillet 2011, pays avec lequel Israël a des liens diplomatiques, certains Soudanais sont encouragés à retourner chez eux.
Par ailleurs, de nombreux Ivoiriens qui avaient longtemps vécu en Egypte ont décidé de passer la frontière à la suite de la révolution. Ils vivent souvent dans les arrières-salles des restaurants à touristes de Jaffa qui exploitent leur connaissance du français.
A l’occasion de sa visite en Israël, le 19 juin, le président ivoirien Alassane Ouattara a donné son accord pour le retour organisé et volontaire des sans-papiers originaires de son pays.
Une frontière passoire
Les Israéliens sont désarmés, car ils n’arrivent pas à contrôler le flot de réfugiés. La frontière avec l'Egypte qui s’étend sur 50 kilomètres est seulement matérialisée par quelques barbelés d'un mètre de hauteur, non dissuasifs, datant de la guerre du Kippour de 1973.
Certaines sources affirment même que les soldats égyptiens, passifs depuis leur tour de contrôle, se contentent d’observer les immigrés ainsi que les contrebandiers bédouins traverser la frontière sur leurs motos puissantes adaptées au sable du désert.
Une fois la frontière franchie, quelques rares réfugiés parviennent à se faire embaucher dans les hôtels luxueux d’Eilat. La plupart remontent jusqu’à Tel-Aviv et occupent des chambres sordides dans l’ancienne gare routière, une zone de non-droit où la prostitution et la drogue sont légions.
Beaucoup de réfugiés se mêlent à la population palestinienne parce que la vie dans les villages arabes est moins coûteuse et qu’ils sont mieux accueillis. Les Israéliens craignent qu’ils ne deviennent la proie d’activistes arabes qui pourraient les exploiter à des fins terroristes car rien ne les distingue d’immigrés en situation régulière ou de juifs éthiopiens.
Un mur de séparation en construction
Pour lutter contre l’immigration illégale, le gouvernement a entrepris la construction d’une clôture, à la frontière sud avec l’Egypte. Les principaux éléments seront prêts dans le courant de l’année 2013 et la clôture sera étendue à la frontière avec la Jordanie.
A coté de cela, une barrière de sécurité de 100 kilomètres, construite en moins d’un an, a été inaugurée par le Premier ministre le 27 mars. Il s’agit d’une double rangée de barbelés séparée par un no man’s land réservé aux patrouilles militaires israéliennes.
Des postes de contrôle, dotés des derniers développements de la haute technologie israélienne, détecteront toute approche de la frontière.
A l’occasion de sa visite sur les chantiers de construction, Benjamin Netanyahou a affirmé que:
«Dans moins d’une décennie, nos frontières seront entièrement sûres et nous aurons réexpédié tous les clandestins chez eux. Les Israéliens comprendront alors l’importance stratégique de ce qui a été fait.»
Mais dans l’attente de la finalisation de ce verrou, les services de sécurité ont alerté le gouvernement qu’ils se trouvent incapables de tarir la source de réfugiés souvent anonymes, sans nationalité et sans passeport, et qui plus est, ne sont pas expulsables.
L’immigration assimilée à la montée de la violence
Depuis quelques semaines les services de sécurité israéliens constatent aussi que l’insécurité dans les villes augmente. Pour la population Israélienne, cette insécurité chronique s’explique par la présence des migrants africains. Un sentiment alimenté par un fait divers sordide qui a bouleversé la société .
Le jour de l’indépendance du pays, le 26 avril, trois Africains ont pris d’assaut avec une rare violence, une jeune adolescente âgée de 14 ans dans le quartier de Shapira à Tel-Aviv, près de l’ancienne gare centrale d’autobus, et auraient essayé de la violer devant les yeux de son petit ami.
Le jeune couple a échappé au drame grâce à des passants qui l'a aidé à faire fuir les agresseurs. Deux des agresseurs ont été capturés, alors qu’ils se trouvaient avec d’autres exilés philippins, camerounais, ivoiriens, chinois et thaïs, dans le quartier malfamé du sud de la ville, souvent abandonné par les services de la voirie.
Les immigrés clandestins sont obligés de vivre d’expédients puisqu’ils ne reçoivent aucune aide. Certains s’attaquent à présent à des jeunes pour leur voler leur portable ou tout bien négociable qu’ils échangent contre quelques vivres.
Les Israéliens s’inquiètent de cette augmentation de la délinquance et tiennent à le faire savoir. Ils ont manifesté en masse dans le quartier Shapira pour protester contre la présence d’étrangers en Israël en scandant des slogans racistes. Ils s’en sont pris à tous les travailleurs, même ceux qui disposent d’autorisation de séjour.
Frapper un grand coup
Le gouvernement a décidé de frapper fort pour lutter contre les immigrants illégaux.
En attendant de terminer la barrière de sécurité érigée à la frontière sud avec l’Égypte, les illégaux seront enfermés dans des centres de rétention dans le Néguev (le désert au sud du pays), à proximité du pénitencier de Ketziot, construit pour les prisonniers palestiniens. Une centaine d’hectares vient d’être attribuée pour héberger les immigrants africains qui s’infiltrent depuis l’Égypte et pour loger au départ au moins 5.000 réfugiés pour atteindre 50.000 si nécessaire.
La construction comportera des chambres individuelles ou des petits logements pour famille car de nombreux immigrés arrivent avec femme et enfants.
Une nouvelle loi a été votée le 9 janvier 2012 pour une application immédiate. Les migrants qui disposent d’une identité seront jugés par un tribunal tandis que les autres seront enfermés, pour trois ans au moins, sur simple décision administrative jusqu’à la preuve de leur identité ou l’acceptation de leur retour avec un petit pactole.
Cette même loi veut dissuader les marchands de sommeil ou les employeurs au noir en les punissant de 5 à 15 années de détention s’ils aidaient les clandestins.
Les réfugiés clandestins seraient 62.000 en Israël mais leur nombre est plus élevé selon l’ONG HMW (Hotline for Migrant Workers) qui les aide.
A Tel-Aviv on les voit errer à la recherche de travail payé au tiers du minimum légal. Très souvent, ils dorment dans les parcs publics et au bord des plages où ils organisent des barbecues collectifs, en particulier face au plus luxueux hôtel de Tel-Aviv.
Quand ils disposent de quelques shekels, ils dorment sur une paillasse dans des caves collectives insalubres, au prix de deux euros la nuit.
Les femmes restent les plus grandes victimes de ces migrations. Les Erythréennes, en particulier, qui après avoir été violées par les bédouins dans le Sinaï, sont rejetées par leur propre clan et subissent la loi de leurs hommes à Tel-Aviv.
Israël est devenu l’eldorado des Africains, ce qui n'est pas pour plaire a une partie de la socuété israëlienne qui les voient comme une source d'instabilité et d'insécurité.
Le gouvernement s’occupe pour l’instant des volontaires au retour qui reçoivent un pécule de 1.000 euros par adulte et de 400 euros par enfant. Le 17 juin, un premier avion avec 127 clandestins s'est envolé de Tel-Aviv à destination de Juba, la capitale du Soudan du Sud. Mais ces retours sont purement symboliques compte tenu du nombre croissant de clandestins en Israël qui veulent rester sur place.
Jacques Benillouche
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