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La parabole de la hyène et des villageois
Dans ce texte allégorique, Venance Konan met en garde les Nanafoué (coalition au pouvoir) contre les risques de désunion et de dispersion. La hyène (l'ex-pouvoir), chassée du village, a mis au monde des rejetons qui guettent...
Ça gronde dans la famille Nanan (du surnom d’Houphouët-Boigny, premier président de Côte d’Ivoire, figure autour de laquelle se retrouve la coalition au pouvoir). Certains membres estiment qu’ils ont été lésés, qu’il y en a qui se sont tout octroyé, qui ont choisi les parties les plus viandées du repas, ne leur laissant que des os et des miettes, voire des assiettes vides, alors qu’après tout, sans eux, sans leur concours, la hyène serait encore en train de ricaner dans les rues du village…
Le linge sale se lave en famille
D’autres disent qu’après tout, même s’ils ont reçu un coup de main, ce sont eux qui ont finalement chassé la hyène qui semait la terreur dans le village, eux qui en ont le plus bavé, eux que la hyène a le plus malmenés; que d’ailleurs certains des membres de la famille qui se plaignent aujourd’hui ne se sont pas toujours comportés en frères, et que... et que... et beaucoup de choses de ce genre. On en entend, dans la famille Nanan.
Dans cette famille, apparemment, on ne sait pas encore laver son linge sale loin des regards et des oreilles des autres, ou s’entendre sur l’essentiel, en laissant à plus tard les questions secondaires.
On s’étripe dans la famille Nanan. En oubliant que la hyène, l’ennemi commun, n’est pas encore morte, que ses petits continuent de roder dans le village en ricanant et en exhibant leurs crocs.
Vous ne sentez pas leur mauvaise odeur, odeur de mort? Vous ne savez pas que les petits de votre hyène se sont alliés à des bêtes aussi sauvages qu’eux provenant d’autres villages, et qu’ils ont commencé à enlever des gens de chez vous? Ah! Cette famille Nanan! Les Nanafouè, comme on les appelle.
Hier encore, la désunion a causé la ruine
Il n’y a pas très longtemps, lorsqu’elle était unie, cette famille régnait sur le village. Et il vivait en paix et dans la prospérité. Puis, ses membres ont commencé à se quereller, à se battre, à se rejeter, à dire que certains d’entre eux étaient nés de femmes appartenant à des familles issues d’autres villages.
Et pendant qu’ils se déchiraient, la hyène qui rodait dans le village, s’alliant tantôt à celui-ci, tantôt à celui-là, juste pour avoir quelques charognes à croquer, a fini par s’installer sur le trône.
La puante hyène sur le trône de leur père! Ils le savent bien pourtant, les membres de cette famille, ce que la bête leur a montré de son côté cruel et retors. Ils ont bien vu les hommes et femmes aux os broyés, leur jeunesse pervertie, les vieillards aux barbes blanches humiliés et battus par des jeunes imberbes, les rues de leur village jonchées d’ordures qu’ils n’ont d’ailleurs pas fini de balayer, les greniers vidés par de jeunes oisifs qui refusaient d’aller aux champs, l’anarchie installée dans leur village contre lequel tous les autres s’étaient braqués.
Ils savent tout cela. Il leur a fallu du temps, avant de comprendre que c’est de leur désunion que la hyène a profité pour s’installer au pouvoir et détruire tout le village. Ils savent que c’est lorsqu’ils ont reformé leur famille sur la tombe de leur père commun qu’ils ont réussi à en venir à bout.
Les hyènes prospèrent là où il y a division
Mais celle-ci avait eu le temps de faire des petits aussi vicieux et gloutons qu’elle. Des petits qui, pour rien au monde, ne sont prêts à accepter que leur géniteur ait été chassé du village, qu’on les ait privés de leurs charognes; des petits qui, en bons petits de hyène, n’ont aucun scrupule à utiliser les moyens les plus vils et criminels pour parvenir à leurs fins.
Et les hyènes ne prospèrent que là où il y a division. Elles deviennent dangereuses lorsqu’on leur enlève la viande qu’elles ont dans la gueule. Nanafouè! L’heure n’est ni à la bagarre ni aux récriminations. Surtout sur la place publique.
Avez-vous oublié votre éducation qui veut que les palabres se règlent très tôt le matin, au fin fond de la case, lorsque les hyènes et autres bêtes sauvages sont encore endormies?
Celles-ci se sont réveillées et ont commencé à déchiqueter de leurs crocs acérés certains habitants de votre village. L’heure n’est plus au partage du repas. Elle est à la protection du village.
Taisez donc vos querelles puériles, oubliez votre repas, enterrez vos haches de guerre, reformez votre union sacrée, allez, si vous le voulez, sur la tombe de votre père pour régler vos problèmes et avoir sa bénédiction et débarrassez le village des petits de l’hyène. Si vous ne le faites pas, vous n’aurez plus de repas à vous disputer.
Venance Konan (Fraternité Matin)
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