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La reconstruction du clitoris n'est plus impossible
Dans la revue médicale internationale The Lancet un chirurgien français apporte la démonstration de l’efficacité de la technique qu’il a mise au point
L’excision est en France une pratique interdite par la loi.
Le 1er juin 2012, la cour d’assises de la Nièvre condamnait un couple d'origine guinéenne à deux ans et dix-huit mois de prison ferme pour avoir fait exciser leurs quatre filles âgées aujourd'hui de 11, 13, 18 et 20 ans.
Ils étaient poursuivis pour «complicité de violence volontaire ayant entraîné une mutilation sur une mineure de moins de 15 ans par un ascendant» et encouraient à ce titre 20 ans de réclusion.
«L'excision est une atteinte au droit des femmes à disposer de leur corps et à la dignité humaine», avait alors commenté Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes. «Au-delà des nécessaires mesures de prévention et d'éducation qui doivent faire disparaître ces pratiques, la loi doit s'appliquer dans toute sa rigueur»
C’est également en France que la reconstruction chirurgicale du clitoris a été mise au point et développée avec succès comme en témoigne une toute récente publication de la revue médicale internationale The Lancet.
Celle-ci vient ainsi de publier les résultats d’un large travail chirurgical démontrant pour la première fois à une telle échelle la faisabilité de la reconstruction clitoridienne après mutilation génitale.
Une étude sans précédent
Cette reconstruction permet à la fois à la femme de souffrir moins et d’améliorer la qualité de son plaisir lors de relations sexuelles. Ce travail sans précédent est signé du Dr Pierre Foldès, (hôpital de Poissy-St Germain), inventeur de la technique mise en œuvre ainsi que du Dr Béatrice Cuzin (hôpital Edouard-Herriot, Lyon) et Armelle Andro (Univesité Panthéon-Sorbonne, Paris). Il a été financé par l’Association française d’urologie.
Cette intervention chirurgicale permet une reconstitution clitoridienne complète avec l’ensemble de ses nerfs et de ses vaisseaux.L’intervention dure environ une heure et nécessite une hospitalisation de vingt-quatre heures.
Le travail prospectif français porte sur les résultats à court et long terme obtenus chez 2938 femmes mutilées, âgées de plus de 18 ans (âge moyen : 29 ans) ayant consulté à l’hôpital de Poissy-St Germain.
La plupart étaient originaires du Mali, du Sénégal et de la côte d’Ivoire. Pour 564 d’entre elles la mutilation avait été pratiquée en France. Toutes avaient subi la mutilation sexuelle entre 3 et 5 ans (âge moyen : 6 ans).
Toutes voulaient retrouver leur identité et leur image corporelle. La plupart (81%) disaient également souhaiter améliorer la qualité de leur vie sexuelle et 29% réduire l’intensité de leurs douleurs.
Des complications immédiates (hématome, lâchage de suture, fièvre modérée) sont survenues chez 155 femmes (5 %) et 108 (4%) ont, de ce fait, été brièvement réhospitalisées. Après un suivi d’un an (sur les 866 qui ont pu être revues) 28% avaient retrouvé un clitoris pouvant être considéré comme normal.
La plupart ont fait état d’une réduction (ou d’une absence d’aggravation) de leurs douleurs au moment de l’acte sexuel. Un tiers des femmes qui n’avaient jamais éprouvé d’orgasme avant l’intervention ont commencé à en éprouver de temps en temps ou régulièrement ; et celles qui avaient eu des orgasmes occasionnels en ont éprouvé régulièrement.
Vers une multiplication des interventions?
Pour les auteurs de la publication du Lancet ces résultats plaident clairement en faveur du développement de ces interventions dans les pays où ces mutilations sexuelles sont autorisées (ou ne sont pas prohibées).
Dans un éditorial du Lancet, Jasmine Abdulcadir, Michel Boulvain, Patrick Petignat (Genève) observent toutefois que le plus souvent les femmes mutilées ne sont encore malheureusement pas informées des possibilités de soins spécifiques dont elles pourraient bénéficier.
Et certains pays très directement concernés ne reconnaissent pas la reconstruction clitoridienne comme une thérapeutique mais comme une forme de chirurgie esthétique.
La publication du Lancet laisse aujourd’hui espérer une diffusion internationale de cette technique chirurgicale ainsi qu’une meilleure pise de conscience de la dimension mutilatrice de cette pratique rituelle.
Le clitoris, toujours mal connu
En toute hypothèse elle marque une étape majeure dans la très longue histoire de la prise en compte par la médecine de cet organe longtemps méconnu et dont la fonction demeure encore souvent mal comprise.
Hasard ou non cette publication médicale coïncide avec celle d’un petit mais riche ouvrage destiné au grand public qui retrace les ambiguïtés inhérentes au clitoris : La fabuleuse histoire du clitoris signé de Jean-Claude Piquard (Editions Blanche) ; livre que nous avons analysé il y a peu sur le site planetesante.ch
«Espérons que tous les médias, l’image, le livre, la scène, le film, les arts plastiques, la science et particulièrement la sexologie, réintègreront la vulve et son clitoris dans notre culture, pour le bonheur de toutes. Mais aussi pour nous puissions en parler clairement à nos enfants» conclut l’auteur qui ne traite malheureusement pas de l’excision.
Aussi ajoutera-t-on l’espoir que la médecine et la chirurgie puissent désormais largement permettre aux femmes mutilées qui le souhaitent de retrouver, au mieux, la géographie originelle de leur corps.
Jean-Yves Nau
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