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Sara El Bekri aux Jeux panarabes de Doha en décembre 2011. ©Tous droits réservés
Sara El Bekri aux Jeux panarabes de Doha en décembre 2011. ©Tous droits réservés

Sara El Bekri, la Laure Manaudou marocaine

Championne d’Afrique sur 50 et 100 mètres brasse, la nageuse de Casablanca va participer pour la deuxième fois aux JO à Londres. Entraînée à Paris par Philippe Lucas, l’ancien coach de Laure Manaudou, Sara pourrait décrocher la première médaille olympique de la natation marocaine.

Mise à jour du 2 août 2012: 

Sara El Bekri ne s'est pas qualifiée pour la finale du 200m brasse. Elle a terminé avec le 11e temps de la demi-finale. 
La nageuse marocaine a fini ses premiers Jeux Olympiques sur un beau bilan avec trois nouveaux records nationaux marocains. Elle est désormais  la première marocaine a avoir accédé à une demi-finale en natation aux JO.

***

À quelques semaines du début des Jeux Olympiques, Sara El Bekri a peu de temps pour elle. En ce mercredi, c’est repos, elle en profite.

Un chemisier vichy très féminin, un jean à la mode, de longs cheveux bruns bouclés sur les épaules, elle revient tout juste du salon de beauté. Un moment de détente dans un planning d’enfer.

«Normalement, c’est dans l’eau à 7h30, on termine à 9h30 et puis après on revient à 16h pour l’entraînement de la soirée, avec de la musculation pendant une heure, et de 17 à 19h30 dans la piscine. Entre ces deux entraînements je travaille la journée. Et ça, c’est cinq jours par semaine du lundi au samedi», raconte la jeune femme qui jongle entre sa carrière de nageuse internationale et de consultante en système d’informations.

Depuis deux ans, la sportive marocaine a intégré le Lagardère Paris Racing.

C’est dans la piscine de la Croix-Catelan dans le Bois de Boulogne qu’elle se prépare pour Londres.

«C’est une excellente installation, il y a la salle de musculation, la piscine toute équipée, mais quand on est à l’extérieur, c’est un peu tristounet de nager sous la pluie en plein milieu du mois de mai», précise Sara, tout en sirotant un thé.

La Team Lucas

Dans ce club de natation d’excellence, l’un des plus titrés en France, elle s’exerce aux côtés du Français Amaury Leveaux, double vice-champion olympique à Pékin, et de la Roumaine Camelia Potec, championne olympique à Athènes.

Tous les trois ont été repérés par Philippe Lucas, le plus médiatique des entraîneurs français.

Celui qui a conduit Laure Manaudou vers l’or olympique est réputé grande gueule et très exigeant :

«Cela explique le nombre d’heures que je passe dans l’eau car il nous fait beaucoup travailler.L’entraînement est très dur, mais le personnage ne l’est pas particulièrement, et encore heureux, parce que sinon ce ne serait pas facile. Il a un CV qui parle de lui-même».

Avec un tel coach, la sportive de 24 ans est rassurée:

«Les Jeux, il en a fait pas mal, il arrive avec beaucoup moins de stress et d’appréhension que les autres. Il sait gérer le stress des nageurs, comment appréhender une course. Il nous distribue une bonne énergie en nous faisant croire qu’on peut faire quelque chose aux Jeux

Très souriante et visiblement détendue, Sara ne se met pas de pression inutile.

Elle a déjà vécu l’expérience olympique à Pékin en 2008:

«Je sais comment cela va être, qu’il y a un village, qu’il y a tous les sportifs, un restaurant, un McDonald, une piscine. Je sais à peu près à quoi m’attendre, en cela je ne vais pas y aller comme une spectatrice. Je vais avec l’idée que je vais nager là bas et que c’est juste une compétition.»

Ses récents résultats ont aussi renforcé sa confiance. Elle a remporté 10 médailles (cinq en or et cinq en argent) aux derniers Jeux panarabes au Qatar au mois de décembre. Elle a aussi brillé aux championnats de France Elite, en gagnant l'or des finales A du 100 et du 200m brasse.

En Grande-Bretagne, la Marocaine espère ainsi faire mieux qu’il y a quatre ans en Chine, où elle a été éliminé durant les séries: «Je ne sais pas si je peux vraiment décrocher une médaille ou pas. Je me dis que si je peux au moins faire une demi-finale ce serait bien. On ne sait jamais ce qui peut arriver dans une course, il y a tellement d’éléments qui ne dépendent pas de moi, que pour l’instant je ne pense qu’à faire de mon mieux».

De Casablanca à Londres

Il est déjà loin le temps où la petite fille sautait pour la première fois dans l’eau.

Ce sont ses parents qui l’ont emmené vers l’âge de cinq ans à la piscine du Complexe Mohammed V de Casablanca: «Ils m’avaient inscrit à la natation pour faire un peu de sport dans la semaine, et c’est comme ça que j’y ai un peu pris goût. J’ai adhéré à un club, j’ai fait un peu de compétition et j’ai aimé ça».

Très vite dans le club du Wydad, Sara montre des facilités étonnantes en brasse et en 4 nages.

Elle gagne ses premiers titres, mais sa carrière a bien failli s’arrêter à 12 ans. Elle décide avec son entraîneur de l’époque de rejoindre le club concurrent du Raja. Une décision qui ne plaît pas au directeur technique national.

Malgré son jeune âge et son talent prometteur, elle est sanctionnée par six années d’exclusion des compétitions :

«Quand j’y repense, c’était vraiment inégal comme combat, c’était une gamine face à un monsieur de 45 ans, cela ne se comprend pas! (…) Je crois que ce sont des problèmes qui existent dans toutes les fédérations et dans tous les sports. Il y a toujours quelqu’un qui aura un conflit avec un dirigeant, en natation marocaine c’est tombé sur moi».

Soutenue par sa famille, Sara s’accroche à sa passion. Elle obtient un baccalauréat scientifique et décide de partir pour la France pour suivre des études d’ingénieur et se perfectionner dans sa discipline à l’INSA de Lyon en sport-études.

Sara El Bekri lors de la finale du 200m papillon aux Jeux panarabes de Doha en décembre 2011 ©Tous droits réservés

La nageuse réussit son pari. Elle s’impose dans les plus grandes compétitions internationales tout en décrochant son diplôme en génie industriel et un emploi dans un cabinet parisien de conseil en systèmes d'information. Avec l’aide de cette entreprise, elle bénéficie d’un emploi du temps aménagé pour se concentrer sur l’échéance olympique.

Un soutien professionnel et financier vital, car les instances marocaines l’aident peu dans sa préparation. Malgré ses exploits, Sara a bien du mal à recevoir une bourse.

«Je l’ai de temps en temps. Après cela s’arrête et puis cela reprend. Il y a une nouvelle politique au Maroc depuis 2008/2009 pour promouvoir un peu le sport. Je ne crois pas que ce soit une mauvaise volonté ou une tentative de sabotage, je crois que c’est juste le début d’une politique. Il y a quelques lenteurs», constate-t-elle avec philosophie.

Ces difficultés ne l’empêchent pas d’être toujours autant attaché à son pays. Jamais elle n’a pensé à prendre la nationalité française et à concourir sous le drapeau bleu-blanc-rouge.

Son avenir d’ailleurs, elle le voit sur sa terre natale:

«Un jour je rentrerai, je ne suis pas chez moi ici. J’ai beaucoup de lien avec la France car j’ai étudié ici dans une école publique. J’ai comme une dette car j’ai reçu un enseignement de qualité, mais je rentrerai peut-être pour aider le Maroc».

En attendant, la prochaine étape est anglaise. Sara est qualifiée à Londres sur le 100 et 200m brasse, le 200 et 400 quatre nages, le 400 et 800 nage libre. Les épreuves de natation débutent le 28 juillet.

Stéphanie Trouillard

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Stéphanie Trouillard. Journaliste française spécialiste du Maghreb et du Canada.

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