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Un «village fantôme» italien sauvé par l'immigration

Qui a dit que les Italiens voyaient tous d’un mauvais œil l’immigration dans leur pays? Sûrement pas les habitants du village de Riace, pour qui l'arrivée de réfugiés a été synonyme de développement et d'insertion réussie.

Cette bourgade méridionale de la Calabre (sud de l’Italie) est la preuve que l'intégration est possible. Considérée comme un véritable «laboratoire» de l’immigration, depuis la fin des années 90 Riace a cultivé une tradition d’accueil des migrants étrangers, notamment originaires d'Afrique subsaharienne, du Maghreb, d'Afghanistan et d'Irak. Un groupe de 130 réfugiés libyens est d'ailleurs attendu pour la fin de la première semaine de juillet 2011.

Jusqu’à la fin des années 90, ce village ne comptait que 350 habitants, âgés pour la plupart, et avait des airs de village fantôme. Avec un chômage devenu chronique, de nombreuses maisons étaient inhabitées, laissées à l’abandon à cause d’une émigration massive de la population vers le Nord, à la recherche d'un emploi.

C'est l’arrivée d’un bateau de 300 réfugiés kurdes le 1er juillet 1998 sur les plages voisines du village a tout changé.

Le maire de l’époque —toujours en poste aujourd'hui— Domenico Lucano a vu dans cet afflux humain une opportunité de développement pour Riace:

«La forte impulsion venue de l’étranger nous a aidés à vaincre notre apathie, nous incitant ainsi à réutiliser le patrimoine immobilier pour un tourisme plus sensible et également reprendre les activités artisanales abandonnées», affirmait-il à My Calabria le 7 avril 2011.

Le site d’information calabrais estime d’ailleurs qu’il s’agit là du «rachat économique et social d’une communauté de Calabre qui a regroupé, dans un cheminement commun, les habitants du lieu et les immigrés qui, ensemble, aspirent à une vie meilleure».

Une solution économiquement avantageuse, puisque l’administration de la ville est aidée par le ministère de l’Intérieur pour la prise en charge des réfugiés, à hauteur de 20 euros par jour et par personne, tandis que le coût unitaire d’une prise en charge dans les centres d’expulsion est estimé entre 60 et 70 euros journaliers.

Nicoleta, 87 ans, a toujours vécu à Riace. Elle se souvient:

«Ici, il y a une tradition de l’hospitalité. Pendant la Seconde Guerre mondiale, nous avions accueilli des réfugiés de la ville de Gorizia, qui fuyaient l’invasion des nazis par la frontière yougoslave».

Domenico Lucano avait en outre affirmé:

«Nous avons ré-ouvert des écoles, mis en place des systèmes de micro-finance et des commerces locaux où les gens du village travaillent de concert avec les réfugiés […] Mais nous voulons surtout renvoyer un message d’humanité à travers le monde. Cette ville d’émigration avec ses problèmes sociaux, la présence de la mafia, est devenue un endroit d’immigration.»

Le célèbre réalisateur allemand Wim Wenders a d’ailleurs sorti en 2010 un documentaire en 3D sur l’histoire de Riace, Il Volo. Il déclarait lors de la remise du prix Nobel de la Paix à Berlin, en 2009:

«J’ai vu un village capable de résoudre, grâce à l’accueil, autant le problème des réfugiés que son propre problème: celui de continuer à exister, de ne pas mourir à cause du dépeuplement et de l’immigration […] Cette histoire doit nous faire réfléchir sur les moyens de faire converger l’objectif d’accueillir des réfugiés avec celui du développement local.»

On y voit le maire de Riace déclarer devant le conseil municipal:

«Nous avons des maisons pour 2.000 habitants, et nous ne sommes plus que 350. Tous ont émigré. Nous sommes tous vieux. Il n’y a plus de jeunes […] Dites au préfet que le conseil municipal réuni en session extraordinaire a décidé que les maisons étaient prêtes à accueillir les immigrés. Il en sera ainsi.»

Malgré les derniers événements survenus sur l’île méditerranéenne de Lampedusa, submergée par une immigration massive en provenance du Maghreb, de récents sondages révèlent qu’une majorité d’Italiens ayant côtoyé des migrants étrangers se disent favorables à leur venue.

Plus précisément, selon l’agence de presse italienne Asca le 4 juillet 2011:

«52,4% des Italiens qui ont rencontré des immigrés pensent que l’immigration est une opportunité à saisir pour le pays. […] A contrario, tous ceux qui n’ont jamais eu de contact avec [eux] sont contre à hauteur de 66%.»

Lu sur My Calabria,  AFP/France 24, Asca