mis à jour le

Dioncounda Traoré reçoit le salut miltaire d'Amadou Sanogo, Cérémonie d'investiture, Bamako, 12 avril 2012 AFP PHOTO/H. Kouyate
Dioncounda Traoré reçoit le salut miltaire d'Amadou Sanogo, Cérémonie d'investiture, Bamako, 12 avril 2012 AFP PHOTO/H. Kouyate

Mali: Vers l’épreuve de force entre le pouvoir civil et militaire

Quelle sera l’issue du bras de fer auquel se livrent le chef des ex-putschistes et le pouvoir civil de transition? La lutte de pouvoir à laquelle ils se livrent se fait au détriment des vrais problèmes du pays.

Dioncounda Traoré. Vous le connaissez? C’est le président intérimaire malien. Une fois n’est pas coutume: à 4 jours de la fin de son intérim, il s’est signalé à Abidjan le 16 mai où il a rencontré le président de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cédéao), Alassane Dramane Ouattara.

Comment s’achèvera la guerre des chefs?

Le président intérimaire s’est prononcé contre la proposition de la junte d’organiser une convention nationale aux fins de désigner les nouvelles autorités de la transition. Il n’est d’ailleurs pas le seul puisqu’un certain nombre de partis politiques regroupés au sein du Front de refus, avaient déjà récusé l’offre du capitaine Sanogo. La «solution malienne» que proposait le capitaine Sanogo n’a donc pas prospéré.

Pour autant, l’on n’est pas sorti de l’auberge, puisque le problème reste entier. Dioncounda, soutenu par la Cédéao, devrait poursuivre son mandat comme président de la transition jusqu’aux nouvelles élections. Pour la junte, dans quelques jours, elle ne reconnaîtra pas l’autorité du président intérimaire et invite la Cédéao et le CNRDRE à trancher.

Le fait pour le président intérimaire de s’opposer publiquement aux hommes forts de Bamako marque un tournant dans la gestion de la crise malienne. S’il a osé défier la junte, c’est qu’il a le soutien effectif de la Cédéao. Toute chose qui laisse présager que son maintien comme président de la transition est toujours l’option de la Cédéao.

Quid de la réaction de la junte dont les chefs et alliés civils sont désormais sous menace de sanctions? Vont-ils continuer de perturber cette transition qui devait être une étape dans le vaste programme de reconquête des territoires du Nord? Le ton entre les deux parties pourrait se durcir.

Mais désormais, la Cédéao a un avantage psychologique. Le sursaut d’orgueil du président intérimaire traduit l’agacement de bon nombre de Maliens et leur empressement à sortir de cette guerre de chefs qui n’a que trop duré. L’urgence est ailleurs: le Nord.

Pendant ce temps-là au Nord-Mali…

Car pendant qu’à Bamako l’on se bat comme des chiffonniers pour diriger la transition, Aqmi, Ansar dine et compagnie s’installent et font la loi. Il est temps que tous ces prétendants au pouvoir (classe politique, militaires), la Cédéao et la communauté internationale se réveillent car une république des Talibans est en train de s’installer dans le Nord Mali, en plein cœur de Afrique de l’Ouest.

C’est un fait à Kidal, Gao, Tombouctou, Tessalit… où la porte est ouverte à tous les trafics: drogue, armes, lavage de cerveaux, atteintes aux droits de l’Homme. Aujourd’hui, on voit bien les tentatives d’embrigadement de la jeunesse du Nord Mali à qui les extrémistes ont ôté le droit élémentaire de pratiquer des sports comme le football ou de regarder la télévision.

Que dire de la mise à sac des lieux de culte des chrétiens et de la profanation des mausolées d’anciens dignitaires musulmans? L’intolérance et la violence sont ici les sœurs jumelles de l’extrémisme religieux de groupuscules qui, dans leurs errements, se révèlent aujourd’hui comme les pires ennemis de l’islam. Vouloir imposer la charia par la force des armes comme dans les temps anciens, c’est se tromper lourdement d’époque et de combat.

Les leaders de l’Azawad doivent être plus qu’embêtés aujourd’hui, après le constat de récupération de leur mouvement. En tout cas, leur mouvement a été infiltré et récupéré par Aqmi, Ansar Dine et autres mouvements islamistes qui dictent leur loi dans le Nord du Mali.

Le prix de toute cette discorde

Les conséquences de cette crise, on ne les mesure pas encore assez mais sur le plan économique, le Mali paie une grande facture du fait que le pays soit brusquement devenu infréquentable. Les Etats-Unis ont suspendu leurs appuis. Exit les revenus liés au tourisme, une des mamelles de l’économie malienne après l’or.

Comme les Occidentaux sont la cible de ces groupes qui les enlèvent et les exécutent ou les libèrent après paiement de rançons, les touristes, projets de développement et autres structures de coopération, sont obligés de tourner le dos au Mali, laissant les pauvres populations livrées à elles-mêmes.

Elles sont otages d’une situation et la pauvreté aidant (les islamistes sont incapables aujourd’hui de nourrir les populations des zones sous leur contrôle), deviennent des gens manipulables au service des nouveaux maîtres du désert.

Le Niger, la Mauritanie et dans une moindre mesure le Burkina Faso ne sont pas à l’abri du phénomène. La «talibanisation» du Nord Mali est le pire des malheurs qui puisse arriver à l’Ouest du continent. C’est pour cela qu’il faut vite traiter le problème malien avant la contagion tant redoutée.

Le soulèvement des jeunes maliens dans le Nord et la sortie du bois du président intérimaire sont les signes d’une résistance qu’il faut soutenir et entretenir. Et pour toutes ces raisons, la Cédéao et les patriotes maliens doivent aider Dioncounda dans ce bras de fer en gésine, le gagner et accélérer le processus de transition avec ou sans le capitaine Sanogo.

Abdoulaye Tao (Le Pays)

A lire aussi

Mali: Cheick Modibo Diarra est-il l’homme de la situation?

Jusqu’à quand l'autorité ouest africaine va-t-elle céder?

Méli-mélo made in Mali

Mali: Il faut démanteler le commandement militaire

Mali: qui détient le pouvoir à Bamako?

Mali: la junte garde la main

Comment sauver le Mali

Le chaos au Mali: la faute aux Occidentaux

Le Mali et l’imposture des négociations de Ouagadougou

Mali - Qui connaît Dioncounda Traoré, le président «par défaut»?

Dioncounda Traoré, un président sans réel pouvoir

Abdoulaye Tao

Abdoulaye Tao. Journaliste du quotidien burkinabè Le Pays.

Ses derniers articles: Simone Gbagbo, la descente aux enfers  Ouattara doit reprendre son armée en main  Ouattara peut-il arrêter la corruption? 

convention nationale

Mali

A Bamako, l’anarchie s’installe

A Bamako, l’anarchie s’installe

Dioncounda Traoré

querelles

La présidentielle malienne est déjà contestée

La présidentielle malienne est déjà contestée

Négociations

Mali: un accord conclu au forceps

Mali: un accord conclu au forceps

Aides

Les Africains sont-ils des mendiants professionnels?

Les Africains sont-ils des mendiants professionnels?

Ansar Dine

Opération Barkhane

Au Mali, les mines sont devenues le principal danger pour les forces françaises

Au Mali, les mines sont devenues le principal danger pour les forces françaises

Laissés-pour-compte

Quand va-t-on s'occuper des enfants maliens?

Quand va-t-on s'occuper des enfants maliens?

Entêtement

Le vrai problème du Mali, c'est le MNLA

Le vrai problème du Mali, c'est le MNLA