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Assurance santé, le pari réussi du Rwanda
Le régime de Kigali a rendu obligatoire l'adhésion à une assurance santé à partir de 2007. Malgré la pauvreté, presque tous les Rwandais ont accès aux soins et l'espérance de vie a augmenté.
En juillet 2007, le Rwanda a adopté une loi obligeant toute la population à adhérer à une assurance maladie. Aujourd’hui, le taux d’adhésion aux mutuelles de santé et autres assurances privées atteint 96%. Les prestations de services ont plus que doublé et l’espérance de vie est passée de 48 à 52 ans en moins de dix ans.
Le projet pilote des mutuelles de santé au Rwanda démarre en 1999 dans trois districts, mais le taux d’adhésion n’a pas pu dépasser 30%, selon le rapport du ministère de la Santé publié en 2001. La stratégie de sensibilisation par le biais des élus locaux et les prix très élevés pour les non-adhérents n’avaient pas suffisamment mobilisé la population.
Il faut rappeler que 37% des Rwandais vivent dans la pauvreté extrême (0,22 €/jour) et plus de 57% en dessous du seuil de pauvreté (0,32 €/jour). Une telle situation ne permet pas au gouvernement de collecter les impôts auprès de la population.
Bien que les gouvernements africains aient signé le pacte international de droit à la santé, ils n’arrivent pas à payer les soins de base de leur population. Un phénomène que l’on peut observer dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne où la cause principale de décès est le manque de soins médicaux.
Selon les estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) et du Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap), en Afrique subsaharienne, les risques de décès pendant l’accouchement sont de 1 sur 13 en 2001, contre 1 sur 4.100 dans les pays industrialisés. Comment le Rwanda a-t-il relevé le défi?
De la décentralisation à la loi
Le Rwanda est un pays divisé en plusieurs entités administratives. De la plus grande (province) à la plus petite appelée en langue locale nyumbakumi, qui veut dire 10 maisons, il y a des élus qui représentent le gouvernement. Certains d’entre eux sont chargés des affaires sociales, de la santé et de l’hygiène.
Dans chaque village, ces représentants sont appuyés par les sages-femmes traditionnelles, dont le rôle est passé de l’assistance à l’accouchement à domicile à la sensibilisation à l’adhésion aux mutuelles de santé ainsi qu’à l’accouchement assisté par le personnel de santé. Dans les plus petites entités, ces élus locaux travaillent bénévolement.
Le succès de leur travail est renforcé par la signature du «contrat de performance entre les élus locaux et le président de la République». Dans ce contrat, les maires s’engagent à mettre en application tous les objectifs du gouvernement. Un contrôle strict dans tout le pays accompagne cet acte et l’échec de la réalisation de ces objectifs mène à une démission forcée.
La compétition des élus locaux est féroce et pousse certains maires à utiliser les moyens forts pour y arriver. On enregistre notamment la mise en place d’amendes très élevées allant jusqu’à l’emprisonnement abusif pour ceux qui ne veulent pas respecter la loi.
Le projet pilote a prouvé au gouvernement que la demande de prestations sanitaires devient importante quand la population est membre des mutuelles de santé. En 2001, le taux d’utilisation des services de santé a doublé dans les zones du projet pilote. 2,2 fois dans le district de Mugonero (Province de l’Est) alors que le taux d’adhésion était de 30%. Les adhérents 5 fois plus que les non-membres.
Les mesures de sensibilisation n’étant pas suffisantes, le Parlement a décidé d’élaborer les textes régissant les «mutuelles de santé» et la «Rwandaise d’assurance maladie» pour les fonctionnaires. Après l’élaboration du document stratégique Politique de développement des mutuelles de santé au Rwanda (PDF) en 2004, les députés votent une loi, promulguée en 2007, date à laquelle l’adhésion à une assurance maladie est obligatoire au Rwanda.
La proximité de services sanitaires
Le taux d’adhésion dépend de l’accessibilité des services sanitaires. Plus la population est proche des centres de santé ou des hôpitaux, plus elle est motivée. En vue d’augmenter le nombre d’adhérents aux mutuelles de santé, le gouvernement rwandais a fait beaucoup d’efforts dans la construction d’hôpitaux, de maternités et de centres de santé.
D’après le rapport des activités du gouvernement publié sur le site de la primature rwandaise, entre 2003 et 2009, 8 nouveaux hôpitaux, 75 centres de santé et 2 maternités ont été construits. Selon les mêmes sources, les services sanitaires ont été renforcés par plus de 10.300 agents. Ainsi, le Rwanda est passé de 1 médecin pour 50.000 habitants en 2003 à 1 médecin pour 18.000 habitants en 2009.
Les plus pauvres et l’accès au crédit
Les frais d’adhésion aux mutuelles de santé sont élevés par rapport au pouvoir d’achat de la population rwandaise. Le montant total par personne, qui a progressé au fur et à mesure, atteint aujourd’hui 2.000 francs rwandais/personne (2,39 €) et par an. En moyenne au Rwanda, une famille est composée de 7 personnes. Au mois de juillet 2011, le coût va augmenter de 2.900 RWF à 3.400 RWF (3,46 à 4,06 €) selon les classes sociales.
Aujourd’hui, le gouvernement rwandais et les ONG prennent en charge 27% de la population, un taux qui ne couvre pas toutes les personnes vivant dans la pauvreté extrême (37%). Pour aider la population, la banque populaire, qui est représentée dans tous les districts, a accordé des crédits à un taux d’intérêt très minime par rapport aux banques commerciales. Les bénéficiaires de ces prêts remboursent la banque lors de la récolte.
Le succès de ce système risque d’être toutefois compromis par le fait que les banques populaires, qui étaient les banques d’épargne jusqu’en 2010, sont devenues des banques commerciales. Seuls les systèmes de micro-finance représentés également sur toute l’étendue du pays peuvent être en mesure de remplacer les banques populaires.
Résultats encourageants
Les résultats du système de santé communautaire (mutuelles de santé) au Rwanda ont battu des records. Selon les indications du gouvernement rwandais, le taux de morbidité lié au paludisme est passé de 64,7% en 2003 à 11,8% en 2008. Les femmes qui accouchaient avec l’assistance des professionnels sanitaires représentaient 28% en 2003, contre 66,2% quatre plus tard.
Une étude de l’OMS, Stratégie de Coopération de l’OMS avec le Rwanda 2009-2013, prouve la réalité des chiffres avancés par la primature rwandaise:
«Selon l’enquête démographique et de santé de 2005, EDSIII, le taux de mortalité des enfants était respectivement de 37/1.000 naissances vivantes pour les nouveaux-nés, 86/1.000 naissances pour la mortalité infantile et 152/1.000 pour les moins de 5 ans. Nous notons une amélioration par rapport aux chiffres de 2000 qui étaient respectivement de 45/1.000, 107/1.000 et 196/1.000.»
Lucie Umukundwa