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Sud Plateau, la web télé qui milite pour l'Afrique
L’objectif de Sud Plateau TV est de valoriser, sur Internet, le patrimoine culturel africain. Et aussi, de donner une image positive des pays du Sud.
L’idée est née à la fois d’un rêve et d’une colère. Le rêve d’un jeune Africain d’embrasser une carrière de réalisateur de films. La colère d’un professionnel du cinéma face au peu de place qui est consacrée au 7e art africain en France et en Europe. Puis, ce rêve et cette colère se sont transformés en un pari ambitieux. Celui de donner à voir au public de belles images d’Afrique, du Maghreb et des Caraïbes.
De tout cela est née une ambition: faire une télé culturelle sur Internet, afin de «pouvoir être au cœur du débat sur tous les sujets qui font l’actualité des cultures du Sud», comme le souligne le concepteur du projet, Mérimé Padja.
Artiste et militant
Lorsque, en 2008, ce jeune Camerounais termine ses études de cinéma à l’université de Paris 8, il est aussitôt confronté à un choix cornélien. Se battre pour trouver une place au soleil en tant que cinéaste en France, son pays d’accueil, et renoncer à ce qui l’avait toujours motivé à faire des films, à savoir valoriser les cultures africaines. Ou alors, faire du militantisme et oublier son âme d’artiste. Mérimé Padja choisit de faire les deux:
«J’ai toujours été préoccupé par la problématique de la valorisation et de la promotion des cultures du Sud. Et je me suis toujours promis de rester dans ce créneau afin d’apporter ma contribution à rendre nos cultures visibles et accessibles à tous. Il m’était donc impossible, de faire autre chose que de m’engager dans une aventure comme Sud Plateau TV.»
Le jeune cinéaste embarque alors une petite bande de passionnés avec lui. Ils montent un site web pour rendre compte de toute la production artistique et culturelle des Africains en France.
«Il ne s’agissait pas de faire juste de la vidéo sur Internet. Nous voulions bâtir une vraie télévision sur ce support. Nous étions conscients que nous prenions d’énormes risques. Faire une télé est très compliqué en termes de production de contenus, en termes de suivi, en termes de financement… Nous savions que nous allions perdre beaucoup d’argent.»
Modèle économique hybride
Quatre ans après, Sud Plateau TV tire toujours sur la corde raide, comme beaucoup de médias sur Internet, mais préfère croire en des lendemains meilleurs.
«Notre motivation est, bien entendu, économique. Mais elle est surtout militante. Et c’est ce qui nous fait tenir. Et à ce propos, il nous est apparu que la meilleure façon de pouvoir continuer, c’est d’être autonomes en termes de production de contenus», soutient Mérimé Padja, qui exclut l’option de faire un site payant.
Il reste tout aussi persuadé que la formule, un peu «artisanale» que son équipe et lui ont choisie, permettra de continuer à faire un site de qualité.
«Sud Plateau TV ne sera jamais payant, puisque cela casserait notre démarche militante de rendre accessibles et plus visibles nos programmes. D’un autre côté, si on avait misé sur la publicité, il y a longtemps qu’on aurait arrêté.»
Selon son promoteur, ce qui maintient Sud Plateau TV à flots, c’est la visibilité que le projet commence à avoir. Une visibilité due à la variété des programmes proposés et au fait que, pour l’heure, il reste l’un des rares à avoir investi ce créneau.
Contenus ambitieux
«Nous nous sommes inspirés de ce que fait un magazine Africultures, qui est un site de très grande qualité, avec une implantation très forte. Seulement, nous avons voulu apporter de l’image en plus», confie Mérimé Padja.
La web TV offre une ergonomie qui rend la visite du site assez fluide. En page d’accueil, un programme renouvelé quotidiennement. Cela peut être un film africain, une émission de débat, ou encore un documentaire produit et réalisé par la chaîne.
A côté de cela, une dizaine de rubriques qui portent sur le cinéma, les arts plastiques, le théâtre, la littérature, la musique et même la cuisine. Le tout présenté dans une recherche permanente d’équilibre entre les textes et les images. Le public peut aussi suivre un agenda des événements culturels afro-caribéens qui se déroulent en France.
Parmi les programmes-phares de cette chaîne de télévision culturelle sur le web, figure l’émission «Côte Sud». Il s’agit d’une rencontre avec des comédiens africains qui explorent, dans leur travail, des classiques occidentaux. Ainsi, peut-on suivre en ce début de mois de mai, un échange avec la comédienne burkinabè Odile Sankara (la sœur cadette de l’autre), qui vient de terminer une série de représentations à Rome, en Italie, dans le rôle d’une Médée africaine, du nom de la tragédie grecque bien connue d’Euripide.
Autre grand rendez-vous de Sud Plateau TV, «Coktail aux décibels», une émission musicale dont le propos est de faire découvrir les sonorités venues du continent africain, avec des extraits de concerts live donnés par l’artiste invité. Et puis, il y a «Métrotextuel», une immersion hebdomadaire dans les transports publics parisiens pour interroger les voyageurs sur leurs lectures.
Solidarité africaine
A la naissance du projet en 2008, l’équipe était constituée d’une dizaine de joyeux lurons, tous très enthousiastes à l’idée d’offrir une autre image de leur Afrique natale, une image d’une Afrique en mouvement. Mais l’enthousiasme de certains s’est émoussé face aux contingences économiques. Et aujourd’hui, il reste à peine la moitié pour faire tourner les moteurs. Autant dire qu’il s’agit d’une gageure.
«Nous aurions pu mettre en avant notre côté militant, pour faire appel à des bénévoles. Mais il se trouve que je crois très peu au bénévolat, surtout dans ce domaine. Ainsi, nous accueillons des étudiants en école ou faculté de cinéma ou en école de journalisme. En contrepartie, nous produisons leurs films de fin d’étude.»
En plus donc de militer pour une meilleure visibilité des cultures du Sud sur les écrans en France et en Europe, Sud Plateau entend aussi œuvrer à l’insertion professionnelle des jeunes.
«Nous mettons à disposition notre matériel pour tous ceux qui le souhaitent. Grâce au travail réalisé, ils peuvent ensuite le faire valoir auprès de structures plus importantes et se faire une place au soleil. Et nous sommes là pour les accompagner dans cette démarche», ajoute Mérimé Padja.
Toute la question est de savoir jusqu’où ce seul enthousiasme militant portera les concepteurs du projet. La dure loi économique les contraindra, peut-être, à mettre sur pied des stratégies moins artisanales.
Raoul Mbog
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