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Le président érythréen et le Premier ministre éthiopien se rencontreront "bientôt"
Le président érythréen Issaias Afeworki et le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed se rencontreront "bientôt", une nouvelle étape sur la voie du dégel des relations entre les deux pays, dont les plus hauts dirigeants ne se sont plus réunis depuis près de 20 ans.
"La visite de la délégation érythréenne a établi un terrain fertile pour la restauration de la paix entre les deux pays", a indiqué la radio-télévision proche du pouvoir éthiopien Fana, en disant rapporter les propos du ministre éthiopien des Affaires étrangères, Workneh Gebeyehu.
Selon Fana, qui ne donne aucun détail sur le lieu et la date possibles, M. Abiy a envoyé jeudi une lettre au chef de l'État érythréen. Cette rencontre pourrait aider à mettre fin à des décennies d'hostilité entre les deux voisins de la Corne de l'Afrique.
Une délégation érythréenne de haut niveau, composée notamment du ministre des Affaires étrangères Osman Saleh et du conseiller spécial du président Issaias, Yemane Gebreab, a effectué une visite historique de trois jours à Addis Abeba qui s'est conclue jeudi.
Au cours d'un dîner organisé mardi soir au Palais national éthiopien, M. Abiy a assuré que la paix entre les deux pays apporterait de nombreux bénéfices à la Corne de l'Afrique, notamment commerciaux.
Il a ainsi annoncé que la compagnie aérienne Ethiopian Airlines reprendrait des vols à direction de l'Erythrée. "Nous avons le même sentiment à Asmara", la capitale érythréenne, a répondu M. Yemane.
Selon Fana, la délégation érythréenne a visité mercredi le parc industriel d'Hawassa, à 275 km au sud de la capitale Addis Abeba, où 18 compagnies textiles et d'habillement emploient 18.000 personnes.
Inimaginable il y a encore quelques semaines, l'envoi de cette délégation avait été décidé par le chef de l'État érythréen, en réponse aux "signaux positifs" émanant du Premier ministre réformateur éthiopien.
M. Abiy, 42 ans, a pris ses fonctions en avril et a depuis amorcé un train de réformes sans précédent depuis plus de 25 ans dans le deuxième pays le plus peuplé d'Afrique.
- "Un premier pas positif" -
Au nombre de ces bouleversements, l'annonce début juin de son intention d'appliquer l'accord de paix signé en 2000 avec l'Érythrée et les conclusions de la commission internationale indépendante sur la démarcation de la frontière.
L'Éthiopie et l'Érythrée se sont livré de 1998 à 2000 une meurtrière guerre conventionnelle, avec chars d'assaut et tranchées, qui a fait quelque 80.000 morts, notamment en raison d'un désaccord sur leur frontière commune.
Le refus éthiopien d'appliquer une décision en 2002 d'une commission soutenue par l'ONU sur le tracé de la frontière a ensuite, entre autres, entretenu l'animosité entre les deux pays.
Il y a deux ans à peine, en juin 2016, un violent accrochage avait opposé les deux armées à la frontière, les Érythréens affirmant avoir tué plus de 200 soldats éthiopiens. L'Éthiopie avait alors mis en garde son voisin, lui rappelant qu'elle avait "la capacité de mener une guerre totale".
En répondant à la main tendue de M. Abiy, le président Issaias a tranché avec ses habituelles diatribes. A la tête depuis 1993 d'un des régimes les plus fermés et les plus répressifs au monde, il justifie depuis des années l'emprisonnement de dissidents et la conscription obligatoire par la nécessité de se défendre contre l'Éthiopie.
Autrefois façade maritime de l'Éthiopie avec les ports de Massawa et d'Assab, l'Érythrée a déclaré son indépendance en 1993 après avoir chassé les troupes éthiopiennes de son territoire en 1991 au terme de trois décennies de guerre.
La décision de M. Abiy de tourner la page du conflit de 1998-2000 en respectant l'accord de paix d'Alger a été saluée par la communauté internationale.
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres s'est félicité jeudi d'un "premier pas positif" sur la voie de la normalisation entre les deux pays, qui devrait avoir "un impact considérable dans toute la région".
Mais la promesse du Premier ministre éthiopien a aussi été accueillie avec défiance par les 18.000 habitants éthiopiens de la ville symbole de Badme, accordée à l'Érythrée en 2002, qui redoutent de se retrouver sous la coupe de leur ancien ennemi.