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Sarko maladroit à droite
Après avoir cité le “rose” Jaurès, le caméléon Sarkozy tente de prendre la couleur bleu marine. Texte et dessin de Damien Glez.
Quand on est obnubilé par les chiffres des sondages, on peut trouver l’arithmétique bien cruelle. La présidence Sarkozy en compte 264, des sondages commandés, rien que pour la période de 2007 à 2009, et pour une valeur de 6,35 millions d'euros. Quant à l’arithmétique, elle indique que Nicolas + Nicolas = François.
La somme des suffrages, au premier tour, de Sarkozy et Dupont-Aignan ne permet pas de décoller des 30% des intentions de vote au second tour, ce «français sur trois» que Valéry Giscard d’Estaing promettait au vaincu. La moisson centriste étant maigre et aléatoire -les 9,13% d’un MODEM idéologiquement dispersé-, il ne reste plus au président sortant, pour espérer ne pas être sorti dimanche, que le réservoir de voix d’extrême-droite. Comme Don Quichotte fondant sur les moulins à vent, le moulin à paroles Sarko fond donc sur les appétissants 17,9% de Marine Le Pen; ceux-là même que le ministre de la Défense Gérard Longuet qualifie de «très respectables» dans une interview accordée à l'hebdomadaire Minute. Même les Riri, Fifi & Loulou de l’Identité nationale, Eric Besson, Brice Hortefeux et Claude Guéant, semblent doublés sur leur droite!
Revenir dans la marmite sarkozyste
Pas d’alternative pour Sarko: il faut faire revenir dans la marmite sarkozyste les électeurs qui ont “mariné” durant la campagne de premier tour…
Et voilà le caméléon qui tente d’épouser la couleur bleu marine. Energie du désespoir: il pousse son mimétisme “téléphoné” jusqu’à devenir une sorte de caricature frontiste. L’intellectuel Régis Debray considérant que Nicolas Sarkozy s’exprime avec un vocabulaire de 250 mots (quand l’écrivain Jean Giraudoux en utilisait 32.000), le candidat de l’UMP n’a plus qu’à puiser allégrement dans le lexique du Front national. Morceaux choisis…
- Musulman [myzylmã] adj. et n. Obscur individu à la pilosité paroxystique, à la baignoire maculée de sang capriné et aux épouses aussi voilées que multiples. En citant l’islamologue suisse Tariq Ramadan comme un présumé soutien de François Hollande, Nicolas Sarkozy s’offre en prime, un message subliminal avec le nom du mois du jeûne de l’Islam, fantasmé comme propice à l'intensification du djihad.
- Stalinien - adj. et n. terme désuet exhumé directement du siècle passé, en particulier de la période de la guerre froide. Carrément terrifiant quand il est apposé à «procès». Synonyme de dictature prochaine, comme les «chars du Pacte de Varsovie» que la droite française annonçait sur les Champs-Elysées, quand François Mitterrand devenait en 1981 le premier président de gauche de la cinquième république française. Le péril rouge mélangé avec le péril vert, chromatiquement parlant, ça fait une couleur bien scatologique…
- Étranger [etrãze] adj. et n. Féroce soldat venu, jusque dans les bras français, égorger les fils et les campagnes électorales. À accoler à «fraude aux prestations sociales» ou à «incompatibles avec l’identité nationale» pour distiller, sans en avoir l’air, une dose homéopathique de xénophobie. Permet de dénoncer le «droit de vote des étrangers» que Sarkozy n’excluait pas en 2007, mais qui serait devenu, subitement, un ferment du communautarisme. Autorise quelques appréhensions vis-à-vis d’une immigration à destination d’une Europe devenue une “passoire”.
Saint Jude, le patron des causes désespérées…
- Frontière n.f. Ligne qu’il faut franchir pour aller faire la leçon et distribuer les coups de chicottes aux Africains, mais qu’il faut verrouiller, en dépit des accords de Schengen, quand les mêmes Africains, mués subitement en hordes, entendent faire leurs emplettes à Barbès-Rochechouart [voir “Étranger”]; ou comment renverser le concept de "Nouvelle Frontière" de John Fitzgerald Kennedy…
- Travail [tRavaj] n.m. 1. Vrai travail : voir «patriote». 2. Faux travail : voir «syndiqué».
- Sécurité [sekyrite] n.f. Sécurité de l’emploi: pour ne pas ajouter un chômeur aux chômeurs, réélire le président sortant…
Médusés, les ressortissants d’Afrique francophone suivent cette dérive sarkozienne comme si les discours leur était adressés, à eux les «étrangers», les «musulmans d’apparence» qui sont “réputés” se satisfaire du «travail» au noir, ceux qui sont de l’autre côté des «frontières», ceux qu’on met toujours à l’index en premier quand les questions d’insécurité se posent…
La quête de Nicolas Sarkozy est-elle peine perdue? Le candidat n’arrive guère à convaincre dans le rôle d’ersatz du Front national. C’est qu’il ne peut faire que des œillades sans lendemain à un Front national auquel -tabou français suprême- il ne peut pas proposer d’accords électoraux aux législatives. C’est que certains électeurs qui avaient “cocufié” Jean-Marie, en 2007, pour Nicolas, se sentent eux-mêmes cocus. C’est que les votes anti-système de frontistes presque anarchistes ne peuvent que se déverser dans l’abstention. C’est que les membres de l’appareil du F.N. ont tout autant intérêt à voir le parti de droite “modérée” laminé qu’ils tireraient avantage à propulser à l’Elysée un parti de gauche qui, de leur point de vue, a des aspérités idéologiques qui sont autant de prises dans l'ascension vers le pouvoir d’un F.N. dédiabolisé.
Au terme de sa folle course vers les électeurs “marinistes”, il ne restera au jogger sortant qu’un cierge à déposer aux sandales de Saint Jude, le patron des causes désespérées…
Damien Glez
Damien Glez est un dessinateur burkinabé. Il dirige le Journal du Jeudi, le plus connu des hebdomadaires satiriques d'Afrique de l'Ouest.
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