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Fiche de Bashir Shrkawi sur le site d'Interpol. Capture d'écran
Fiche de Bashir Shrkawi sur le site d'Interpol. Capture d'écran

Tribune: Bachir Saleh, ex-proche de Kadhafi est-il protégé par la France?

La guerre en Libye va-t-elle peser sur la présidentielle française?

Ces derniers jours, le dossier libyen a été relancé par la publication par Mediapart d’un document qui pourrait prouver que Mouammar Kadhafi  aurait financé la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. Aussitôt, l’un des signataires dudit document, Bachir Saleh, a contesté son authenticité. Rien d’étonnant, l’ancien directeur de cabinet du Guide libyen étant réfugié et protégé en France. Nicolas Sarkozy a toutefois assuré, mardi 1er mai, que l'ex-dignitaire libyen serait arrêté «s'il est recherché par Interpol», précisant que M. Saleh était visé «sous un autre nom» par Interpol.

Après avoir renversé le régime libyen, la France protège-t-elle l’un de ses anciens dignitaires? Bachir Saleh, homme de confiance de Mouammar Kadhafi, ne s’est pas enfui en Mauritanie, contrairement à Abdallah al-Senoussi. Il ne croupit pas dans les geôles libyennes, contrairement à Saif al-Islam Kadhafi. Non, l’ancien directeur de cabinet du Guide libyen vit paisiblement en France depuis des mois. Mieux, il serait protégé par le ministère de l’Intérieur, comme l’a affirmé le Canard Enchaîné le 18 avril.

Sous la protection du ministère de l'Intérieur?

Selon l'hebdomadaire satirique, Bachir Saleh, l’un des plus proches collaborateurs de Kadhafi, aurait été arrêté puis rapidement relâché par le CNT à la chute du régime. Après avoir quitté le pays à destination de la Tunisie et de l’île de Djerba, il aurait été exfiltré à destination de la France grâce à l’intervention de l’ambassadeur de France en Tunisie, Boris Boillon, via le jet privé, immatriculé en Suisse d’Alexandre Djouhri, homme d’affaires peu connu du grand public mais proche des réseaux pasquaïens, chiraquiens, villepinistes puis sarkozystes. Une fois en France, Saleh aurait bénéficié d’un permis de séjour au nom du regroupement familial. Il serait également protégé par des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur.

Bachir Saleh pourrait même être détenteur d’un passeport diplomatique. En effet, en mars dernier, un haut responsable militaire nigérien, le colonel Djibou Tahirou, avait affirmé que le Niger lui avait délivré «sur le conseil et la pression d'un pays européen» un passeport diplomatique avant de l'annuler.

Pourquoi Bachir Saleh serait-il protégé par la France?

Problème, même si François Fillon n’est visiblement pas au courant, Bachir Saleh est recherché par Interpol, comme le montre sa fiche estampillée «notice rouge» au nom de «Bashir al Shrkawi», nom utilisé sur son passeport nigérien,  né en 1946 à Agadez, au Niger, de nationalité libyenne.

Pourquoi Bachir Saleh serait-il protégé par la France? Lorsqu’il était directeur de cabinet de Mouammar Kadhafi de 1998 à 2006, il dirigeait la communication libyenne auprès des partis et médias étrangers. Ensuite, il fut nommé à la tête du «Libya Africa Investment Portfolio», un fonds d'investissement doté d’un capital de 8 milliards de dollars et dépendant de la Libyan Investment Authority (LIA), alimentée par les revenus du pétrole au capital estimé à 75 milliards de dollars.

Entre autres, la LAIP possèdait 25 % de la Libyan African Aviation Holding Company (LAAHC), qui détenait notamment Afriqiyah Airways, Libyan Air­lines, United Air Transport et des possessions dans les domaines des hydrocarbures et des mines, de l’immobilier, du tourisme, de l’industrie. En d’autres termes, Bachir Saleh était le véritable caissier du régime chargé d’investir dans des secteurs avouables et d’autres moins.

«C’était une sorte d’intendant général, il en savait plus que le patron de la Banque centrale libyenne sur les cadeaux faits aux amis étrangers. Si Kadhafi disait “il faut donner deux millions à Untel”, c’est lui qui s’en occupait», a expliqué un diplomate français au Canard Enchaîné.

Interlocuteurs privilégiés en France

Selon le Canard Enchaîné, au fil des ans, à partir de 2007, Saleh était devenu l’interlocuteur privilégié de Claude Guéant. Très introduit en France, Bachir Saleh avait longtemps tenté une médiation entre Paris et Tripoli. Le 15 août 2011, il avait rencontré à Djerba l’ancien premier ministre Dominique de Villepin accompagné d’Alexandre Djouhri.

L’homme d’affaires Ziad Takieddine, par ailleurs mis en examen dans le cadre du volet financier de l’affaire Karachi, laisse entendre que Bachir Saleh et Moussa Koussa, ancien chef du service de la sécurité extérieure de la Libye, étaient particulièrement en lien avec trois hommes: Bernard Squarcini, directeur de la DCRI, Alexandre Djouhri et Claude Guéant.

Bachir Saleh a en tout cas mis en doute l'authenticité du document cité par Mediapart sur un accord libyen pour financer la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, et dont il aurait été le destinataire. De même que Moussa Koussa qui aurait rédigé le document.

«Il est clair que tout ce qui se dit est sans fondement. La question ne mérite pas que l'on s'y arrête», a expliqué l'ex-responsable libyen, sans fournir d'autres détails.

Détail qui a son importance: Moussa Koussa est actuellement réfugié au Qatar, pays très lié à la France, notamment dans le domaine du nucléaire notamment dans le domaine énergétique, comme l’a par exemple dénoncé Anne Lauvergeon, ancienne patronne d’Areva.

Doha a également joué un rôle de médiateur dans les négociations pour la libération des infirmières bulgares. Otages qui, selon une révélation de l'hebdomadaire Les Inrockuptibles, auraient été «échangées» contre des armes et la livraison d’une centrale atomique.

Paris aurait accepté ces exigences et signé le 25 juillet 2007 un «mémorandum d’entente» reprenant la demande des libyens, sachant qu’un mémorandum permettait de contourner les accords internationaux en matière de non-prolifération.

Arnaud Castaignet

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Arnaud Castaignet

Journaliste économique

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