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Mali: Vers le triomphe de l’islamisme au Sahel?
Alliés de circonstance, puis concurrents de la rébellion touareg, les islamistes pourraient bien ne pas s’arrêter au nord du Mali. En ligne de mire: le sud du pays et pourquoi pas, le reste du Sahel…
Mise à jour du 5 avril 2012: Le capitaine Amadou Sanogo, chef de la junte malienne, a appelé les Occidentaux à intervenir militairement dans le nord du Mali, contre les groupes islamistes armés, dans un entretien publié le 5 avril dans les quotidiens français Libération et le Monde.
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«Aujourd’hui donc, c’est l’imbroglio: le MNLA a pour objectif la création d’un Etat touareg dans le nord (tandis que) les groupes islamistes veulent créer un Etat islamique et imposer la charia à tout le Mali.»
En peu de mots, la divergence de vues qui oppose rebelles indépendantistes Touaregs et islamistes est posée par le quotidien algérien La Tribune.
Alors qu’elles menaient jusque-là une offensive armée conjointe, donnant toutes les apparences d’une alliance forte, les troupes du MNLA et d’Ançar Dine affichent à présent leur désaccord.
La rupture d’avec les Touaregs est consommée
Selon le journal malien Le Flambeau, le divorce est consommé parce que: «rien qu’à murir une profonde réflexion sur leurs historiques, objectifs et modes opératoires, l’on se rend compte que leur alliance est contre toute nature. Le seul point qui les rassemblait étant relativement atteint aujourd’hui, notamment la libération du nord de toute emprise de l’Etat malien, tout porte à croire qu’une guerre interne entre «les frères alliés» n’est pas à exclure», se réjouit le journaliste.
Dans une analyse intitulée «MNLA, Aqmi et Ançar Dine: partenaires d’aujourd’hui, pires ennemis de demain», le titre de presse s’explique: «Le MNLA est un mouvement indépendantiste et laïc ayant pour seul objectif l’indépendance de l’Azawad. (…) Contrairement au MNLA, les radicaux d’Aqmi ont prouvé à travers leurs actes que leur objectif majeur (était) le contrôle de la zone pour la facilitation de leurs trafics de tout genre et leurs actions contre les occidentaux. Quant au mouvement Ançar Dine, le combat est l’instauration de la Charia sur toute l’entendue du territoire national.»
A Tombouctou, d’où Ançar Dine a chassé les forces du MNLA une fois la ville conquise, cette ambition divergente s’est une fois de plus exprimée, écrit le quotidien algérien La Tribune: «Iyad Ag Ghaly (le chef d’Ançar Dine), ex-figure des rébellions touareg des années 1990, a rencontré lundi (2 avril) les imams de la ville et a expliqué «qu’il n’(était) pas venu pour l’indépendance, mais pour l’application de la loi islamique».»
Mais parfois, la division s’illustre de façon plus consensuelle dans le partage que se sont fait les rebelles des territoires conquis si l’on en croit le quotidien algérois Liberté:
«Selon Mohammed Asaleh, maire d’une localité de la région qui a rallié les rangs du MNLA, deux groupes armés se sont partagé les deux camps militaires de Gao. D’un côté, des rebelles qui veulent créer une république sont dans le camp situé à la périphérie de la ville, et (de l’autre) des groupes islamistes, qui veulent l’application de la charia, dans le second camp militaire situé au cœur de la même localité.»
La logique d’affrontement n’a donc pas totalement succédé à celle du pacte militaire et pour l’heure les différentes forces composent ensemble sur la partie du territoire qu’ils contrôlent.
Volonté de conquête
Ceci dit, le rapport de force pourrait tourner au désavantage des touaregs du MNLA qui «semble être profondément infiltré par les islamistes.» ajoute encore le journal Liberté.
Toujours en Algérie, la presse révèle que les autorités s’inquiètent de la création d’un Etat touareg vulnérable à l’islamisme au sud de ses frontières: «quel sera le comportement de ce nouveau voisin par rapport (…) au terrorisme et à Al Qaida aux frontières?» s’interroge L’Expression.
Estimant que les pays voisins auraient tort de ne pas se sentir concernés par la propagation endémique d’un islamisme triomphant, Adam Thiam, éditorialiste du journal Malien Le Républicain sonne l’alarme dans une chronique enlevée:
«Leur objectif était et reste le jihad, écrit-il. La guerre: sainte mais la guerre, tout de même(…) L’alliance Ançar Dine-Aqmi nous fera trembler tous(…) Dans leur collimateur, une cible logique: l’Algérie, berceau de l’enfant teigneux qui a survécu à l’infanticide(…) Les peuples et les pouvoirs maghrébins résisteront à l’extrémisme, c’est certain. Mais le propre de l’extrémisme est de ne pas lâcher. Ni en Afrique du Nord ni en Afrique subsaharienne...»
Selon le chroniqueur, le Mali n’est que la première phase d’une entreprise de conquête dirigée vers les pays de la sous-région qui présentent un terreau favorable:
«Hôte ingrate, la bête se paiera d’abord sur le Mali, certes de toutes les fragilités aujourd’hui mais aussi de l’islam soufi qui le rend si tolérant et si ouvert à d’autres influences. La Mauritanie de Ould Abdel Aziz, ne dormira, quant à elle, que d’un œil inquiet. Son pays est par excellence une réserve de matière première pour Aqmi statut de république islamique, ancienne pépinière des jihadistes. Mais l’onde de choc ira bien plus loin. Entre Tombouctou aujourd’hui et Maidiguri, entre Aqmi et Boko Haram, les arguments d’une alliance stratégique sont devenus plus forts…»
Abdel Pitroipa
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