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Une maison détruite après les explosions du 5 mars à Brazzaville. © Stringer/Reuters
Une maison détruite après les explosions du 5 mars à Brazzaville. © Stringer/Reuters

Congo: Qui est responsable des explosions de Brazzaville?

Après l’explosion de trois dépôts de munitions dans la capitale de la République du Congo, les Congolais exigent désormais du gouvernement qu'il rende des comptes.

Le 4 mars 2012, Brazzaville, la capitale du Congo, a vécu un véritable drame: une série d'explosions de munitions dans des dépôts situés dans la ville. Le bilan, toujours provisoire, est estimé à plus de 220 morts, 2.300 blessés et environ 14.000 sans-abris.

Cette catastrophe sans précédent a provoqué une vive émotion au Congo et au sein de la communauté internationale. Un deuil national de plusieurs jours a été décrété du 6 au 11 mars, suivi par des obsèques officielles de 187 des victimes. Passé le temps du recueillement, nombreux sont les Congolais à demander des comptes aux autorités du pays.

Quelques heures après le drame, le ministre de la Défense, Charles-Zacharie Bowao, et le ministre de l’Intérieur, Raymond Zéphirin Mboulou, interviennent à la télévision afin de rassurer la population. Ils expliquent qu’il ne s’agit ni d’une guerre civile, ni d’un attentat mais d’un simple accident. Propos qualifiés d’«insultants» par l’Observatoire congolais des droits de l’homme (OCDH), l’une des principales ONG congolaises, tant ils apparaissent en décalage avec l’ampleur du drame:

«Ils ont évoqué une situation sous contrôle et peu de blessés. Alors que, sur place, les familles vivaient un véritable enfer», explique Roch Euloge Nzobo, le chargé des programmes de l’OCDH.

Gestion hasardeuse de la crise

Sur le lieu du sinistre, les secours tardent à venir. «48h après l’explosion (…) je n’ai vu aucun policier ou gendarme aider les rescapés à la recherche de leurs proches sous les gravats», complète Roch Euloge Nzobo. La plupart des familles touchées ont du rejoindre tant bien que mal les hôpitaux de Makélékélé, le CHU et l’hôpital militaire, eux aussi complètement débordés. Joe Washington Ebina, homme d’affaires congolais et président de la fondation philanthropique Ebina, raconte:  

«Il n’y avait aucun médicament dans les hôpitaux. On a dû courir dans les pharmacies pour en trouver. C’est scandaleux.»

Aujourd’hui la situation humanitaire des cinq sites d’accueil mis à disposition des milliers de sinistrés dans différents quartiers de la ville est inquiétante. Il manque des tentes d’accueil, de la nourriture, et l’accès à l’eau est difficile. Les premiers cas de rougeole ont fait leur apparition.  

«Si le gouvernement n’est pas capable de gérer ces sites, pourquoi n’en confie-t-il pas la responsabilité à des acteurs reconnus, comme le Comité International de la Croix Rouge (CICR)», se demande l’OCDH.

Le gouvernement est mis en cause par les ONG, pour avoir laissé des dépôts de munitions aussi dangereux en plein cœur de la ville. Les trois dépôts concernés, celui du Régiment blindé, du camp du Génie militaire, et du camp de l’Intendance, ont été construits pendant la période coloniale, à l’extérieur de la ville. Mais l’urbanisation gagnant du terrain, ces dépôts se sont retrouvés progressivement en pleine zone d’habitation, dans le quartier de Mpila, dans le sixième arrondissement Talangaï de Brazzaville. Le pouvoir n’a jamais pris la peine de les déplacer, malgré plusieurs avertissements.

En 2009, un incendie de munitions stockées dans un camp militaire avait provoqué la chute de quatre obus sur le quartier populaire d'Ouenzé, au nord de la capitale, heureusement, sans faire de victimes. Une promesse, jusqu’ici non tenue, de délocaliser les camps militaires avait alors déjà été faite.

Une enquête, menée par le directeur général de la surveillance du Territoire, est en cours pour dégager les responsabilités des uns et des autres. Dans cadre, plusieurs officiers ont déjà été entendus. Pour Joachim Mbanza, directeur de publication de la Semaine Africaine, un hebdomadaire congolais, la responsabilité de l’armée est évidente:  

«L'armée a des officiers experts qui savent la puissance destructrice de chaque type d'obus ou de bombe. On sait les risques qu'on prend, en les mettant dans un camp militaire situé en plein quartier populaire (…) Des sanctions doivent être prises au niveau de l'armée: le responsable du dépôt de munitions, le commandant du camp, le chef d'Etat-major général. Au niveau du gouvernement, le Ministre de la Défense devrait poser sa démission, par respect pour autant de morts causés.»

Indemnisations toujours attendues

Joe Washington Ebina, un opérateur économique qui, depuis plusieurs années, ne fait pas mystère de son opposition au pouvoir en place, est beaucoup plus radical:

«La responsabilité revient au président lui-même qui commande les armées. Il n’a pas su sécuriser sa population. Il devrait démissionner. Au Congo, il y a déjà eu trop de catastrophes, trop de drames, trop de crimes sans que les responsables ne soient jamais désignés. L’impunité est reine. Ce n’est plus possible.»

A la suite à la catastrophe, le gouvernement a annoncé la construction de logements modernes à Brazzaville et le versement d’une «allocation de subsistance» de 3 millions de Fcfa (5.000 euros) pour chaque famille des victimes.

Dans l’espoir que ces promesses se matérialisent, les sinistrés font face à l’adversité tant bien que mal. Mais pour beaucoup d’entre eux, dans un pays où le programme politique du président en place est modestement baptisé «Le chemin d’avenir», il est difficile de dire de quoi demain sera fait.

Adrien de Calan

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Adrien de Calan. Journaliste français.

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