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Scène de prière entre les barres d'immeubles. capture écran Allo ciné
Scène de prière entre les barres d'immeubles. capture écran Allo ciné

Cette France qui désintègre

Dans son nouveau film, la Désintégration, Philippe Faucon suit le parcours de trois jeunes Lillois qui basculent dans le terrorisme islamiste.

Mise à jour du 22 mars: Le jeune Français Mohammed Merah est mort lors de l'assaut par la police de son appartement où il s'était retranché.

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Mise à jour du 21 mars: Mohammed Merah, le présumé auteur des fusillades à Montauban et Toulouse, est un Français d'origine algérienne de 24 ans. Il a grandi à Toulouse dans un quartier réputé «sensible». Sa trajectoire nous renvoie aux personnages du film La Désintégration. Des jeunes qui basculent dans l'islamisme djihadiste, une branche minoritaire de l'Islam.

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Tirer la sonnette d’alarme, dénoncer l’islamisation des jeunes de banlieue, les prévenir des dangers de l’extrémisme. Tels sont les objectifs du nouveau long métrage de Philippe Faucon, La Désintégration. Une intention plus que louable, un thème quasi-absent dans le cinéma français, et pourtant… En une heure vingt, le réalisateur passe à côté de son but.

Philippe Faucon est loin d’être un novice. Il a consacré plusieurs de ses films aux quartiers dits sensibles et à la communauté maghrébine (Samia en 2000, Dans la vie en 2008). 

 Dans La Désintégration nous suivons la vie de trois jeunes hommes: Nasser zone dans le quartier, et passe son temps assis en bas de l’immeuble. Très vite sa famille le rejette. Nico-Hamza, un jeune Français converti à l’Islam qui ne veut plus qu’on l’appelle Nico. Il s’est tourné vers l’islam. Ali, interprété par Rachid Debbouze (frère de Jamel), correspond à l’archétype du diplômé-chômeur, déçu d’une société française qui n’intègre pas ses jeunes issus de l’immigration.

La première séquence du film: une prière qui s’improvise entre les barres du quartier, situées dans la banlieue de Lille. Les fidèles aident à la logistique en installant les tapis et les micros. La scène de prière ouvre le film, l’acte terroriste le clôt.  

Désintégration progressive

Djamel, un homme plus âgé à la barbe bien taillé participe à la prière et guette ses futures proies: il les préfère en rupture avec la cellule familial ou avec la société. La désintégration est progressive. Il propose à Nasser de l’accueillir puis lui montre que la voie qu’il a choisie jusqu’à maintenant n’est pas la bonne car n’est pas celle d’Allah (Dieu). Derrière des mots hypnotisants, doux, Djamel le convainc de faire la prière et de se couper de la société française pour rejoindre la Oumma, la communauté des croyants.

Ali est le dernier à tomber dans le filet du prédicateur, très proche de la doctrine salafiste, celle qui prône entre autre le retour à l’islam des pieux ancêtres, celui du prophète Mohammed.

Ali est en dernière année de bac pro. Il doit trouver un stage en entreprise pour valider ce diplôme. C’est à cet instant que les choses se compliquent. Bon élève, il envoie plus d’une centaine de CV. Aucune réponse. Perdu, il se tourne vers sa sœur.  

«Que faut-il rajouter ou modifier sur mon CV?» «Ton nom», répond-elle avec une once de sarcasme.

Autant d’effort pour rien, se dit Ali. C’est maintenant à Djamel de jouer! Le terrain est propice chez les trois jeunes en mal de reconnaissance sociale. Djamel prône donc la rupture par l’Islam, l’Islam des premiers temps. Commence la désintégration: avec la société, la France, la famille, soi-même. Les trois deviennent des esclaves de Dieu, prêt à mourir. La mère d’Ali apprend la mort de son fils en regardant le journal télévisé, qui le présente comme l’un des terroristes responsables de l’attentat devant le siège de l’Otan.

Quand les raccourcis tuent le réalisme

Philippe Faucon donne à voir des scènes et des dialogues réalistes, percutant et poignant. Le ton est souvent juste, notamment dans les rapports entre la mère d’Ali, joué par Zahra Addioui, et son fils. Le personnage de Djamel et le discours qu’il porte sur la religion, existe en France et dans le monde entier. Les prédicateurs salafistes djihadistes prônent effectivement le djihad et réfutent souvent l’Islam institutionnel, ce que Djamel appelle dans le film l’islam de France.

Face à cette volonté de réalisme, les contraintes de tournages: peu de budget, peu de temps. Filmer ce phénomène social et religieux si sensible en une heure vingt laisse le spectateur averti frustré.Les problèmes sociaux, à la base de la désintégration sont à peine visibles, la banlieue reste une simple entité de lieu et le quotidien des trois personnages principaux de 20 ans est presque passé sous silence.

Si le spectateur ne connait pas la réalité des banlieues, il ne peut soupçonner les difficultés rencontrées par ses habitants et ceux qui la connaissent n’ont pas forcément l’impression d’y être. La discrimination à l’embauche est seulement suggérée. On ne voit jamais le personnage s’y confronter réellement.

A aucun moment, on assiste à une véritable confrontation entre Ali et sa famille. Le rôle protecteur du grand frère est présent au début mais s'atténue rapidement. Son frère essaie de le raisonner mais nous n’assistons pas à la scène. Seulement quelques « Ali, ca va pas? Qu’est-ce qui se passe?».

La mère, interprétée par Zahra Addioui, tente à peine de s'opposer à son fils alors qu’elle vante un islam du «partage» et du «pardon». L’islam djihadiste sort vainqueur du film. On aimerait entendre un autre discours, une autre voix que celle de Djamel.

L'islam défendu par la mère et le frère d'Ali n'est que suggéré. Or ce film ne peut faire l’impasse sur la société à laquelle il s’adresse. Une société méfiante à l’égard d'une certaine forme d'islam vue comme incompatible avec la république et la civilisation occidentale.

Les non-dits du film risquent d’alimenter cette vision, parfois colportée et véhiculée au sommet de l’Etat.

Justine Gonsse et Nadéra Bouazza 

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