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Wade-Mugabe: dialogue d’octogénaires
Robert M., 88 ans depuis le 21 février, et Abdoulaye W., 86 ans en mai prochain, s’accrochent à leurs trônes. Dialogue imaginé et illustré par Damien Glez…
Mise à jour du 26 février 2012. Ma majorité est si écrasante que je pense être élu avec un fort pourcentage dès le premier tour a déclaré le président du Sénégal, Abdoulaye Wade au Journal du dimanche le 26 février.
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Quand un président octogénaire rencontre un président octogénaire, qu’est-ce qu’ils se racontent? Des histoires de présidents octogénaires:
Abdoulaye: Happy birthday, grand frère!
Robert (étonné): «Grand frère»?! Est-ce qu’il y a encore “grand frère” et “petit frère” après 85 ans?
Abdoulaye: Bien sûr ! Moi, je suis jeune et vigoureux! Même pas 86 ans au compteur!
Robert: 88 ou 86, tu parles d’une différence!
Abdoulaye: Une grande différence, papa!
Robert (effaré): Tu m’appelles «papa», maintenant? Tu veux dire qu’on n’est pas de la même génération?
Abdoulaye: Quand tu avais l’âge de passer le bac, je venais à peine d’avoir mon BEPC…
Robert (agacé): Hé, je te vois venir avec ton affaire de diplômes… Tu vas encore dire que tu es le plus diplômé de tous les diplômés d’Afrique. On connaît le refrain…
Abdoulaye: Ne te fâche pas, tonton!
Robert (marmonne): En tout cas, moi, j’ai encore des cheveux…
Abdoulaye: Pardon?
Robert: J’ai rien dit…
Abdoulaye: Je vois bien que tu as bon pied bon œil, Bob. Mais je respecte le droit d’aînesse. Pas comme ces petits impolis de “Y en a marre”. Y en a marre des “Y en a marre”!
Robert (vexé): En tout cas, moi, au moins, je n’ai pas des manifs sous ma fenêtre…
Abdoulaye (vexé): En tout cas, moi, au moins, je n’ai pas bradé le gouvernement à mon opposant.
Robert (boudeur): Grrmmmlllll…
Abdoulaye: Et ne t’inquiète pas pour la petite brise dakaroise. Les urnes vont parler tout de suite. Je vais être réélu dès le premier tour, pas plus tard que dimanche! Un point, un trait !
Robert (enthousiaste): Yes ! La démocratie, y a rien de tel ! Moi-même, je vais organiser des élections cette année.
Abdoulaye (étonné): Et Tsvangirai? Votre accord de 2008 stipule qu’il n’y aura pas d’élections avant 2013. Pas avant la mise en place d'une nouvelle Constitution…
Robert: C’est bizarre quand même: toi, on te reproche d’avoir modifié ta constitution deux fois et moi, on me reproche de ne pas la modifier.
Abdoulaye: Les peuples ne savent pas ce qu’ils veulent…
Robert: Quant à Tsvangirai, mon “Yen-a-marre” à moi, je vais le prendre de court. Pour m’assurer un scrutin sur mesure, j’ai déjà suspendu 29 ONG, comme Care International, Zimbabwe Peace Project, Zimbabwe Community Development Programme... On ne va pas se laisser dicter notre politique par l’extérieur !
Abdoulaye: Wallaye! C'est deuxième gaou qui est niata oh !.
Robert (surpris): «Gaou»? C’est quoi ça ?
Abdoulaye: Ah c’est vrai, vous ne connaissez pas cette expression à Harare. Je veux dire qu’on ne doit plus être les dindons de la farce géopolitique. Les Européens ne doivent plus se mêler de nos élections.
Robert: Exact! Moi, ce sont les Britanniques qui m’éreintent. Et pourtant: c’est pas leur chef de l’Etat qui a 60 ans de règne? Hein? C’est pas Elizabeth II qui a 86 ans? Est-ce qu’elle s’est déjà présentée à une élection, celle-là? Pfffff…
Abdoulaye: Moi, c’est la France qui cherche des poux sur ma tête rasée. Tu n’as pas entendu le ministre français des Affaires étrangères? Il souhaite l’organisation d’un «passage de générations» au Sénégal! Et bla-bla-bla et bla-bla-bla. Il ne sait pas que la Françafrique est morte et enterrée?!
Robert: Ça l’arrange de ne pas le savoir. C’est pas les mêmes Français qui disent que les meilleures soupes se font dans les vieilles marmites?
Abdoulaye (rire): En tout cas, nous, on est des bonnes cocottes!
Robert: Effectivement, j’ai entendu que le Sénégal est comme une cocotte-minute…
Abdoulaye: Alain Juppé, il oublie une chose: le Paris-Dakar, c’est sur un autre continent, maintenant.
Robert: C’est ça le problème!
Abdoulaye: Quoi? Les rallyes automobiles?
Robert: Non. Les Blancs! Comme Roy Bennett, Elizabeth II, David Cameron, Alain Juppé…
Abdoulaye (embêté): Euh… Je ne sais pas si on peut dire ça comme ça, grand frère…
Robert (désolé): Oups ! J’oubliais que ton épouse à la peau… claire. C’est dépigmentation ou “naissance”?
Abdoulaye (grognon): Grrrrrrr…
Robert: Je rigooole… Elle va bien, ta Viviane?
Abdoulaye: En pleine forme. Normal: elle n’a que 80 ans. Elle se démène pour que son fils ait le pouvoir.
Robert (étonné): Son fils ?!
Abdoulaye: Oups ! Désolé, c’est un lapsus. «Son mari», je voulais dire.
Robert: Tu en as de la chance. Ma femme Sarah Francesca –paix à son âme– ne me soutenait pas avec la même ferveur… Elle m’a même joué de vilains tours…
Abdoulaye: Ma tendre moitié, elle, elle est dévouée et courageuse. Malheureusement, elle est payée en monnaie de singe. Elle a dû rebrousser chemin en arrivant à Nguéniène, quand elle voulait assister à mon meeting. Elle n’a pas supporté l’accueil indélicat de quelques voyous!
Robert: Quelle ingratitude! Nous chahuter, nous, les combattants de la liberté ! Nous qui avons fait plier le régime ségrégationniste du Rhodesian Front!
Abdoulaye: Nous qui avons fait plier le régime hégémonique du Parti Socialiste!
Robert: Ils devraient nous accueillir dans les meetings les bras chargés de cadeaux! (court silence) À propos de cadeau, qu’est-ce que tu m’as amené pour mon anniversaire ?
Abdoulaye (fièrement): Une urne à double-fond!
Robert: Bien joué, petit frère!
Comme pour attirer la chance aux prochaines élections, Robert M. embrasse le crâne de Abdoulaye W.
Damien Glez
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