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Tunisie - La photo de nu qui vaut la prison à un directeur de journal

Pour une photo de Une jugée immorale, le directeur, le rédacteur en chef ainsi qu’un journaliste du quotidien tunisien Attounissia ont été arrêtés le 15 février à Tunis, rapporte Kapitalis. Le lendemain, les trois prévenus ont été auditionnés au tribunal de Première instance le lendemain. Le juge a déposé un mandat de dépôt uniquement pour le directeur Nasreddine Ben Saïda qui a déclaré clairement devant le juge qu'il était le responsable de la publication de la photo et non ses journalistes, rapporte le Business News.

L’origine de cette affaire? Une photographie du footballeur allemand d’origine tunisienne Sami Khedira tenant dans ses bras un mannequin dénudé, rapporte Kapitalis. Ce cliché, repris par Attounissia en une, avait fait la couverture du magazine de mode GQ.

A la sortie du 51ème numéro du quotidien arabophone, le ministère public a saisi toutes les copies et a arrêté son directeur Nasreddine Ben Saïda, le rédacteur en chef Habib Guizani et Mohamed Habib Hidri, journaliste. Les peines encourues vont de 6 mois à 5 ans d’emprisonnement et d’une amende de 200 à 1.200 dinars, soit entre 100 et 600€, précise Kapitalis. Devant le tribunal de Première instance, une dizaine de journaliste se sont mobilisés, rapporte le DNA.

«C'est totalement inacceptable d'arrêter des journalistes pour avoir publié une photo. Je peux comprendre une poursuite judiciaire mais les arrêter alors que nous militons pour arrêter toutes les peines privatives des libertés, c'est trop!», a déclaré Zied El Héni, membre du SNJT.

Dans un communiqué daté du 15 février, le Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT) a condamné le choix éditorial d’Attounissia en expliquant que la photo est contraire à l’éthique du métier, selon Tunisie numérique. Cependant, le SNJT y dénonce l’arrestation des journalistes, ordonne leur «libération immédiate» ainsi que l’arrêt des pressions sur les médias. Le SNT demande également l’activation des décrets 115 et 116 du 2 novembre 2011 qui garantissent la liberté de la presse.

«Reproche-t-on à Ben Saïda la diffusion de la photo d’une femme à demi-nue? Ce qui serait très discutable. Lui reproche-t-on des faits autrement plus graves? Auquel cas le ministère public doit des explications à l’opinion publique», se demande Kapitalis.

Le journal tunisien ne souhaite pas se prononcer sur la polémique de la photographie mais s’inquiète des méthodes du ministère public.

«Il n’est plus question de revenir au procès d’opinion ou au musellement de la presse par voie judiciaire, une pratique largement utilisée par l’ancien régime pour instaurer la dictature», conclut-il.

Lu sur Kapitalis, Business News, DNA, Tunisienumérique

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