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Pourquoi les favoris ont échoué
Si le sacre de la Zambie fait souffler un vent nouveau sur l’Afrique, l’échec des favoris fait tâche. De la Côte d’Ivoire au Sénégal, aucune nation majeure n’a assumé son statut.
L’image est symbolique. Au crépuscule de la nuit du 12 février 2012, au stade de l’Amitié Sino-Gabonaise de Libreville (Gabon), les Zambiens chavirent de bonheur face à des Ivoiriens KO debout. Didier Drogba, le capitaine malheureux des Eléphants, garde la tête baissée. David a battu Goliath. La Zambie, outsider de cette Coupe d’Afrique des Nations 2012, a raflé une finale qui semblait promise à la Côte d’Ivoire. Et au final, toutes les prétendues meilleures nations du continent en sont quittes à ruminer une énorme frustration, en attendant la prochaine CAN dès 2013, en Afrique du Sud.
Les amoureux du ballon rond apprécient sans doute le destin de cette détonante Zambie. Dirigés par l’entraîneur français Hervé Renard, les Chipolopolo s’offrent un trophée dans la ville même où, en 1993, un tragique accident d’avion avait presque entièrement décimée la sélection nationale. Pour la reconnaissance de l’Afrique à travers les résultats des poids lourds continentaux, en revanche, l’échec est de taille.
L'Egypte et le Cameroun et le Nigeria, des absents de marque
Ils ont brillé par leur absence. Une situation à peine imaginable il y a seulement deux ans. A l’époque, l’Egypte remportait sa troisième CAN consécutive, portant à sept son total de victoires dans la compétition. Le Cameroun, quant à lui, pestait déjà contre des résultats en berne (éliminé en quarts de finale de la CAN 2010 par… l’Egypte) mais pouvait toujours compter sur un Samuel Eto’o au sommet de son art. Et la seule présence des Lions indomptables suffisait à susciter l’engouement des spectateurs. Pourtant, aucun de ces deux mastodontes d’Afrique (qui cumulent 14 finales et 11 victoires en CAN sur 28 éditions) n’était du rendez-vous au Gabon et en Guinée équatoriale.
Sorti prématurément de la CAN 2010, sèchement éliminé du Mondial la même année (3 défaites en autant de matches), le Cameroun est dans le creux de la vague. Et pour ne rien arranger, son emblématique leader Samuel Eto’o est de plus en plus décrié. La Fédération camerounaise a suspendu l’attaquant d’Anzhi Makhachkala de 4 matches avec la sélection nationale (soit jusqu’en août 2012), suite à son refus de prendre part à une rencontre amicale contre l’Algérie pour protester contre des primes impayées aux joueurs camerounais (la peine initiale était de 15 matches !).
La phase de reconstruction que doit mener le nouveau sélectionneur français Denis Lavagne s’annonce délicate. L’Egypte, quant à elle, vit une période sombre. Absents de la Coupe du monde 2010 et de cette CAN, les Pharaons semblent marquer le pas, après une domination sans partage. Et avec la tragédie du 1er février qui a causé la mort de 74 personnes, le football égyptien a bien des plaies à panser.
Le Maghreb en retrait
Cette CAN n’a pas vraiment souri non plus aux pays du Maghreb, loin de là. Comme l’Egypte, le Cameroun, et même le Nigeria et l’Afrique du Sud, l’Algérie ne s’est pas qualifiée pour le tournoi 2012, malgré la présence sur le banc de Vahid Halilodzic. Un accroc mal venu, un an et demi après la première participation des Fennecs à une Coupe du monde depuis 1986. Le tir doit être rectifié dès la prochaine CAN.
Porté par une jeune génération talentueuse, le Maroc était attendu. Las, les Lions de l’Atlas n’ont même pas franchi le premier tour. Défaits par la Tunisie et le Gabon, les hommes d’Eric Gerets n’ont pu faire mieux que sauver l’honneur en dominant le Niger, avant de faire leurs valises. Un bilan bien loin de satisfaire les observateurs. Pour les Younès Belhanda, Youssef El-Arabi et autres Adel Taarabt, la pilule n’est pas facile à avaler. A eux de redorer le blason d’un pays dont l’armoire à trophée ne compte qu’une seule CAN. C’était en 1976.
Le parcours des Tunisiens rehausse un peu le niveau. Titrée en 2004 avec Roger Lemerre aux commandes, la Tunisie s’est arrêtée en quarts de finale, battue par le Ghana (2-1). Mais le scénario laissera aux Aigles de Carthage une grande frustration. Alors que les deux équipes étaient à égalité dans les prolongations, le portier tunisien Ayman Mathloutli a commis une grosse faute de main qui a offert le but de la victoire à André Ayew.
Le Sénégal bonnet d'âne
Un zéro pointé. Alors qu’il rêvait d’un premier titre, le Sénégal repart de Guinée équatoriale et du Gabon penaud, avec trois défaites dans la besace. Un énorme fiasco pour une équipe restée invaincue durant la phase de qualification. La sélection sénégalaise se présentait pourtant avec une équipe séduisante et une ligne d’attaque des plus dangereuses: le coach Amara Traoré avait l’embarras du choix entre Papiss Cissé, Moussa Sow, Demba Ba, Souleymane Camara, Dame N’Doye et Mamadou Niang!
Mais trop maladroits, trop inattentifs, les Lions de la Téranga terminent derniers, défaits sur le même score (2-1) par leurs trois adversaires. Une faute qui ne passe pas pour les fans d’un pays qui n’avait plus suscité autant d’attente depuis l’épopée de 2002, année où le Sénégal avait atteint la finale de la CAN et les quarts de finale de la Coupe du monde. Le sélectionneur Amara Traoré a bien tenté de dédramatiser l’effondrement de ses ouailles:
«Tout le monde a voulu nous mettre un habit de favori que j’ai refusé. Pour moi, cette équipe ne peut pas être favorite devant la Côte d’Ivoire et le Ghana. Elle n’a pas de vécu. (…) C’est une équipe jeune, qui a une forte charge émotionnelle», a-t-il déclaré dans la foulée de l’élimination.
Depuis, la Fédération sénégalaise de football a limogé Traoré. Son successeur n’est pas encore connu.
Le Ghana ne comprend pas
Quel camouflet pour le Ghana! La montée en puissance régulière des Black Stars a connu un coup d’arrêt brutal au stade de Bata (Guinée équatoriale), à l’occasion de la demi-finale face au futur lauréat zambien (1-0). Grand favori de cette CAN avec la Côte d’Ivoire, le Ghana, finaliste de la dernière édition, repart donc bredouille, non sans avoir bafouillé son football.
Sans génie durant la phase de poule, les «Brésiliens d’Afrique» n’ont dû leur salut en quarts contre la Tunisie qu’à la boulette du gardien adverse. Mais la chance et l’efficacité qui les accompagnaient les ont fuis aux portes de la finale. Et le héros malheureux s’appelle encore Asamoah Gyan. L’ancien Rennais, qui avait raté le penalty de la victoire face à l’Uruguay lors des quarts de finale du Mondial 2010, a failli à nouveau devant la Zambie.
Pis encore, le Ghana ne termine même pas sur le podium, défait par le Mali lors de la petite finale (2-0). Une première depuis six ans. L’incompréhension règne devant l’incapacité des Ghanéens à jouer leur football habituel et surtout à concrétiser leur position d’équipe majeure d’Afrique. Le sort du sélectionner Goran Stevanovic reste en suspens, en attendant que les Black Stars se remettent en selle pour le début des qualifications pour la Coupe du monde 2014. Sur leur chemin, ils retrouveront notamment… la Zambie.
Maudite Côte d’Ivoire
Y arrivera-t-elle un jour? La génération dorée de Côte d’Ivoire remportera-t-elle cette Coupe d’Afrique après laquelle elle court depuis tant d’années ? Les dieux du sport et leur impitoyable loi continuent pour l’heure de répondre par la négative. L’épilogue de cette CAN laissera certainement de sales souvenirs aux joueurs de François Zahoui. Si près de la consécration, la Côte d’Ivoire n’a, une nouvelle fois, que ses yeux pour pleurer.
Et ce n’est pas Didier Drogba qui dira le contraire. La superstar des Eléphants va pouvoir encore et encore cogiter sur ce penalty qu’il a envoyé dans les tribunes. Le double Ballon d’Or africain, si décisif pendant ces trois semaines de compétition, pouvait conduire son pays au sommet de l’Afrique. Car avec l’absence de l’Egypte et l’élimination surprise du Ghana au tour précédent, la Côte d’Ivoire était sur la voie royale. La séance de tirs au but, toujours cruelle, en a décidé autrement.
Est-ce la fin pour la Côte d’Ivoire de l’époque Drogba? Peut-être pas, après tout. La prochaine CAN est dans un an tout juste. Didier Drogba aura alors presque 35 ans. L’ultime occasion pour lui d’achever sa carrière sur ce titre après lequel il court tant. Et de laisser entre les mains de ses coéquipiers une sélection enfin lavée de la malédiction qui la prive de tout trophée depuis 20 ans.
Nicolas Bamba
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