mis à jour le

Les Eléphants refroidissent les ardeurs de la Côte d'Ivoire
La défaite de la Séléfanto en finale de la CAN est un coup dur, tant sur le plan sportif que sur le plan politique.
Vingt-ans que le pays attend ce titre. En 1992, la Côte d’Ivoire décroche sa première Coupe d’Afrique des Nations face aux Black Stars du Ghana (0-0, 11 tirs au but à 10). Dans les années 2000, émerge une génération dorée menée par Drogba. Cette brillante équipe nourrit de nombreux espoirs. En 2006, les Eléphants se hissent à nouveau en finale. Mais l’équipe de Drogba s’inclinent aux dépens des Pharaons d’Egypte (0-0 4 tab 2).
Ce 12 février, les hommes du sélectionneur François Zahoui ont disputé la finale de la 28ème édition de la CAN, à Libreville, capitale du Gabon. Une fois de plus, les Ivoiriens ont échoué. Une fois de plus, les tirs au but ont scellé le sort des Eléphants (0-0, 8 tab à). Les Zambiens ont remporté leur première CAN et soulevé le trophée tant convoitée par Drogba et les siens.
Les Eléphants ont gâché la fête
Dès le début de la CAN, la Côte d’Ivoire a figuré parmi les favoris de la compétition. Certains voyaient déjà les Eléphants champions d’Afrique. A Abidjan, la population était prête à célébrer son équipe. Mais c'est finalement la Zambie d'Hervé Renard qui s'est imposée.
«La fête engagée dès les premières heures de la journée de dimanche s’est brutalement arrêtée», indique le quotidien Fraternité Matin.
Notre Voie précise que «la ville était devenue subitement très calme après le dernier tir zambien».
Koaci a recueilli les témoignages de supporters:
«C'est la honte pour nous dans la sous région, les Ghanéens et les Maliens vont bien se moquer de nous», s’exclame Olivier qui a retiré son maillot.
«En plus ils veulent qu'on aille les accueillir eux tous à l'aéroport demain, ils rêvent, des tocards comme ça!»
A l’image de ce supporter, certains Ivoiriens ne comprennent pas que l’une des meilleures équipes du continent noir s'incline face à l'équipe surprise de la compétition. Finalement, le 13 février, ce sont des milliers d’Ivoiriens qui sont venus accueillir la sélection à l’aéroport de la capitale.
Echec sportif
A la veille de la finale, les Eléphants affichaient un bilan des plus flatteurs. Les Ivoiriens ont remporté leurs cinq matchs et n’ont pas pris le moindre but. Et que dire de l’effectif de la Séléfanto. De Drogba (Chelsea) à Kolo et Yaya Touré (Manchester City) en passant par Gervinho (Arsenal), la Côte d’Ivoire était l’une des équipes les plus impressionnantes du tournoi sur le papier.
Sur le papier seulement, car sur le terrain, les Eléphants n’ont pas été très flamboyants, notamment sur cette finale. Et les supporters ne manquent pas de le rappeler:
«Ils ont pas joué le ballon, c'est quelle affaire ça, nous on galère ici au pays ils auraient pu y penser et se battre pour nous tous, au contraire ils se sont permis de rater un penalty et de jouer en marchant une fois de plus, la honte!», déplore Jeanne chômeuse, à Koaci.
Erigés en grand favori de la compétition, en l’absence des autres grandes nations (Cameroun, Nigeria, Egypte), la Côte d’Ivoire a peut-être sous-évalué la Zambie. Pour Fraternité Matin, la victoire des Chipolopolo est «le fruit de la méthode et de la constance». Le journal rappelle que l’équipe s’était déjà illustrée en 2009, lors de la première édition du Championnat d’Afrique des Nations (CHAN). En 2010, les joueurs d’Hervé Renard ont également réalisé un belle CAN, en terminant en quart de finale.
Pour Fraternité Matin, au vu du parcours affiché, la Zambie est «la meilleure équipe de la CAN 2012».
Echec politique
Le président Alassane Ouattara était à Libreville le soir de la finale, accompagné par une importante délégation. Le pouvoir ivoirien misait beaucoup sur cette victoire en CAN. De retour de son voyage à Paris, Notre Voie rappelle que Ouattara n’avait pas caché ses ambitions:
«J’irai prendre le trophée à Libreville».
Un an après la crise post-électorale, cette CAN aurait grandement contribué au processus d’unité nationale voulu par la présidence. L’année dernière, le capitaine Didier Drogba avait été nommé par Charles Konan Banny (présent à Libreville) à la commission Vérité et Réconciliation. En se rendant à Libreville, le chef d’Etat espérait tirer parti du prestige qu’offre la Coupe d’Afrique des Nations. Avec la défaite des Eléphants, c’est l’inverse qui se produit.
Pour certains Ivoiriens, Alassane Ouattara a porté la «poisse» à la Séléfanto, explique Koaci.
«Pourquoi Ouattara est allé là-bas les déranger et leur mettre la pression pour rien avec toute sa bande de bon à rien à la veille d'une finale? […]En plus ils n'arrêtent pas de voyager et ne foutent rien de bon et tout ça, ça coute cher mais ça ils s'en moquent pas mal», tempête Amidou, un jeune Ivoirien que Koaci a rencontré dans la rue.
L’Intelligent d’Abidjan estime que «les Eléphants échouent parce que le pays n’est pas uni et parce que les Ivoiriens vivent dans l’hypocrisie et le règne des vilains sentiments.» Pour le quotidien, une partie de la population ne souhaitait pas la victoire de la sélection nationale. Le journal avance que des partisans de Gbagbo étaient hostiles à un triomphe de la Séléfanto. Ces derniers ne souhaitaient pas que la victoire des Eléphants soit récupérée par le pouvoir politique. Selon le titre de presse, une victoire à la CAN 2013, passe avant tout par une unité du pays.
Le Nouveau Réveil qui a intitulé son article Finale Can 2012 / Zambie - Côte d’Ivoire (8 tab 7): Les Ivoiriens pleurent, les pro-Gbagbo dansent va même jusqu’à affirmer que des partisans de Gbagbo ont organisé avant le début de la CAN, «des séances d’incantation à l’endroit des esprits des ténèbres pour que les Eléphants perdent».
Cette édition de la CAN était fortement teintée de politique en Côte d'Ivoire. Le triomphe des Eléphants aurait pu apaisé les tensions et leur échec pourrait les raviver. Cette défaite est véritablement un coup de massue pour la génération dorée du football. Cette année, la coupe leur tendait les bras. La prochaine CAN se déroulera en Afrique du Sud dès 2013. Au pays des Bafana Bafana, les Eléphants, tenteront une fois encore de remporter le tournoi continental. Avec ou sans Drogba?
Jacques-Alexandre Essosso
A lire aussi
CAN 2012: Pourquoi les deux équipes méritaient de gagner
Les Eléphants peuvent-ils se passer de Drogba?