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Alassane Ouattara, le meilleur ami de la France
Le Président ivoirien Alassane Ouattara est arrivé à Paris le 25 janvier pour une visite officielle de trois jours. Quels en sont les principaux enjeux?
«Paris a mis les petits plats dans les grands pour accueillir celui qui apparait aujourd'hui comme le meilleur ami de la France en Afrique», affirmait RFI jeudi 25 janvier.
Huit mois après son installation à la présidence de la Côte d'Ivoire, Alassane Ouattara est arrivé à Paris, le 25 janvier, pour une visite officielle de trois jours. La première pour un chef d'Etat ivoirien depuis une décennie marquée par «l’incompréhension et la méfiance», selon le porte-parole du gouvernement ivoirien, Bruno Koné.
Alassane Ouattara a lui même expliqué au quotidien français Le Monde la raison de sa venue dans la capitale française:
«Je viens d'abord remercier le président Sarkozy et son gouvernement pour l'intervention menée en avril sous mandat des Nations unies. Sans elle, il y aurait eu en Côte d'Ivoire un génocide pire qu'au Rwanda.»
Une visite d'Etat en grande pompe comme l'explique le journal ivoirien Le Patriote,
«le moins qu’on puisse dire, c’est que tout semble mis en œuvre pour conférer à cet événement un cachet particulier».
Avant d'ajouter:
«Il n’y a qu’à contempler Paris, la capitale française, parée depuis quelques jours aux couleurs de la Côte d’Ivoire pour mesurer l’embellie des liens entre les deux pays. Le drapeau national de notre pays flotte en effet fièrement, aux côté de celui de la France, sur les principales artères de la ville, notamment sur tout le long des trois kilomètres qui séparent la place de la Concorde à l’Arc de Triomphe.»
Le journal ivoirien L'Expression, pour qui «ce mercredi 25 janvier restera gravé dans les annales des relations franco-ivoiriennes», explique que pour accueillir Alassane Ouattara:
«Cinq sections de l’armée française ont été mobilisées pour les honneurs militaires. Trois de l’armée de l’air, une de la marine nationale et une des forces paramilitaires.»
Sans compter l'accueil du ministre de l'Intérieur français, Claude Guéant, un proche de Nicolas Sarkozy.
Les raisons de sa venue
Quel est le programme de la visite d'Alassane Ouattara à Paris? La principale raison est la signature d' un nouvel accord de défense entre les deux pays. Alassane Ouattara entend demander à la France de maintenir ses troupes dans le pays, avec pour but d'éviter la propagation de groupes terroristes dans la région.
«Nous souhaitons un accord de partenariat ambitieux et transparent. La France doit rester dans notre pays plus longtemps et de manière plus substantielle», a expliqué Alassane Ouattara au Monde, avant d'ajouter, «Paris doit bien prendre en compte la fragilisation de l'Afrique du Nord. Il est important que nous ayons une coopération plus forte en matière d'équipement et de formation mais aussi dans le renseignement et dans la lutte contre le terrorisme.»
Sur le plan privé, le président ivoirien compte profiter de cette visite pour attirer des entreprises françaises dans son pays. La signature de plusieurs contrats est déjà prévue. RFI indique ainsi que Total devrait se porter acquéreur d'un bloc pétrolier au large de la Côte d'Ivoire et que le groupe Accor devrait signer officiellement la reprise de l'Hôtel Ivoire à Abidjan, la capitale économique du pays.
Le Chef de l’Etat ivoirien rencontrera également vendredi 27 janvier le Mouvement des entreprises de France (MEDEF International), principal organisation des opérateurs économiques français, précise l'Agence Ivoire Presse (AIP).
Outre la signature de nouveaux contrats, Alassane Ouattara espère également obtenir le soutien de la France auprès des organismes financiers, avec en tête la volonté «que la Côte d'Ivoire [...] rejoigne rapidement la famille des pays émergents.» Sans oublier de remercier Paris pour l'aide financière accordée à la Côte d'Ivoire lors de la crise post-électorale du 28 novembre 2010:
«La France nous a apporté un soutien de 400 millions d'euros fin avril, ce qui nous a permis de payer les mois d'arriérés de salaire des fonctionnaires. Nous avons pu faire redémarrer la machine économique. Nous sommes très reconnaissants à tous ceux qui nous ont aidés» a-t-il déclaré au Monde.
La longue amitié entre le Président français Nicolas Sarkozy et le Président ivoirien Alassane Ouattara n'étant un secret pour personne, les deux présidents et leurs épouses se remettront des décorations. «Le tout couronné dans la soirée par un dîner d’Etat à la salle des fêtes de l’Elysée» a indiqué Le Patriote.
«Ce sera ainsi la fin d’une visite d’Etat considérée déjà comme historique, d’autant qu’aucun chef d’Etat ivoirien, voire africain, depuis Houphouët-Boigny, n’avait fait l’objet d’autant d’attention par des autorités françaises.»
«Visite d'un commis qui va voir son parrain»
Une visite qui ne manquera pas de faire réagir les partisans de Laurent Gbagbo comme l'atteste RFI:
«Du côté du camp de l'ex-président Laurent Gbagbo, aujourd'hui en détention à la Haye, cette venue à Paris d'Alassane Ouattara suscite quelques commentaires. Les partisans de l’ex-chef d’Etat ivoirien ne croient pas qu’il s’agisse d’un simple "retour à la normalité entre les deux pays. Ils martèlent qu’Alassane Ouattara est un président entièrement sous la coupe de la France.»
Le site Ivoire Business indique pour sa part que «les Ivoiriens de France et d’Europe sont déjà sur le pied de guerre pour exprimer leur mécontentement à Alassane Ouattara lors de sa visite d’Etat en France du 25 au 28 janvier 2012, à l’invitation de Nicolas Sarkozy. Tous ont déjà commencé à affluer vers Paris, en provenance de la province et de toute l’Europe. Certains ont même pris un à deux jours de congés maladie.»
L'AFP a indiqué que des manifestations étaient prévues tout au long de la visite d'Alassane Ouattara. Les manifestants ont prévu d'exprimer leur colère jeudi 26 janvier aux Invalides et près de l'Elysée, et vendredi 27 janvier devant l'Assemblée nationale et près de l'Hôtel de Ville où le Président ivoirien doit s'entretenir avec le maire de la ville de Paris, Bertrand Delanoë.
«Nous sommes là pour dénoncer la venue d'un criminel de guerre expliquait une manifestante à l'AFP lors d'un rassemblement place de la Bourse mercredi 25 janvier. On ne va pas le laisser tranquille pendant ces trois jours», a-t-elle prévenu en répétant «génocidaire, génocidaire». «Ouattara et Sarkozy assassins», «Gbagbo victime du complot», pouvait-on aussi lire sur des pancartes.
Le porte-parole de Laurent Gbagbo, Justin Koné Katinan, a pour sa part affirmé:
«Il s’agit tout simplement de la visite d’un commis qui va voir son parrain, qui l’a aidé à accéder au pouvoir. [...] Je pense que si c’était pour remercier Sarkozy, Ouattara l’a déjà fait! Mais pour nous, franchement, le terme visite d’Etat est inapproprié, parce que ce sont deux personnes qui soufrent d’illégitimité criarde, qui veulent engager deux Etats, pour moi il y a un problème sérieux. On ne peut pas parler de visite d’Etat».
Audrey Lebel
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