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Tunisie - Procès Persépolis, un test inquiétant

La reprise du procès ce lundi 23 janvier de la chaîne de télévision tunisienne Nessma est-elle un test pour la liberté d'expression en Tunisie? Nessma TV est jugé pour avoir diffusé en octobre dernier le film franco-iranien Persépolis dans lequel Dieu est représenté, ce qui est proscrit par l'Islam.

Nabil Karoui, directeur de la chaîne Nessma, est poursuivi pour «atteinte aux bonnes moeurs, atteinte aux valeurs du sacré et troubles à l'ordre public» dans cette affaire qui avait provoqué des violences en Tunisie à la suite de la diffusion du film.

«Ce procès n'aurait jamais dû avoir lieu. Mais ce sera un test pour la liberté d'expression et la démocratie en Tunisie» a-t-il indiqué à l'AFP.

L'affaire cristallise la peur pour certains de voir la victoire électorale des islamistes d'Ennahda remettre en question la liberté d'expression, indique Rue 89. Pour Nabil Karoui, qui dénonce une«manipulation des extrémistes»:

«Personne n'a vu ce film! Il a fait entre 1,5 et 2% d'audience! Et on veut nous faire croire que toute la Tunisie a été choquée».

Une menace de la liberté d'expression qu'Amnesty International et Reporters sans Frontières (RSF) prennent très au sérieux. Tandis qu'Amnesty International appelait samedi 21 janvier à l'arrêt des poursuites contre le patron de Nessma les qualifiant d'«affront à la liberté d'expression», Reporters sans Frontières déclarait dans un communiqué s'inquiéter de la détérioration de la liberté de la presse en Tunisie après l'agression, le 11 janvier dernier, d'un journaliste de Nessma.

«Le procès intenté contre la chaîne Nessma et son principal actionnaire, en octobre dernier, ainsi que l’agression de Soufiène Ben Hamida, journaliste de la chaîne, qui avait déjà vu sa voiture taguée du mot "mécréant", montrent que les journalistes et les médias tunisiens ont plus que jamais besoin que les autorités se placent en faveur de la liberté d’expression et du droit pour les journalistes à pouvoir faire leur travail sans être inquiétés.»

Jean-François Julliard, secrétaire général de RSF a précisé:

«Reporters sans frontières s’inquiète du fait que la pression sur les journalistes et les médias se soit accentuée au cours des derniers mois. Elles ne sont pas sans nous rappeler les méthodes policières et sécuritaires répressives d’une époque que tout un chacun pensait révolue.»

En décembre dernier, deux hors séries des hebdomadaires français Le Nouvel Observateur etL'Express avaient été interdits en raison d'une représentation de Mahomet. RSF a indiqué que ces interdictions sont une atteinte à la liberté d'expression.

«Reporters sans frontières tient également à exprimer son inquiétude concernant les risques que la montée de l’extrémisme religieux fait courir sur la liberté de la presse en Tunisie.»

Pour protester contre sa comparution en justice, la chaîne Nessma a de son côté fermé l'accès à son site internet dimanche 22 janvier et a remplacé la page d’accueil par une image où l’on peut voir un slogan clamant la liberté de la chaîne. Le site Internet Tunisie Haut Débit explique que Nessma «appelle tout le monde à la soutenir contre un jugement qu’elle estime indigne d’une démocratie et constituant une grave atteinte à la liberté d’expression pour une démocratie naissante qu’est la Tunisie.»

L'audience n'a finalement duré que quelques minutes avant d'être suspendue en raison de la cohue et des altercations entre avocats, tandis qu'à l'extérieur du Tribunal, pro et anti Nessma s'étaient mobilisés dès 8H00 du matin. Le procès a été reporté au 19 avril.

Lu sur Kapitalis, Tuniscope, Rue 89 

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