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Les joueurs Ali (Soudan) et Youcef (Algérie) disputent la petite finale du Chan à Khartoum, le 25 février 2011. REUTERS/Stringer
Les joueurs Ali (Soudan) et Youcef (Algérie) disputent la petite finale du Chan à Khartoum, le 25 février 2011. REUTERS/Stringer

Chan' sert à rien

Le Championnat d'Afrique des Nations peine à convaincre. Après une deuxième édition au bilan mitigé, beaucoup s'interrogent sur son utilité.

«Le Chan va mourir».

Le constat d'Alain Giresse, actuel entraîneur des Aigles du Mali et observateur aguerri du foot africain, quelques semaines avant le début de la compétition, est brutal mais tristement révélateur.

Mais pour sa deuxième édition (qui a eu lieu du 4 au 25 février au Soudan), le Championnat d’Afrique des Nations Orange 2011 (sorte de CAN bis réservée aux joueurs évoluant dans leurs pays) remporté par la Tunisie, laisse un goût amer dans la bouche de pas mal de sélectionneurs.

De l’avis de nombreux observateurs, la compétition s’est avérée longue et assommante: peu de buts (59, soit une moyenne de 1,84 but par match, un total encore plus faible qu’en 2009), des stades vétustes et des conditions de jeu difficiles.

Passant de huit à seize équipes, la compétition a permis auxrégions et sous-régions d’Afrique d’être mieux représentées au Soudan. L’épreuve s’est par la même occasion considérablement rallongée.

«C’est une bonne idée dans le fond, mais beaucoup d’équipes ne jouent pas le jeu et s’en foutent complètement. Les Sud-Africains ont sélectionné des joueurs de deuxième ou de troisième division. Les Maliens, que des jeunes. L’Egypte a pris la compétition par-dessus la jambe», confie à SlateAfrique Ali Makhan, journaliste à Afrik-foot.

Une CAN du pauvre?

Calendrier oblige, bon nombre d'équipes se sont rendues en ordre dispersé au Soudan; en effet, les 28, 29 et 30 janvier, avaient lieu les tours préliminaires de la Coupe de la Confédération et de la Ligue des champions, des compétitions interclubs.

Seuls quelques pays comme «la RDC, la Tunisie et l’Algérie par exemple, ont pris la compétition au sérieux et testé pas mal de jeunes bon joueurs», poursuit Ali Makhan.

Alors pourquoi le Chan? Quel est l’intérêt de créer une épreuve supplémentaire dans un calendrier déjà surchargé? Issa Hayatou, président de la Confédération africaine de Football (CAF) et cerveau du Chan, explique sur RFI que la compétition a pour but but de «fixer les joueurs» et de mettre un frein à la «saignée» dont est victime le continent.

«Beaucoup de joueurs qui n’ont pas trouvé de club en Europe sont revenus dans leur pays, dans l’espoir de venir s’exprimer dans le cadre du Chan. C'est une politique délibérée de la CAF pour permettre aux joueurs qui évoluent au niveau du continent africain de pouvoir "vendre leur talent".

Ils sont nombreux ici, les entraîneurs venus superviser des joueurs. Il faut savoir que nous avons plus de 500 joueurs qui évoluent à l’étranger.»

Décrit ainsi, le Chan ressemble plus à une compétition pour joueurs de seconde zone. Alain Giresse, ancien international français et successivement sélectionneur du Gabon et du Mali, saute le pas et s’interroge dans Jeune Afrique sur l'attrait du Championnat et son intérêt dans sa forme actuelle:

«Il faudrait que ce Chan soit consacré à des joueurs de moins de 23 ans. Cela permettrait à de jeunes joueurs de se faire remarquer et d’espérer rejoindre des clubs européens.

Soyons francs, les recruteurs ne vont pas beaucoup se déplacer pour observer des joueurs qui ont 27 ou 28 ans. Si ces derniers sont encore en Afrique, c’est qu’ils n’ont pas su attirer l’attention des clubs d’Europe.» 

Difficile de ne pas aller dans son sens après le triste spectacle offert par l‘édition 2011. «L’idée est bonne, mais au final la compétition ne sert pas à grand chose», renchérit Ali Makhan.

La fuite des crampons, aubaine ou calamité?

Dans l’esprit de ses organisateurs, le Chan est censé donner plus de visibilité aux championnats de clubs locaux et aux compétitions interafricaines, en espérant ainsi augmenter les revenus et freiner l’exode des joueurs continentaux vers les clubs d’Europe et du Moyen-Orient.

Mais pour Ali Makhan, «la compétition ne donne pas vraiment de visibilité [...]. Les mecs qui ont brillé cette année, on les connaissait déjà. Les joueurs iront en Europe avec où sans le Chan. L’exode massif est un problème d’argent, pas de médiatisation.»

Et certains craignent même que la compétition ne provoque l’effet inverse. Peu de temps avant la compétition, l'ancien président de la Fédération sénégalaise de football, Omar Seck, déclarait:

«Le Chan 2011 sera encore une grande foire où les équipes européennes et asiatiques vont venir faire leurs emplettes.»

Le Ghanéen André Ayew, fils du footballeur Abedi Pélé, est l'un des rares joueurs a qui a profité le Chan. Après avoir brillé lors de sa première édition en 2009, l'actuel joueur de l'Olympique de Marseille a intégré l'équipe nationale A, à l'occasion de la CAN 2010. Il joue maintenant les premiers rôles en Ligue 1 française.

Difficile donc pour la compétition d'atteindre ses deux objectifs initiaux: l'exposition médiatique et le frein à la «fuite des crampons». Une contradiction qui se fait l’écho du dilemme du football africain face à l’exode de ses joueurs. Si la spéculation marchande dont ils sont l’objet est une terrible dérive, les joueurs expatriés sont dans le même temps la vitrine de l’Afrique dans le monde.

«Pour le football africain, le mieux c’est qu’ils restent. Mais pour eux, c’est de partir pour pouvoir améliorer leur condition. C’est pour cela que je dis que nous sommes face à un dilemme», concédait à RFI Issa Hayatou.

En Afrique, la toute jeune compétition reste néanmoins porteuse d'espoirs. Pour Abdelhak Benchikha, entraîneur de la sélection algérienne, le Chan 2011 aura permis de mettre en valeur les joueurs du championnat d'Algérie, une des rares nations à avoir pris le Chan au sérieux:

«Je pense que nous avons réussi à valoriser le joueur local. Je suis venu avec l'équipe au Soudan en plaçant la barre très haut, nous avons réalisé un bilan positif avec la deuxième meilleure attaque du tournoi et une seule défaite dans un match de classement.»

Reste maintenant aux autres nations africaines de se persuader de son intérêt.

Vincent Duhem

Vincent Duhem

Journaliste à Slateafrique.com.

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