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Bigeard, le général «tortionnaire» au «Panthéon» militaire français
«Non à un hommage officiel au général Bigeard», c'est l'appel lancé par un collectif franco-algérien qui s'insurge contre la volonté du ministre français de la Défense, Gérard Longuet, de transférer les cendres d'un ancien général de la guerre d'Algérie à l'hôtel des Invalides, le célèbre monument parisien qui abrite une nécropole militaire.
Ce collectif, qui réunit de nombreuses personnalités françaises et algériennes, s'indigne qu'un ancien «tortionnaire» soit élévé au rang de héros et exige «que le gouvernement français renonce à cette initiative historiquement infondée, politiquement dangereuse et humainement scandaleuse.» Ce «tortionnaire», c'est Marcel Bigeard, militaire français qui s'était distingué dans les guerres coloniales en Indochine et en Algérie.
Une personnalité controversée de son vivant, pour qui la «torture était un mal nécessaire», tout en se défendant de l'avoir personnellement pratiquée. Il était accusé d'avoir ordonné des exécutions sommaires pendant la guerre d'Algérie, ce qui lui avait valu le surnom de «crevettes Bigeard», un surnom qui fait référence à une pratique qu'il avait mis en place et qui consistait à jeter des Algériens en mer depuis un hélicoptère ou un avion, les pieds coulés dans une bassine de ciment. Le général Bigeard était également soupçonné d'être à l'origine de la mort du chef du FLN (Front de Libération Nationale), Larbi Ben M'hidi, héros de la bataille d'Alger, arrêté en 1957, dont on avait dit qu'il s'était suicidé. Ce n'est qu'en 2000 qu'un témoignage est venu contredire la version officielle, impliquant la responsabilité de Marcel Bigeard dans cette mort.
Marcel Bigeard souhaitait que ses cendres soient dispersées au-dessus de Dien Bien Phu, le camp retranché des troupes françaises au Vietnam, pour «rejoindre ses camarades tombés au combat» en mai 1954. Face au refus des autorités vietnamiennes, Gérard Longuet a proposé son transfert aux Invalides un an après sa mort, le 18 juin 2010. Une initiative qualifiée de «pernicieuse» pour le collectif, qui ajoute:
«De son vivant, le général Bigeard a toujours bénéficié de l’admiration des forces politiques les plus réactionnaires et de leur soutien actif. Et voici qu’une année après sa mort, il est de nouveau utilisé pour une manœuvre politicienne, orchestrée par le ministre de la Défense, dont le passé d’extrême droite est connu».
Une proposition du gouvernement français qui embrase également la presse algérienne. El Watan se demande s'il s'agit d'une «provocation, alors que l’Algérie s’apprête à commémorer le cinquantième anniversaire de son indépendance? Opération politicienne destinée à satisfaire le lobby nostalgérique, à quelques mois de l’élection présidentielle?»
Marcel Bigeard avait été élevé à titre posthume à la dignité de Grand croix de la Légion d'Honneur par le président Nicolas Sarkozy en 2011.
Pour le collectif:
«[...] une telle initiative serait une insulte à divers peuples qui acquirent, au prix fort, naguère, leur indépendance. Est-ce du mépris à l’état pur ou de l’inconscience?»
Le 28 novembre, c'est le putschiste Hélie Denoix de Saint Marc qui a été décoré aux Invalides par le président de la République. Il avait été l'un des principaux acteurs du putsch des Généraux de 1961 qui s'opposaient à l'émancipation de l'Algérie.
Lu sur Dernières Nouvelles d'Algérie, El Watan, Le Monde
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