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L'Afrique de l'Ouest sera encore sous la menace djihadiste en 2017
Des millions d'Africains seront encore exposés au pire dans les mois à venir.
Les conflits armés qui se superposent dans les régions du Sahel et du bassin du lac Tchad ont contribué à une souffrance humaine massive, dont l'exil forcé de 4,2 millions de personnes. Des djihadistes, groupes armés et réseaux criminels luttent pour le pouvoir dans cette région en ruines, où les frontières sont poreuses et l'influence des Etats est limitée.
En 2016, les djihadistes implantés dans le centre du Sahel ont perpétré des attaques sanglantes dans l'ouest du Niger, au Burkina Faso, en Côte d'Ivoire, renforçant la vulnérabilité de la région. Al-Qaeda au Maghreb islamique et al-Mourabitoune restent actifs, alors qu'un nouveau groupe clamant son allégeance à l'Etat islamique voit le jour. Tous vont probablement poursuivre leurs attaques contre des civils ou des forces de sécurité locales et internationales dans les prochains mois. Le Mali est le pays le plus mortel pour une mission de maintien de la paix de l'ONU, avec 70 militaires tués dans des actes terroristes depuis 2013.
L'Algérie a un rôle majeur à jouer
Le Mali pourrait faire face à une crise majeure cette année, alors que la mise en oeuvre des accords de paix de Bamako de 2015 est menacée d'échec. La division récente de la principale alliance rebelle dans le nord, la Coordination des mouvements de l'Azawad, a contribué à la prolifération des groupes armés et les violences se sont étendues dans le centre du Mali. Les puissances régionales devront se servir du prochain sommet de l'Union africaine en janvier pour donner un nouveau souffle au processus de paix et amener autour de la table des groupes qui sont actuellement exclus des discussions. L'Algérie, un important agent de stabilité dans la région, a un rôle clé à jouer comme médiateur de la paix.
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Dans le bassin du lac Tchad, les forces de sécurité du Nigeria, du Niger, du Cameroun et du Tchad ont intensifié leur lutte contre le groupe terroriste Boko Haram. À la fin du mois de décembre, le président nigérian a annoncé «l'assaut final contre les combattants de Boko Haram dans leur ultime enclave» dans la forêt de Sambisa, mais l'organisation terroriste n'a pas encore disparu. Une querelle de leadership a divisé le mouvement djihadiste, mais celui-ci demeure résistant et agressif.
Ne pas créer un cycle sans fin de violence
Bien que le regard de la communauté internationale se soit porté sur les enlèvements et les viols de femmes et d'adolescentes perpétrés par Boko Haram, les responsables politiques devraient aussi être attentifs au fait que des jeunes femmes ont rejoint de manière volontaire le mouvement à la recherche d'une meilleure situation économique et d'un statut social. Chercher à comprendre les différentes expériences des femmes dans ce conflit via un travail de recherche et d'information aidera à mieux identifier et lutter contre le terreau fertile à l'organisation.
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L'insurrection de Boko Haram, la stratégie agressive de l'armée nigériane, et le manque d'assistance pour venir en aide aux populations touchées par le conflit risquent de créer un cycle sans fin de violence et de désespoir. Si les gouvernements régionaux n'apportent pas de réponse responsable au désastre humanitaire, ils pourraient s'aliéner le soutien de communautés locales et semer les graines d'une future rébellion. Les Etats doivent aussi investir dans le développement économique et soutenir les autorités locales pour contrer les groupes radicaux sur le terrain.
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Par Jean-Marie Guéhenno, directeur de l'International Crisis Group.
Traduit par Camille Belsoeur