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Des coptes lors d'une messe au Caire, le 16 mai 2014. VIRGINIE NGUYEN HOANG / AFP
Des coptes lors d'une messe au Caire, le 16 mai 2014. VIRGINIE NGUYEN HOANG / AFP

L'amour déçu des coptes pour le président al-Sissi

Un attentat revendiqué par Daech a fait 25 morts dans une église copte au Caire le 11 décembre.

Un attentat à la bombe a endeuillé la communauté copte d'Egypte en tuant 25 personnes dans l'église Saint-Marc au Caire dimanche 11 décembre. Un acte terroriste revendiqué par l'organisation Etat islamique (EI) le 13 décembre. Ce n'est pas la première fois que les coptes, qui représentent la première communauté chrétienne d'Orient, sont visés par des attaques ces dernières années. Le 1er janvier 2011, un précédent attentat revendiqué par l’EI avait notamment fait 23 morts et 79 blessés à la sortie d’une église après la messe du Nouvel An à Alexandrie. 

Après ce nouvel attentat, de nombreux coptes ont affirmé qu'ils se sentaient abandonnés par les autorités, comme nous le racontions iciAyman, un jeune croyant qui a survécu à l'attaque de l'église Saint-Pierre-et-Saint-Paul, a confié au journal La Croix:

«Ne pas comprendre ce qui arrive à son pays (…) On nous traite comme des faibles, comme des étrangers dans notre propre pays. Mais nous sommes plus forts que ça, plus forts que ces fous, nous ne sommes pas des gens qui font couler le sang. Nous les Égyptiens, nous sommes tous frères».

Les chrétiens pointent souvent les discriminations dont ils sont victimes. «Depuis longtemps, les chrétiens d'Egypte affirment qu'ils se voient refuser l'accès aux meilleurs postes dans de nombreux secteurs, comme à l'université ou dans l'armée»note le magazine Time

«L'échec d'al-Sissi»

Pourtant, avec l'arrivée au pouvoir de Abdel Fattah al-Sissi, les coptes, qui ont tenu un rôle majeur dans la révolution égyptienne, croyaient en des jours meilleurs. L'élection de Mohamed Morsi et des Frères musulmans à la présidence après le Printemps arabe avait fait craindre aux chrétiens d'Egypte de voir leur situation se détériorer encore un peu plus. C'est pourquoi ils virent le général al-Sissi, arrivé au pouvoir par un coup d'Etat le 3 juillet 2013, «comme un nouveau sauveur», rapporte le magazine Foreign Policy. Un statut renforcé quand al-Sissi avait lancé des avions de combats égyptiens contre les positions de l'EI après la décapitation de 21 coptes en Libye en février 2015. Mais la lune de miel a fait long feu. 

«L'échec d'al-Sissi à remédier aux injustices de longues dates a rapidement mis fin aux espoirs. De nombreux coptes pensent maintenant que le président a échoué à réaliser sa promesse d'égalité qu'il avait formulé trois ans plus tôt. Signe du mécontentement grandissant, les manifestations parmi la communauté chrétienne ont pris de l'ampleur ces derniers mois pour atteindre un degré inédit. D'abord considérés comme un soutien important pour le régime, les coptes représentent aujourd'hui un défi croissant pour le gouvernement du Caire», analyse Foreign Policy. 

«Un climat d'impunité»

Depuis la gouvernance d'el-Sadate dans les années 1970, les coptes se plaignent notamment des permis de construction d'églises délivrés au compte-gouttes par l'administration. En août 2016, une loi pour mieux réglementer la délivrance de permis a été signée par le parlement égyptien. Mais cette législation n'a pas donné aux coptes de quoi se réjouir. Au contraire même, selon l'ONG Human Rights Watch, qui dénonce le flou juridique qui permet aux gouverneurs de province de refuser une construction sans justification. 

À lire aussi: Égypte: l'attentat anti-Copte du Caire embarrasse le régime de Sissi

Les violences contre les coptes se sont également multipliées ces dernières années. En août, des attaques anti-chrétiens avaient provoqué la mort d'une personne et la destruction de plusieurs propriétés. «Même quand les autorités ont procédé à des arrestations, elles poursuivent rarement les suspects en justice, ce qui créé un climat d'impunité pour les crimes violents dont sont victimes les chrétiens», note Human Rights Watch (HRW). 

Depuis l'été 2013, au moins 42 églises ont été attaquées, dont 37 incendiées ou endommagées, ainsi que des dizaines d'écoles, de maisons et de commerces appartenant à des Coptes, affirme HRW. Une statistique qui illustre à elle seule la violence quotidienne subie par la communauté chrétienne, qui vient de prendre un nouveau coup avec l'attentat commis par l'Etat islamique. 

Camille Belsoeur

Journaliste à Slate Afrique. 

Ses derniers articles: Le roi du Maroc accusé d'avoir ignoré des preuves de violences policières dans le Rif  Un fossile de dinosaure marocain découvert... sur Facebook  L'élection présidentielle annulée au Kenya, une avancée pour le continent 

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