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Au Nigeria, la famine menace aussi, mais elle est presque invisible
Les organisations humanitaires tardent à arriver dans l'État de Borno, où la population est opprimée par la présence de Boko Haram et souffre de malnutrition.
Il n'y a pas encore de véritable famine au Nigeria. Mais ce sera bientôt le cas si la situation continue à empirer dans l'état de Borno, au Nord-Est du pays. Depuis des mois, la région s'enfonce dans une grave crise alimentaire, à tel point que, selon l'Unicef, 250.000 enfants de moins de cinq ans vont souffrir de malnutrition sévère extrême cette année.
L'État de Borno est en partie en proie à la menace terroriste de Boko Haram, dont les embuscades empêchent les ONG d'apporter l'aide humanitaire aux populations atteintes. «La situation des populations vivant dans les zones très rurales de l'Etat du Borno figurent parmi les pires que j'ai eu à connaître», expliquait Toby Lanzer, coordonnateur humanitaire régional de l'ONU pour le Sahel, dans un entretien par téléphone avec l'AFP. Pourtant, la communauté internationale tarde à prendre en considération la crise.
50,000: The number of children facing death by starvation in northern Nigeria this summer as a result of the faltering Boko Haram campaign.
— Kingsley Omose (@OmoseKingsley) 2 août 2016
«50.000, c'est le nombre d'enfants qui risquent de mourir de faim dans le Nord du Nigeria cet été à cause de la campagne fébrile contre Boko Haram.»
Il s'agit peut-être de la plus grave crise alimentaire qui touche le pays depuis la guerre du Biafra à la fin des années 1960, durant laquelle près de 2 millions de personnes étaient mortes de malnutrition et d'épidémies. Le pays avait cependant déjà connu des épisodes de crise alimentaire ces dernières années, la dernière en 2010. Mais, même en prenant en compte la situation actuelle du Nigeria, le pays ne bénéficie pas de la même attention médiatique que l'Éthiopie ou la Somalie. Des pays dans lesquels la rumeur du retour d'une vague de famine a secoué l'actualité, après la sécheresse causée par le cyclone El Niño, qui frappe l'Afrique de l'Est depuis fin 2015. En Érythrée, les craintes sont les mêmes, bien qu'il soit difficile d'obtenir des informations sur ce pays coupé du monde.
«Une négligence totale de la part du gouvernement»
Fin juillet, Médecins Sans Frontières (MSF) a livré 40 tonnes de nourriture à Banki, une ville proche de la frontière camerounaise. Mais c'est loin d'être suffisant, et l'ONG dénonce l'inaction des Nations unies dans la gestion de la crise au Nigeria. «La Croix-Rouge fait son travail, MSF aussi, mais la grande majorité des organisations humanitaires ne prennent pas leur responsabilité vis-à-vis de la crise à Borno», accuse Isabelle Mouniaman, directrice générale de Médecins Sans Frontières, interrogée par The Guardian.
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Les organisations concentreraient leurs actions dans les alentours de la capitale Maiduguri, sans prendre en charge les populations des campagnes, prises au piège entre Boko Haram et l'armée nigériane. Interrogé par The Guardian, Grema Terab, l'ancien directeur de l'agence Sema de Borno, estime que la crise est due à «une négligence totale de la part du gouvernement.»
Ils Lancent Le TGV Alors Que La Famine Gagne Le Pays#Nigeria
— ★Ouz'Up★ (@neverasongz) 26 juillet 2016
La crise politique au Nigeria semble effacer la crise humanitaire, tout aussi réelle. En 2014, l'enlèvement des jeunes filles de Chibok avait choqué le monde entier et déclenché une vague de condamnations. «Mais maintenant, 50.000 enfants sont menacés de mourir de faim, et personne ne dit rien, soupire le photojournaliste de l'AFP Stefan Heunis. Une nouvelle tragédie humanitaire se déroule sous nos yeux dans l’indifférence générale. Où sont passés les hashtags?»