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Pourquoi l'Afrique du Sud a tort de vouloir quitter la CPI
En juin, le président soudanais Omar el-Béchir n'avait pas été arrêté en Afrique du Sud malgré un mandat d'arrêt international.
L'Afrique du Sud est en voie de quitter la Cour pénale internationale (CPI). Un bras de force diplomatique qui fait suite à la visite du chef d'Etat Omar el-Béchir, accusé de crimes de guerre, dans le pays à la mi-juin. Le président soudanais était resté pendant 48 heures sur le sol sud-africain pour assister à un sommet de l'Union africaine, et il avait pu quitter, à l'issue de ce périple, le pays sans être inquiété, alors qu'il fait l'objet d'un mandat d'arrêt international émit par la CPI. Le quotidien algérien El Watan rappelle d'ailleurs à l'occasion d'une visite d'el-Béchir à Alger, que ce dernier ne prend plus le risque de voyager dans les pays signataires du Traité de Rome (que l'Algérie n'a pas signé) et qu'à ce titre l'Afrique du Sud a fait exception.
Mais les autorités sud-africaines ne sont pas du même avis.
«Aux yeux des leaders africains, la CPI est biaisée», a affirmé Jacob Zuma, le président sud-africain, dans un discours lundi 12 octobre. «Seuls les dirigeants africains sont poursuivis par la CPI. C'est pourquoi nous avons besoin de revoir notre participation à la CPI.»
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Un discours que l'on retrouve dans la bouche de nombreux membres de l'ANC, le parti au pouvoir. «Les principes qui nous ont mené à être membre de la CPI restent pertinents et d'actualité... cependant, la CPI a perdu son cap et ne suit plus ses principes», a souligné Obed Bapela, un membre du gouvernement, cité par le Daily Maverick, un site d'informations sud-africain.
Une réputation ternie?
Mais contrairement à ce qu'affirment les autorités sud-africaines, la CPI n'est peut-être pas si partiale que ça, analyse le quotidien britannique The Guardian. Selon ce dernier, sur huit cas que la CPI a poursuivi en Afrique, deux l'ont été à la demande du conseil de sécurité des Nations unies - à propos du Soudan et de la Libye - et quatre l'ont été directement à la demande des Etats africains concernés (République démocratique du Congo, Centrafrique, Ouganda, Mali). Il n'y a donc que deux enquêtes qui ont été diligentées à l'origine par les juges de la CPI, en Côte d'Ivoire et au Kenya.. Et l'Afrique n'est pas le seul continent concerné. La CPI mène actuellement des investigations en Afghanistan, Colombie, Géorgie, Honduras, Irak, Palestine et Ukraine.
De quoi détruire l'argumentation des dirigeants sud-africains.
De plus, le Daily Maverick rappelle que si l'Afrique du Sud quitte la CPI, elle risque d'entraîner avec elle d'autres Etats. Alors que l'un des facteurs qui limite l'efficience de la CPI - une inefficience qui lui est souvent reprochée - est le manque de coopération des Etats concernés par des enquêtes. Enfin, poursuit le média sud-africain, un départ de la CPI «ternirait sérieusement la réputation mondiale de l'Afrique du Sud sur la question des droits de l'homme et réduirait son capital politique». Et le Daily Maverick rappelle que le pays est toujours candidat à un siège au conseil de sécurité de l'ONU.