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 Eric Laurent le 30 août 2006 à Jouy-en-Josas AFP/Archives PIERRE VERDY
Eric Laurent le 30 août 2006 à Jouy-en-Josas AFP/Archives PIERRE VERDY

Affaire Mohammed VI: deux journalistes français toujours en garde à vue

Auteurs d'un livre à charge, ils sont accusés d'avoir fait chanter le roi du Maroc.

Deux journalistes ont-ils tenté de faire chanter le royaume du Maroc avec des informations supposées gênantes? Eric Laurent et Catherine Graciet, accusés d'avoir empoché de l'argent extorqué, étaient toujours en garde à vue vendredi à Paris, dans une affaire pour le moins singulière.

Immédiatement après la révélation de cette affaire jeudi sur RTL, l'un des avocats du royaume, Eric Dupond-Moretti, a pris la parole pour en livrer des détails, dénonçant un "racket digne de voyous". Un racket à trois millions d'euros selon lui.

Les deux journalistes, Eric Laurent et Catherine Graciet, qui ont déjà écrit un livre accusateur contre Mohammed VI en 2012, "Le roi prédateur" (Editions du Seuil), ont été interpellés après un rendez-vous avec un représentant du Maroc dans un hôtel parisien. Lors de ce rendez-vous, "il y a eu remise et acceptation d'une somme d'argent", a rapporté une source proche du dossier à l'AFP. 

Jeudi soir deux journalistes ont été placés en garde à vue dans les locaux de la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP), dans le cadre d'une information judiciaire ouverte la veille pour tentative d'extorsion de fonds et tentative de chantage, a indiqué une source judiciaire à l'AFP.

La sortie du livre était prévue en janvier 2016

Tout aurait commencé le 23 juillet, quand Eric Laurent a contacté une première fois le cabinet royal marocain en indiquant qu'il préparait un livre, a raconté l'avocat du Maroc sur RTL. Une première rencontre aurait été organisée à Paris avec un avocat, "un de mes confrères marocains", a raconté Me Dupond-Moretti. Selon lui, "Eric Laurent dit "écoutez, moyennant 3 millions d'euros, je ne publie pas mon livre, un livre que je prépare avec Catherine Graciet"".

Après la plainte du Maroc, qui a conduit le parquet de Paris à ouvrir une enquête préliminaire, puis à saisir les juges d'instruction, d'autres rendez-vous ont été organisés, dont deux jeudi, mais cette fois sous la surveillance des enquêteurs. Contactées par l'AFP, les Editions du Seuil ont confirmé que les deux journalistes préparaient un livre sur le roi du Maroc Mohammed VI, "pour une sortie en janvier-février".

"Je suis sous le choc (...) Je savais que Catherine avait ce projet (de livre). Si les faits sont avérés c'est très surprenant de la part de Catherine. Elle n'a pas le profil pour ce type de délit", a réagi auprès l'AFP le journaliste Nicolas Beau, qui a écrit plusieurs livres avec sa consoeur, dont "La régente de Carthage: main basse sur la Tunisie" (2009, La Découverte), sur Leïla Trabelsi, épouse de l'ex-président tunisien Ben Ali.

Un duo interdit de territoire marocain

Catherine Graciet a également écrit "Sarkozy-Kadhafi, histoire secrète d'une trahison" (Ed. Seuil, 2013), où un ancien responsable politique libyen donne du crédit aux accusations de financement de la campagne de Nicolas Sarkozy par le régime de Mouammar Kadhafi. Quant à Eric Laurent, il a écrit de nombreux livres d'enquête: "Aux banques les milliards, à nous la crise", qui doit sortir le 9 septembre, "La face cachée du pétrole" (Plon, 2006), "Bush l'Iran et la bombe" (Plon). En 1993, il avait signé un livre d'entretien avec l'ancien roi du Maroc, Hassan II, père de Mohammed VI ("La mémoire d'un roi").

Eric Laurent et Catherine Graciet ne sont pas en grâce auprès du royaume. Quand leur précédent livre sur Mohammed VI est sorti, en 2012, le quotidien espagnol El Pais avait été interdit sur le territoire marocain le jour où il en avait diffusé les bonnes feuilles. Paris et Rabat ont connu une brouille diplomatique de plusieurs mois à cause d'une enquête menée à Paris sur des accusations de tortures au Maroc contre le patron du contre-espionnage (DGST) Abdellatif Hammouchi. 

La réconciliation a été permise notamment grâce à une nouvelle convention d'entraide judiciaire, qui a suscité l'inquiétude des organisations de défense des droits de l'Homme.

Slate Afrique avec AFP

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