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RDC: La capote sauve les couples brisés par le viol
Des préservatifs sont mis à la disposition des couples dont l'épouse violée a été répudiée. Une initiative qui vise à prévenir les maladies et à ressusciter l'harmonie sexuelle entre les conjoints.
La nuit du 11 juin 2011, des hommes armés ont attaqué Nakiele, Kanguli et Abala, trois villages de la province du Sud-Kivu, dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC).
Plus de 270 femmes ont déclaré avoir été violées.
«C'était la première fois que nous avons entendu les femmes crier la nuit», a raconté en juillet François (le prénom a été changé), 60 ans, au Comité de coordination des actions de paix (CCAP), basé au Sud-Kivu.
Après leur viol, plusieurs dizaines de femmes ont été répudiées ou marginalisées, accusées d'avoir volontairement eu des rapports sexuels ou d'être désormais porteuses du VIH.
«Certains hommes ont menacé de prendre d'autres épouses parce que c'est difficile d'attendre le résultat du test des infections sexuellement transmissibles», confie Furaha Mushegerha, responsable au CCAP du volet intitulé: genre et lutte contre les violences faites aux femmes.
D'autres ont choisi d'aviser selon le verdict du dépistage.
«Lorsque ma femme m'a dit ce qui lui était arrivé, je me suis installé pour un temps chez mes enfants mais je suis revenu, a expliqué François, père de six enfants. (…) Je lui demande de se faire soigner d'abord pour voir si elle n'a pas été contaminée par le sida (...). Ma femme doit comprendre que je ne peux pas consommer le mariage avec elle tant que ne suis pas assuré de sa santé».
L'harmonie sexuelle, le ciment du couple
Pour se protéger en attendant le résultat du test, des hommes ont demandé d’avoir accès à des préservatifs.
Cela «témoigne d'avancées très significatives dans le travail des associations qui interviennent sur le terrain dans ce domaine, mais aussi du changement des mentalités et du recul des coutumes rétrogrades», estime Albert Kalonga, coordonateur exécutif de vie et espoir.
Le 25 juillet, son association a remis gratuitement au CCAP «44 boites de 144 préservatifs». Il faut dire que le Comité mise sur le rapprochement des corps pour réconcilier les couples.
«Il est certain que la sexualité est parmi les ingrédients qui contribuent à l'harmonie dans le foyer, souligne Furaha Mushegerha. Les maris refusent d'avoir des relations sexuelles avec leurs épouses parce qu'elles ont été violées. Quand les mêmes maris parviennent à réitérer l'acte sexuel, nous pouvons en déduire qu'il y a harmonie et que c'était ça le nœud des problèmes.»
Les préservatifs ont été livrés aux trois comités de médiation que le CCAP a créé suite aux répudiations.
«Pour le retrait des préservatifs, certains ont honte de contacter les membres des comités qui appartiennent parfois à la même famille», souligne Furaha Mushegerha. En revanche, ajoute-elle, ils peuvent être «disposés à les solliciter dans les structures médicales», jugées moins stigmatisantes.
«Certaines n'ont jamais entendu parler du préservatif»
Des préservatifs ont donc aussi été dispatchés dans un centre hospitalier à Nakiele et dans un centre sanitaire à Kanguli et Abala. Combien de boites retirées au total? Les zones étant enclavées, le CCAP indique qu’une autre mission pourrait permettre de dresser un bilan, mais que pour l’heure un couple a récupéré une boite «sous ses yeux», bravant la «tradition» selon laquelle un homme ne doit pas partager sa vie avec une femme violée. Reste que la culture n’est pas le seul obstacle.
«Des couples n'ont jamais utilisé le préservatif. Il y a même des femmes qui n'en avaient jamais entendu parler», explique Furaha Mushegerha.
En outre, si les hommes qui voyagent boudent moins le condom, «la majorité» des quelque 70 victimes présumées, de tous âges, rencontrées par le CCAP «n'aimaient pas utiliser les préservatifs». Cependant, comme il s'agissait d'un «cas de force majeure, elles ont accepté en vue de préserver leur foyer».
Un cas de «force majeure», pour le moins. Car si Furaha Mushegerha et son équipe prônent le port du préservatif, c'est également parce qu'ils gagent que toutes les femmes ne pourront peut-être pas être dépistées.
«Nous avons estimé qu'au fur et à mesure le couple se rapprochera, finira par s'accepter et peut-être n'aura plus besoin de faire le test des infections sexuellement transmissibles qui reste une opération difficilement accessible dans le milieu, le centre hospitalier de Nakiele n'est par exemple pas équipé.»
Habibou Bangré, à Kinshasa
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