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Pour Disney, la colonisation est un conte de fées
Les studios Disney sont en train d'adapter l'histoire vraie d'un père qui a planté son drapeau dans un territoire africain pour faire de sa fille une princesse.
Les studios Disney, ces trolls. Après avoir, à raison, été critiqués pour la faible représentation des minorités et l’uniformité des personnages de ses différentes productions, les studios semblent faire fi de ces reproches et continuent à tendre le bâton pour se faire battre.
Certes, Disney tourne actuellement en Ouganda Queen of Katwe, un film racontantl'histoire d'une ex-enfant des bidonvilles devenue star des échecs et incarnée par Lupita Nyong’o. Mais, dans le même temps, ces mêmes studios ont annoncé la préparation d'un autre film dont le pitch et la probable distribution laissent pantois.
Disney vient en effet de confier la réalisation de The princess of North Sudan à Morgan Spurlock (Super Size Me) et l'écriture du script à Stephany Folsom. Un film basé sur des faits réels, eux-mêmes assez stupéfiants.
Pendant l'été 2014, la presse internationale avait abondamment relayé l'histoire de Jeremiah Heaton, un père de famille américain qui a traversé l'Atlantique pour planter son drapeau dans un no man's land africain en guise de cadeau d'anniversaire à l'une de ses trois enfants. Tout avait commencé, comme il le raconte sur Facebook, quand sa fille Emily, alors âgée de 6 ans, lui a demandé si elle serait princesse un jour. Ce à quoi le papa a répondu «oui, bien sûr» (et il y aurait beaucoup à dire sur cette seule réponse).
Le Royaume du Soudan du Nord
Le père de famille entame alors des recherches sur Internet et finit par découvrir, sur une carte, Bir Tawil, un territoire de 2.000 km2 niché entre le Soudan et l'Égypte. Une «terra nullius» qu'aucun des deux pays n'a jamais réclamée. Avec l'autorisation des autorités égyptiennes, Jeremiah Heaton se lance dans une expédition et il finit par planter un drapeau confectionné par ses enfants sur le sol de Bir Tawil.
Il s'autoproclame alors monarque souverain et nomme sa fille Emily princesse de ce qu'il décide d'appeler le Soudan du Nord. Le père va jusqu'à réclamer, en vain, la reconnaissance internationale de sa souveraineté sur Bir Tawil. L'Égypte et le Soudan, probablement occupés à des affaires autrement plus sérieuses, n'avaient pas donné suite à la demande.
Cela n'a pas empêché le père de famille d'espérer transposer son histoire à l'écran en lançant une campagne de crowdfunding à l'aide d'un teaser excessivement tire-larmes faisant totalement abstraction de l'aspect juridique de l'affaire et des lois les plus élémentaires du droit international.
Le site américain Vox avait alors été l'un des rares à soulever le point délicat et néanmoins fondamental de cette affaire: il s'agit ni plus ni moins d'une version moderne de la colonisation. Un père américain décide qu'un territoire africain est le sien, pour son seul plaisir et celui de sa marmaille. Il n'a cure ni de l'Union africaine ni des populations qui, bien plus légitimement, auraient pu prétendre à disposer du territoire (historiquement, Bir Tawil est le pâturage d'une tribu ababdeh).