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Prix Sakharov: la récompense de Denis Mukwege, l'homme qui répare les femmes en RDC
Denis Mukwege, à qui vient d'être attribué le prix Sakharov, est un héros des droits des femmes au Congo.
En 2013, il avait été pressenti pour recevoir le prix Nobel de la paix. Mais c’est une autre distinction qui lui a été décernée, le prix de la Fondation Chirac pour la prévention des conflits. Cette année encore, le nom du docteur Denis Mukwege a longuement été évoqué comme un possible lauréat du prix Nobel de la paix. Depuis, on sait qui a été distingué.
Le prix Sakharov des droits de l’homme attribué à ce gynécologue congolais, engagé depuis une quinzaine d’années à soigner des femmes victimes de violences sexuelles perpétrées par des groupes armés en République démocratique du Congo, ne peut pas être vu comme un lot de consolation. Parce qu’il est décerné par le Parlement européen, il est le symbole d’une reconnaissance mondiale du travail de cet acteur de premier plan dans la résolution des conflits en Afrique.
Son Sakharov ne peut pas être un Nobel de consolation, car il récompense à la fois son engagement en faveur de la paix, son combat pour les droits humains et sa détermination à redonner espoir aux populations ravagées par les conflits au Kivu, notamment les femmes. Enfin, ce prix, qui s’ajoute à tant d’autres distinctions reçues par le Dr Mukwege depuis que la communauté internationale a ouvert les yeux sur la situation dans l’est de la République démocratique du Congo, est un hommage à tous ceux qui se battent en Afrique et partout dans le monde pour promouvoir la liberté d’expression et une certaine indépendance d’esprit.
Le Dr Denis Mukwege en 2012 /REUTERS
Denis Mukwege «répare les femmes» de son pays au péril de sa vie. Il a échappé de justesse à une tentative d’assassinat en 2012, vraisemblablement parce que son engagement dérange, parce qu’il est un «témoin gênant» de ce qui se passe dans l’Est de la RDC, pour reprendre les termes de la journaliste belge Colette Braeckman, auteure d’un ouvrage sur le médecin et sur l’hôpital de Panzi qu’il a ouvert au Congo.
«Au cas où il aurait archivé les témoignages de toutes les femmes violées, mutilées qui se sont présentés à lui, il aurait là un volumineux dossier dans lequel la justice internationale pourrait certainement puiser des indications et des témoignages. Rien que pour cela, tous les chefs de guerre de la région auraient intérêt à le voir disparaître ou se taire ou partir en exil», nous expliquait Colette Braeckman en 2013.
Et c’est ce qui avait fini par se produire: il a été un temps contraint à l’exil en Belgique depuis cette tentative d’assassinat. Pourtant, malgré ces menaces, malgré la distance, l’hôpital de Panzi, près de Bukavu, continue de vivre et Denis Mukwege veut poursuivre son combat et mobiliser davantage de soutiens pour aider les femmes de son pays. Un plaidoyer que l’on retrouve dans Panzi, un livre de témoignages paru en début de cette année, dans lequel il relate l’histoire qui a vu près de 40.000 femmes, victimes de viol de guerre, êtres «réparées» en RDC.
Le prix Sakharov a été créé en 1988 en l’honneur du scientifique et dissident soviétique Andreï Sakharov. Et, encore une fois, que Denis Mukwege le reçoive aujourd’hui a tout sens: son engagement auprès des femmes meurtries est une forme de dissidence, une forme d’indignation contre les horreurs de la guerre et ceux qui la provoquent et l’alimentent.
Raoul Mbog