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Un manuel de bonnes pratiques pour éviter Ebola / REUTERS
Un manuel de bonnes pratiques pour éviter Ebola / REUTERS

Les invisibles de la lutte contre Ebola en Guinée

En Guinée, les professionnels de santé ne sont pas les seuls à être sur le pied de guerre –c'est aussi le cas des journalistes radio, des stars du hip-hop et des imams.

Fatou Traoré Diallo se tient devant l'entrée d'une station de radio rurale, dont elle est la directrice, et exige que tous ceux qui la passent aillent se laver les mains. En d'autres et moins dramatiques circonstances, une telle sommation serait terriblement cavalière, mais aujourd'hui, en Guinée forestière, une région au sud-est du pays et l'un des foyers de l'actuelle épidémie d'Ebola, l'extrême prudence est devenue la norme.

Traoré et son équipe de 18 journalistes, techniciens et présentateurs ne sont probablement pas les premières personnes à qui vous penserez en imaginant la ligne de front de la guerre contre Ebola, mais tous sont profondément engagés dans la lutte contre la propagation de la maladie. «Au départ, nous avons eu sept cas et quatre morts, et les gens ne croyaient pas à Ebola», déclare Traoré, qui se rappelle d'auditeurs qui téléphonaient à la station pour faire part de leurs théories et anecdotes personnelles.

«Nous avons mis en place une émission interactive, avec un médecin qui répondait aux questions et aux appels, et les mentalités se sont mises à changer.»

Dans toute la Guinée, ce sont des citoyens ordinaires comme Traoré qui luttent contre Ebola, malgré des ressources limitées et l'absence d'expérience médicale antérieure. Comme de juste, l'attention et les éloges se tournent vers les professionnels de santé qui risquent leur vie pour venir en aide aux malades; selon l'OMS, l'Afrique de l'Ouest comptabilisait au 1er octobre 382 professionnels de santé infectés, dont 216 ayant succombé au virus. Mais on ne compte plus les personnes d'horizons divers –journalistes, chefs religieux, artistes– à avoir contribué, à leur niveau, à combattre la maladie, faisant fi des tergiversations et des atermoiements des leaders nationaux, internationaux et autres organisations sanitaires mondiales.    

Comme en Guinée forestière, beaucoup de stations de radio émettant en zones rurales éduquent leurs auditeurs à Ebola, et dévouent des heures et des heures de programmation originale et quotidienne au virus.

Malgré un accès à l'électricité aléatoire et des équipements hors d'âge, ces stations traduisent en plusieurs langues et dialectes des communiqués venant de la capitale, Conakry, ou de l'étranger, et ce afin de cibler des communautés spécifiques. Leurs budgets sont consolidés par la publicité et des dons internationaux, tant les radios locales ont prouvé leur efficacité pour transmettre des informations à des populations très majoritairement illettrées et dénuées d'accès à d'autres sources médiatiques.

Pourtant, avant de devenir une source fiable au sujet d'Ebola, les journalistes locaux ont dû eux-mêmes en passer par un processus de formation et comprendre ce qu'était le virus et comment il se transmettait.

En avril, Médecins Sans Frontières (MSF) avait organisé la venue d'un survivant d'Ebola à une radio nationale, mais la station allait lui interdire d'accéder à ses studios. Finalement, l'interview s'est déroulée par téléphone. Six mois plus tard, des survivants d'Ebola sont régulièrement invités à s'exprimer sur les ondes et dans les studios des radios, un simple indice du changement de mentalité à l’œuvre parmi les professionnels des médias.

«Si vous allez tout de suite à l'hôpital, vous avez toutes les chances de guérir, mais si vous cachez vos symptômes, vos chances sont bien plus faibles», expliquait à la mi-septembre une survivante d'Ebola, étudiante en médecine, sur les ondes d'une radio nationale et émettant d'un studio de Conakry. A juste titre, elle avait conclu son intervention en encourageant ses compatriotes à ne pas stigmatiser les survivants.

Des leaders religieux, à l'instar d'El Hadj Mamadou Saliou Camara, ont aussi usé de leur influence pour affronter la crise générée par Ebola. En tant qu'imam de la grande mosquée Fayçal de Conakry, Camara fait partie des chefs religieux les plus importants de Guinée, pays à forte majorité musulmane, et il s'est fait depuis longtemps le héraut de l'unité et de la réconciliation dans une région où les clivages éthnico-politiques sont profonds.

Pendant les récentes célébrations de l'Aïd el-Kebir (ou Tabaski comme on l'appelle en Afrique de l'Ouest), son sermon s'est focalisé sur la nécessité de dépasser les dissensions politiques dans la lutte contre Ebola.

«Ce que je dirais aux gens, [c'est que] lorsque nous avons une maladie comme Ebola, le président et son gouvernement doivent se dresser pour combattre la maladie», a déclaré Camara.

«Si une délégation [du gouvernement] arrive dans un endroit pour sensibiliser la population, nous devons les accueillir à bras ouverts. Il ne faut pas les agresser ou les tuer», a-t-il poursuivi, faisant référence aux récentes attaques contre des professionnels de santé, et les craintes que la crise sanitaire soit utilisée à des fins politiques.

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Slate Afrique

La rédaction de Slate Afrique.

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