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La «Coca-Colonisation» du Swaziland
Lorsque vous buvez du Coca-Cola en Afrique subsaharienne, avez-vous déjà pensé au parcours effectué par la bouteille ou la canette, pour arriver jusqu'à vous? La revue panafricaine pour la liberté et la justice Pambazuka News vient de publier un enquête sur les conditions de travail dans les champs de canne à sucre, et surtout dans les usines exploitées par la multinationale américaine en Afrique australe, comme au Swaziland par exemple.
Sur le continent, le concentré de Coca-Cola, ingrédient essentiel à la fabrication de la boisson, provient d’une usine de Mapatsa, au Swaziland. La multinationale américaine a choisi ce pays en raison des arrangements fiscaux que le régime du roi Mswati III lui accorde, mais aussi pour sa main d’œuvre bon marché et l’abondance de champs de canne à sucre. Si le monarque règne en maître absolu, c’est véritablement la compagnie, dont le siège se trouve à Atlanta, en Géorgie (Etats-Unis), qui tient les cordons de la bourse, indique Pambazuka News.
«Coca-Cola peut faire du chantage au Swaziland, à tout moment. Si elle ne reçoit pas de satisfaction sur une demande quelconque, il lui suffit simplement de menacer de s’installer ailleurs», précise Richard Rooney, un ancien professeur agrégé à l'université du Swaziland.
D’autres observateurs parlent même d’une «Coca-colonisation du Swaziland» —non pas que le roi de ce tout petit pays d’Afrique australe soit contraint et forcé, mais parce que la libéralisation du marché dans le royaume semble avoir été taillé sur mesure pour la multinationale américaine. Et que Mswati III et sa cour sont les seuls Swazis à en bénéficier.
D’ailleurs, le roi est en très bons termes avec la multinationale, dont il visite le siège chaque année. L’enquête du Pambazuka News souligne que Mswati III a même fait en sorte que les nombreux appels répétés en faveur du respect des droits humains et de la justice socioéconomique ne nuisent pas aux affaires…
«Coca-Cola a été accusé de déshydrater les communautés locales dans sa quête de ressources en eau pour alimenter ses propres usines. Il a asséché les puits des agriculteurs et détruit l'agriculture locale... Il faut près de trois litres d'eau pour faire un litre de Coca-Cola», fait savoir War on Want, une organisation pour les droits de l’homme et de lutte contre la pauvreté, dans un rapport sur les méthodes de la multinationale.
Et selon le rapport de l'institut de recherche HRCI, Coca-Cola et ses filiales ont également «abusé d'innombrables droits humains fondamentaux», en pratiquant la violence antisyndicale et de nombreuses discriminations.
Mais la revue Pambazuka News donne également la parole à la multinationale, qui se défend de toute dérive. Coca-Cola affirme notamment faire preuve d’altruisme sur le continent noir à travers la Fondation Coca-Cola pour l’Afrique. Celle-ci a notamment fait des dons de médicaments au gouvernement swazi, soutient des projets éducatifs et a lancé un 2010 un projet de développement hydraulique.
Il n’en demeure pas moins que les travailleurs dans les champs de canne à sucre et les ouvriers des usines vivent dans des conditions déplorables, payés entre 400 et 550 rands (entre 41 et 56 euros) par mois:
«Ce n'est pas suffisant pour payer des médicaments, de la nourriture adéquate ou les frais de scolarité pour nos enfants. Parfois, nous ne mangeons pas pendant des jours. Nous avions nos propres potagers mais ils ont été confisqués par la compagnie sucrière», témoigne un ouvrier.
Lu sur Pambazuka News