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Le riad de DSK à Marrakech, au Maroc, le 23 septembre 2011. AFP/ABDELHAK SENNA
Le riad de DSK à Marrakech, au Maroc, le 23 septembre 2011. AFP/ABDELHAK SENNA

Maroc, la base arrière de DSK

L’ex-patron du FMI retrouve le faste de son riad à Marrakech, où il a l’habitude de venir se mettre au vert. Qu’en pensent les Marocains?

Mise à jour du 21 février 2012; L'ancien directeur général du FMI Dominique Strauss-Kahn a été placé en garde à vue le 21 février à Lille pour y être entendu sur son rôle dans l'affaire de proxénétisme dite du Carlton par les enquêteurs de la police judiciaire.

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Dominique Strauss-Kahn a retrouvé sa «base arrière» de Marrakech, comme il se plaît à le dire souvent. L'ex-directeur du FMI y possède un magnifique riad en plein cœur de la médina, où il a l'habitude de venir se mettre au vert avec son épouse Anne Sinclair, comme tant de célébrités françaises, à l’image de leur voisin, le philosophe Bernard Henry Lévy, un autre habitué du royaume.

«Une visite privée dont la durée n'a pas été précisée», a indiqué une source aéroportuaire à l'AFP. Une manière de bien préciser qu’il ne s’agit nullement d’un voyage convenu avec les autorités marocaines et peut-être un séjour au long cours.

De Manhattan à Marrakech

Il s'agit du premier déplacement à l'étranger de Dominique Strauss-Kahn depuis ses démêlés avec la justice américaine à New York en mai et son retour en France le 4 septembre. Selon un photographe de l'AFP sur place, un cordon de sécurité avait été placé autour de l'aéroport Menara de Marrakech pour empêcher les paparazzi de s'approcher de DSK, qui s’est rapidement engouffré dans un 4x4 dès sa sortie de l’avion.

En retrouvant Marrakech, il retrouve aussi le lieu où s’est noué le fameux pacte avec la candidate Martine Aubry en vue de la désignation de l’adversaire socialiste à Sarkozy pour la présidentielle de 2012. Celui-ci aurait germé au cours de l’été 2008, quand les hauts responsables du parti socialiste français (PS) n’avaient qu’un but: faire barrage à Ségolène Royal pour la succession de François Hollande à la tête du parti.

Le 1er juin 2008, Martine Aubry et d’autres ténors de la gauche se sont retrouvés dans un restaurant du XIIIe arrondissement de Paris. Au cours du dîner, l’idée d’organiser une primaire pour la prochaine présidentielle s’est imposée à tous les convives. L’idée était de n’avoir qu’un seul candidat face au président sortant. Un souhait qui a allait se sceller deux mois plus tard, à Marrakech.

Martine Aubry est alors invitée à passer ses vacances d’été dans la ville marocaine. En arrivant, elle apprend que DSK y séjourne aussi. Ils dînent ensemble. Une soirée informelle, au cours de laquelle les deux poids lourds du PS auraient défini le désormais fameux «pacte de Marrakech» de non-concurrence: à Aubry, le poste de première secrétaire du PS; à DSK, la possibilité de briguer l’investiture socialiste à la présidentielle de 2012.

Une politique française «délocalisée»

La longue absence de DSK depuis l’épisode tragique du Sofitel de New York avait laissé planer le doute sur le rôle qu’il pourrait dorénavant jouer dans la primaire socialiste française à la faveur de sa relaxe par la justice américaine. Allait-il respecter l’esprit de ce pacte en se refusant à jouer le rôle de «faiseur de rois» parmi les ténors du PS en lice pour représenter leur parti face à Sarkozy?

Il décochera une dernière banderille assassine à Aubry, laissant entendre sur TF1 qu’elle est effectivement sa candidate de substitution, tout en déclarant en «off» dans les couloirs de la chaîne de télévision que François Hollande avait plus de chances de l’emporter…

Les joutes autour du «pacte de Marrakech» n’ont pas seulement passionné le landernau politique français. La seule référence à la ville la plus célèbre du Maroc a donné l’impression aux commentateurs marocains que le royaume était de ce fait lié à la politique intérieure de la France.

D’abord, parce que DSK, l’ami inconditionnel du royaume était le favori de Rabat dans la course à l’Élysée, mais aussi parce que Marrakech était devenue ces dernières années le lieu de rencontre privilégié de la classe politique française, lorsque celle-ci fuyait la rigueur de l’hiver parisien et son prurit médiatique. On se rappelle de ce Noël 2010 où l’on aurait pu presque voir se tenir un conseil des ministres français à l’ombre des palmiers de Marrakech, tant les politiques de l’Hexagone étaient venus nombreux profiter de la douceur de la ville ocre. Avec les révolutions arabes et le scandale suscité par Michèle Alliot-Marie en Tunisie, cette tradition aura certainement vécu.

La presse locale peu accueillante

De ce fait, le come-back de DSK à Marrakech est moins ostentatoire. Les allées et venues dans son riad sont plus rares et les paparazzi embusqués dans les ruelles de la médina n’ont franchement pas beaucoup de scoops à se mettre sous la dent. Les enjeux politiques sont à l’évidence moins importants et l’épilogue médiatique de DSK réglé comme du papier à musique sur le plateau de TF1, face à la très conciliante Claire Chazal, préfigurait de sa retraite cachée, loin des sunlights.

Que reste-t-il donc de la trajectoire de DSK, qui de Manhattan est venu s’échouer à Marrakech?

Dans son «pays d’accueil», la presse indépendante ne le ménage pas, comme le site Demain Online qui sonne l’alerte généralisée:

«De grâce, si le Maroc est un pays foncièrement hospitalier, que DSK ne reste pas trop longtemps ici. Sinon, il va prendre goût aux soubrettes musulmanes et à la servilité de la justice marocaine qui a la fâcheuse manie de se coucher devant le pouvoir politique».

D’autres, plus retors, rappellent à l’envi ses positions politiques passées dans les conflits qui agitent le Proche-Orient, laissant dire qu’il n’est pas en phase avec l’opinion de la rue arabe. Les journaux et sites Internet arabophones soulignent qu’il s’était maintes fois prononcé en faveur d’une attaque contre l’Iran et regretté que les Américains se soient trompés de cible préférant s’en prendre à Saddam Hussein, proie facile, au lieu du régime des Mollahs; qu’il considère que le Liban était l’«agresseur» d’Israël en 2006; et que la «fameuse politique arabe de la France» est une «supercherie du Quai d’Orsay».

Tristane Banon, «la Marocaine»

Le nouvel épisode judiciaire qui se poursuit à Paris et qui l’oppose à Tristane Banon donne aussi du grain à moudre aux commentateurs marocains.

La jeune journaliste qui accuse DSK d'avoir tenté de la violer en 2003 est décidée à poursuivre son combat judiciaire. Elle a même levé une manifestation le 24 septembre devant le Palais de Justice de Paris, afin de «faire entendre la voix des femmes qui subissent des violences et des agressions sexuelles».

Ce n’est pas tant son face-à-face avec DSK qui fascine au Maroc, même si l’on s’inquiète de savoir si l’ex-patron du FMI n’a choisi Marrakech que dans le but de se soustraire à la justice de son pays. Ce qui intéresse les Marocains qui suivent ce vaudeville international, ce sont aussi les liens de la plaignante avec le royaume. Des liens filiaux avec un père lointain, né à Casablanca, comme le colporte Dafina.net, le site communautaire de la diaspora juive d’origine marocaine.

DSK rappelait presqu’à chacune de ses escapades marocaines qu’il y retrouvait un peu de ses «madeleines proustiennes». Sa dernière est-elle annonciatrice d’une retraite prolongée au royaume de son enfance?

Ali Amar

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Ali Amar

Ali Amar. Journaliste marocain, il a dirigé la rédaction du Journal hebdomadaire. Auteur de "Mohammed VI, le grand malentendu". Calmann-Lévy, 2009. Ouvrage interdit au Maroc.

Ses derniers articles: Patrick Ramaël, ce juge qui agace la Françafrique  Ce que Mohammed VI doit au maréchal Lyautey  Maroc: Le «jour du disparu», une fausse bonne idée 

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