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La recette de la bière des pharaons
Les liturgies de l'Egypte ancienne ne lésinaient pas sur l'alcool.
Si le vin, selon Homère, était le breuvage des dieux, c’est la bière qui, d’après la mythologie égyptienne, sauva l‘humanité. Utilisée par Rê pour épancher la soif destructrice de la déesse Sekhmet, et soustraire le monde terrestre à son courroux, la boisson était connue dans l’Egypte ancienne pour ses vertus enivrantes.
«Osiris avait appris aux hommes à faire de la bière, c'était donc un breuvage divin et l’ivresse rapprochait des dieux, explique la spécialiste de l’Egypte ancienne Sylvia Couchoud. Si on buvait au point de vomir, comme cela est représenté sur plusieurs tombeaux, ceci prouvait que la fête était réussie et que l’abondance régnait.»
L’importance de la bière était telle que les brasseurs jouissaient d’une position sociale privilégiée, proche de celle de la haute administration. Une notoriété qui se prolongeait jusque dans le royaume des morts, puisque la sépulture des échansons pouvait être disposée non loin de celle du Pharaon.
Dans la célèbre nécropole de Thébès à Louxor, ville du sud du pays, un groupe d’archéologues japonais vient de découvrir la tombe d'un responsable de la production de bière de la dynastie des Ramsès, qui régnait il y a 3.200 ans. Sa dépouille, avait été placée près du cercueil d’un dignitaire du pharaon Amenhotep III.
Le ministre égyptien des Antiquités, Mohamed Ibrahim, a témoigné de l’importance de la découverte en relevant que la tombe portait des «paysages dessinés et de diverses inscriptions sur les murs et le plafond [...] qui révèlent de nombreux détails de la vie quotidienne dans l'Egypte antique, notamment les relations entre le mari, sa femme et leurs enfants, ainsi que les rituels religieux.»
Si les traces écrites les plus anciennes concernant la bière ont été trouvées chez les Sumériens (Basse-Mésopotamie), les hiéroglyphes qui figurent sur le caveau de «Khonso Em Heb», donnent une nouvelle illustration de l’importance de la boisson dans les célébrations des pharaons de l’Egypte ancienne.
«Fête religieuse et ivresse étaient une association établie depuis toujours qui n’entraînait aucune mauvaise conscience. C’est bien plus tard, après la XVIIIe dynastie, au temps de Ramsès, que des moralistes mirent en garde contre l’ivresse et les maisons de la bière.» rappelle Sylvia Couchoud.
Mais aujourd’hui encore, on confectionne en Nubie une bière qui s’appelle «Buza» et au Soudan la «Merissa» dont le procédé est similaire à ceux de l'Egypte ancienne. Une recette que voici :
«On prélève une certaine quantité de céréales, la "besha". On pense aujourd’hui qu’il s’agissait de grains d’orge légèrement germés. […] Elle est écrasée dans des récipients à fond plat à l’aide d’un mortier. Les grains sont ensuite lancés en l’air pour être débarrassés des impuretés. Les morceaux restants sont plusieurs fois moulus et passés dans des tamis de plus en plus fins. On mesure ensuite une quantité exacte de cette farine et on ajoute une autre quantité de cette farine de blé. De ce mélange, mouillé avec de l’eau, on confectionne une pâte et on façonne des petits pains. Après un temps de repos on ajoute à nouveau de l’eau et on presse ces pains à travers une espèce de grande passoire. Cette dernière quantité d’eau ajoutée conditionne la force de la bière future.»
Slate Afrique avec AFP