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Racisme en France: on n'arrête pas la connerie
On nous dit que les racistes ont changé de discours? Faux! La bêtise, c'est la bêtise. Point final!
La nouvelle Miss France aura donc eu, elle aussi, son lot d’injures racistes. L’élection de la Franco-Béninoise Flora Coquerel a déchaîné des passions haineuses sur les réseaux sociaux, apportant une note supplémentaire au climat actuel en France, où les uns et les autres, médias en tête, s’interrogent sur une sorte de libération de la parole raciste dans l’Hexagone.
Dans une étude fouillée, le site du quotidien Le Monde s’interroge par exemple sur ce qu’il appelle «Les nouveaux habits du racisme». Dans ce long article, il est décrypté la résurgence insidieuse d’images et de postures qui remontent au début du XXe siècle... Les fameux «Y’a Bon Banania», «sauvages», «singes» et autres. Le Monde ajoute que, même si ceux qui font revivre ces affreux clichés sont encore rares, le racisme n’a pas disparu pour autant. La différence étant qu’il se manifeste autrement et «se dit» avec d’autres mots.
«Ce néoracisme manie désormais le vocabulaire des modes de vie et des valeurs: il classe, répertorie et étiquette les populations en leur attribuant, à tort ou à raison, certains traits culturels qu’il juge immuables», écrit Le Monde pour évoquer ces formes contemporaines de racisme
Sauf que, cela fait une bonne dizaine d’années que l’on parle, en France, de ces «nouveaux habits du racisme». Les contributions des spécialistes interrogés par le site sont de très haute portée et illustrent bien les ressorts de ce néoracisme. L’un d’eux, Patrick Simon, chercheur à l’INED (Institut national d’études démographiques), explique au Monde que ce phénomène a commencé à se développer dans les années 80, avec le slogan du Front national de l’époque, «la France aux Français».
Dans cette optique, d’où vient donc l’idée de parler de néoracisme en France en cette fin 2013? Le mieux ne serait-il pas de dire tout bonnement que le racisme n’a jamais disparu en France et que de vrais lobbies racistes existent et adaptent leur discours et leurs méthodes au contexte?
En 2004 déjà, c’est-à-dire, il y a une dizaine d’années, le journaliste Alain Gresh parlait déjà des «nouveaux habits du racisme» dans les colonnes du Monde diplomatique. Un après, en 2005, L’Humanité présentait une étude qui montrait comment les thèmes de l’extrême-droite française étaient repris par les partis dit traditionnels. L’argumentation de l’article intitulé «Les habits neufs du discours raciste» comportait déjà les mêmes éléments que celui du Monde.
Bref, tout le long de la décennie qui vient de s’écouler, les uns et les autres n’ont eu de cesse de parler d’une nouvelle forme de racisme en France, en employant la même argumentation, les mêmes mots, les mêmes titres. Admettons, par exemple, que les discriminations liées à l’origine ou à la couleur de peau fussent nouvelles dans les années 2000. Si elles persistent —et on est d’accord qu’elles persistent, vu l’ambiance actuelle—, on ne peut donc plus parler d’une quelconque nouveauté.
L’année dernière, le très sérieux quotidien catholique La Croix parlait, à juste titre, du racisme comme d’une «hydre du rejet de l’autre [qui] renouvelle sans cesse ses visages». Pourtant, là encore, l’argumentation utilisée était celle que l’on entendait déjà au début des années 2000. Et de la même façon, en 2011, Médiapart titrait sur les «habits neufs du racisme». Mais tout ceci pour une raison simple: tous décrivaient avec rigueur une réalité qui n'a pas vraiment changé depuis les images affreuses des expositions coloniales organisées au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe.
Peut-être qu’il faut simplement avoir le courage d’admettre que le racisme et le discours raciste ont toujours existé et existeront toujours: c’est un peu comme la connerie. En revanche, ce qu’il est nécessaire de renouveler à chaque nouveau dérapage, c’est l’énergie et la détermination à toujours les combattre et à ne faire aucun cadeau aux racistes.
Raoul Mbog