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Ce que la musique africaine doit à Tabu Ley Rochereau
Le chanteur congolais s'est éteint samedi à Bruxelles, après avoir porté pendant un demi-siècle les angoisses et les espérances du continent.
Après le «Docteur Nico», Joseph Kabasélé, l’homme qui a produit Indépendance Chacha et le grand Franco, le dernier baobab de la musique congolaise vient de se coucher avec le décès de Tabu Ley Rochereau, à Bruxelles, le vendredi 29 novembre 2013, des suites d’une longue maladie.
En effet, ces quatre monuments de la culture congolaise ont marqué de manière indéniable les Africains et plus particulièrement la génération de ceux qui ont vu déferler sur l’Afrique les indépendances, comme «une nuée de sauterelles», pour reprendre l’image de Ahmadou Kourouma. Mais il faut reconnaître que des quatre noms suscités, celui de Rochereau tranche nettement pour plusieurs raisons.
#Tabu Ley Rochereau (1940–2013) Un grand monsieur nous quitte mais son oeuvre restera à jamais #Merci http://t.co/MO87NUQlqh
— lepetitnegre (@lepetitnegre) 30 Novembre 2013
D’abord Rochereau, contrairement aux autres qui ont tiré leur révérence de manière précoce, a occupé la scène musicale africaine pendant pratiquement un demi-siècle.
L’enfant de Kinshasa a entamé une longue carrière alors qu’il avait à peine 20 ans et a prolongé son activité musicale jusqu’au soir de sa vie où, rongé par la maladie, il avait été contraint de décrocher pour suivre un long traitement médical en Belgique où il a finalement rendu l’âme.
Ensuite, Rochereau est entré dans l’histoire pour avoir été le premier musicien africain à se produire dans la mythique salle de spectacle de l’Olympia à Paris. En effet, ce haut lieu de la culture française, l’on se souvient, avait à cette occasion, refusé du monde.
Enfin, Rochereau est unique au Congo et en Afrique, au regard des faits suivants: primo, la discographie de l’homme est immense. Il a à son actif une production riche et variée de plus de 2.000 titres.
Secundo, plusieurs de ses titres ont traversé les âges et les frontières et ont de ce fait été marqués du sceau de l’immortalité. On peut à cet effet citer des titres emblématiques comme Bel Abidjan, Pitié toi mon Amour! Bel Abidjan a d’ailleurs arraché en son temps des pas de danse au père fondateur de la nation ivoirienne, Houphouët-Boigny.
Il faut le dire, au delà de cette anecdote, Rochereau a fait chanter et danser toute l’Afrique. Nombreux étaient les Africains qui ne comprenaient pas un traitre mot de lingala mais qui savaient fredonner aisément ses chansons et mélodies. Et que dire de la rumba dont il a été le principal promoteur? Beaucoup d’Africains restent nostalgiques de ce rythme et ont dû ranger leurs vestes en queue de pie et autres mocassins, certainement la mort dans l’âme, depuis que d’autres rythmes aux qualités souvent douteuses, se sont emparés des pistes de danse en Afrique.
Tertio, Rochereau avait une envergure panafricaine et avait su allier sa carrière musicale avec une carrière politique. Il faut signaler dans ce registre que l’homme a eu maille à partir avec le régime de Mobutu dont il ne manquait pas de stigmatiser les dérives dans ses productions. Cet engagement politique lui avait valu la prison, puis un long exil en Europe.
En tous les cas, la RDC, son pays natal et l’Afrique tout entière, doivent beaucoup à l’homme, qui a su porter leurs angoisses et leurs espérances. C’est pourquoi tout le continent doit s’associer à la RDC pour lui rendre un vibrant hommage et œuvrer à perpétuer sa mémoire en le faisant entrer au panthéon de la culture africaine.
Guitariste, chanteur, compositeur pascal #TabuLey dit Rochereau était un gourou de la musique africaine. http://t.co/L9m75Kz9RA #RDC
— Félicité Doubangar (@Doubangar) 30 Novembre 2013
Les larmes que l’Afrique ne manquera pas de verser à l’occasion de la mort de ce grand homme de la musique africaine, doivent être des larmes sincères de gratitude et d’hommage pour l’ensemble de son œuvre.
Pousdem Pickou
Cet article a d’abord été publié dans Le Pays