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Centrafrique: la solution n'est pas militaire, mais politique avant tout
C'est ce que la France et tous ceux qui sont prêts à venir en aide à la Centrafrique doivent se mettre en tête.
Le Premier ministre centrafricain, Nicolas Tiangaye, incarne, à lui seul actuellement, toutes les contradictions, tous les drames de cette nation blessée, humiliée, ruinée politiquement et moralement, qu’est la Centrafrique.
Derrière sa bonhomie, sa discrétion, Tiangaye est un homme lucide, déterminé, qui sait qu’il jouit d’une certaine popularité et d’une forte crédibilité auprès de ses compatriotes. Tiangaye est un homme mesuré, qui pèse bien ses mots. Or, que vient-il de déclarer, avant-hier, au cours de sa visite parisienne? Selon lui, dans son pays, «il y a une insécurité généralisée, de graves crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis contre les populations centrafricaines».
Clairvoyance diplomatique
Face à cette catastrophe politico-militaire et humanitaire, Tiangaye est venu chercher à Paris, le soutien français. Il estime que «la France a les moyens militaires, financiers et diplomatiques nécessaires pour que son action soit efficace». Le Premier ministre centrafricain, qui pilote un navire en détresse, a choisi de rompre avec «la rude loi du silence». Il est persuadé qu’à l’heure présente, face à la machine de guerre des hordes de la Séléka, la France peut aider ce pays à assurer son salut collectif. Car, on ne peut surmonter cette insécurité généralisée sans triompher militairement de la Séléka. La force doit, enfin, arrêter la violence anarchique.
En répondant favorablement à la demande de Bangui, par le renforcement de ses effectifs en RCA, Paris semble vouloir renouer avec une certaine clairvoyance diplomatique. Pour les Centrafricains, les promesses faites à l’époque par Laurent Fabius au cours de sa visite à Bangui, il y a environ un mois, en l’occurrence le soutien de Paris au rétablissement de la sécurité, était resté trop abstrait et théorique. L’envoi de troupes françaises supplémentaires en RCA, sous mandat de l’ONU, marque un changement stratégique décisif de Paris dans la résolution de la crise sécuritaire. Cela dit, il ne suffit pas d’avoir des troupes stationnées sur place, encore faut-il les autoriser à neutraliser les hors-la-loi de la Séléka.
L’après-Djotodia
Avec eux, aucun compromis n’est envisageable, ni possible. N’est-ce pas «la ruse diabolique» des rebelles de la Séléka qui est en train de transformer une question strictement politique en conflagration ethnico-religieuse? Une action coordonnée entre les forces françaises et celles de la MISCA donnera, nécessairement, des résultats rapides sur le plan sécuritaire. Avec cette visite à Paris, Tiangaye a eu raison: «maintenant il faut agir.»
Soulignons que Paris prépare activement l’après-Djotodia. La mise en selle de Tiangaye par Paris repose bel et bien sur ce postulat politico-diplomatique. Paris sait mieux que quiconque que le problème centrafricain, avant d’être militaire, est d’abord politique. Telle est la vérité dont tous les acteurs qui tentent d’aider la RCA à vaincre ce chaos sécuritaire abyssal, doivent avant tout se pénétrer. Cela dit, il faut aider Tiangaye à incarner la réalité du pouvoir à Bangui. A l’heure actuelle, il reste la seule figure politique susceptible de maintenir l’unité nationale, et la solidarité entre Centrafricains. Et si Paris le met en selle, c’est aussi parce qu’il possède cet avantage, contrairement à Djotodia, de rassurer l’opinion française. Entre Paris et Bangui, décidément, on beigne dans la dialectique de la réciprocité. Celle-ci trouve une belle illustration à travers ce dicton africain si cher à Joseph Ki-Zerbo (historien burkinabè décédé en 2006): «demander, c’est honorer; donner, c’est aimer».
Abdoulaye Barro
Cet article a d’abord été publié dans Le Pays