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Affaire Bourgi: voici venir Mr. Propre!
Comme une lessive corrosive, Robert Bourgi veut laver le continent noir plus blanc que blanc. Vocation tardive de «lavandier»? Texte et dessin inédits de Damien Glez.
«Je veux une France propre». Omniprésent sur les écrans des téléviseurs, maître Robert Bourgi se vend comme un produit d’entretien dans une matinale de téléachat.
Croyez-le sur parole: il a l’intention de laver, sur la place publique, le linge sale de la Françafrique. Et pour ce faire, il mélange à souhait les torchons et les serviettes: les journaux que les personnes incriminées traitent de «torchons» et les serviettes en cuir qui auraient dissimulées des liasses honteuses.
Le détergent nouveau —de 66 ans tout de même— toiletterait avant tant d’efficacité qu’en passant par le «plus blanc que blanc» il conduirait, comme le supposait Coluche, à la transparence. Après la lessiveuse WikiLeaks, voici donc venu la blanchisserie BourgiLeaks…
Si l’argent n’a pas d’odeur, ce «Mr Propre» lui trouve une couleur qui confine à la tache de mauvaise moralité. Haro sur les salissures de la corruption, sur les souillures du détournement de fonds publics, sur les bavures de la concussion sans frontières. Voici le nettoyeur contrit qui cherche à se faire une nouvelle virginité.
Après avoir été nourri pendant des années, espère-t-il être blanchi? Blanchi pour avoir dénoncé le blanchiment? La déontologie politique est-elle lavable en machine? Le landerneau, en tout cas, commence à bouillir. Et «Mr. Propre» entend bien savonner, sans relâche, ceux qui l’ont écarté des investitures africaines récentes…
Question naïve: pourquoi toiletter un système dans lequel on a joué le rôle de souillon en chef? Tous les bons représentants de commerce en lessive vous le diront: avant le test de nettoyage, il faut faire soi-même, devant la ménagère de moins de cinquante ans, les taches au cœur d’un linge inextricablement noué.
Laver son linge sale en famille
Mieux que Pierre Péan et sa République des mallettes, le nouveau «Mr. Propre» sait de quoi il parle. Ce repenti de 2011 a été le missi dominici incontournable des officines françafricaines. Le fidèle «bagagiste» a été à la double école d’un papa biologique et d’un père spirituel.
Le premier, Mahmoud Bourgi, ouvrira les portes des élites ouest-africaines au jeune Libanais né à Dakar. Le second, Jacques Foccart, lui apprendra les ficelles du métier officieux de go-between et de porteur de valises.
Le reste sera toujours affaire de «famille élargie»: Bourgi appelait Omar Bongo «papa», Abdoulaye Wade «tonton» et le fils d’Abdoulaye Wade appelait Bourgi «tonton». Jusqu’à ce que l’Oncle Bob raconte à la terre entière le coup de fil nocturne du ministre sénégalais pendant les émeutes de l’électricité.
Est-ce ce 28 juin 2011 que le tonton devenu flingueur a pris goût à la lumière médiatique? Bien avant, le lobbyiste aura discrètement respiré le soufre à plein nez. Prétendant travailler tout autant pour les Européens que pour les Français, le si-peu-avocat Robert Bourgi saura vendre sa camelote à tous, du Mobutu des années 90 au Gbagbo des années 2000. Plus fort que les VRP en chicorée Leroux!
Le lessiveur… lessivé?
Le temps a passé et les acteurs des relations géopolitiques incestueuses ont dissimulé les taches indélébiles sous les tapis d’orient. Si les uns voient sombrer leurs souvenirs françafricains dans l’anosognosie, d’autres, à l’inverse, semblent souffrir du syndrome de Gilles de la Tourette. Le débit verbal de Robert Bourgi paraît incontrôlable, charriant des anecdotes putassières destinées à mouiller le plus de gens avant le grand rinçage. Le plus de gens? Pas sûr. Encore faudrait-il savoir quelle main, dans l’ombre, frotte le linge quand l’œil ne voit que la lessive se faire mousser en pleine lumière.
Le porte-mallette se serait donc converti en porte-flingue «nettoyeur». Après tout, un paquet de lessive, c’est une comme une mallette de chef d’Etat africain. Ce qui compte, c’est le cadeau qui est à l’intérieur…
Désinhibé, ce «Mr. Propre» est une véritable tornade blanche. Le détergent ne risque-t-il pas de dissoudre bien autre chose que la saleté? Il est démontré que les agents de blanchiment que manipulent nos lessiviers sont des oxydants puissants qui peuvent détruire la matière organique. Ces enzymes gloutonnes au parfum de cèdre pourraient concurrencer le vitriol. Et la lessive s’autodissoudre. C’est dans les films que les repentis bénéficient d’une protection.
À force d’être corrosif, ce Mr. Propre pourrait bien être lui-même lessivé. Éclatera-t-il comme une bulle de savon? Comme le chante Tiken Jah Fakoly, «la politique France-Africa, c'est du blaguer-tuer».
Damien Glez
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